1998 : Le cri des cinémas arabes

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 » Si vous n’avez pas vu ce film, allez le voir. Si vous êtes cinéastes, restez pour le revoir une seconde fois car ce film est une leçon de cinéma, ce qui n’est pas rien pour un premier film !  » Le président d’honneur de la 4ème biennale des cinémas arabes à l’Institut du Monde arabe en juillet dernier, Costa-Gavras, ne tarit pas d’éloge pour West-Beyrouth, à l’abri les enfants ! du Libanais Ziad Doueiri qui sera présenté à partir du 2 septembre sur Canal Horizons et le 11 sur Arte. Car c’est un téléfilm qui a obtenu le grand prix de la biennale et donne une magnifique leçon de liberté. Doueiri, qui a été cadreur sur tous les films de Quentin Tarentino, raconte un épisode de sa vie. On est en avril 1975, au début de la guerre civile libanaise. Pour Tarek et Omar, c’est aussi la fermeture du lycée, une copine chrétienne et la ville comme un immense terrain de jeu…
En recevant son prix, Doueiri a appelé son gouvernement à ne pas censurer son film :  » Au Liban, on s’exprime beaucoup par injures ! Dans West-Beyrouth, si on censure les injures, on censure le peuple.  » On crie et on fait effectivement beaucoup crier dans West-Beyrouth, comme une incantation à la vie dans un monde en perdition, ce monde que les enfants filment à leur manière avec une caméra super 8, avec d’autres préoccupations que les adultes…
Ce cri, l’Algérien Merzak Allouache le pousse aussi dans Alger-Beyrouth pour mémoire, un téléfilm visible sur Arte le 7 septembre. Tourner au Liban une histoire d’amour et de mort entre la Libanaise Laurence et l’Algérien Rachid dans une ville déchiquetée par la guerre civile, une ville si proche d’Alger, une façon de s’en rapprocher… Après avoir tenté de prendre de la distance par une comédie avec Salut, Cousin, Allouache se fait grave à nouveau. Et critique dans le film les Algériens qui font de leur origine un fond de commerce en France. Une image très télévisuelle et un scénario trop prévisible grèvent le projet mais le film laisse une trace, sans doute parce qu’il ose aller au fond de l’horreur, et dévoiler le secret de Rachid…
C’est sans doute cette marque de la guerre qui touche le plus dans La Voix lactée du Palestinien Ali Nassar, prix spécial du jury : elle affecte l’équilibre des hommes et ouvre aux compromissions, au détriment de ceux qui les refusent. Servi par une solide dramaturgie et d’excellents acteurs, le film dévoile les jeux de pouvoirs dans les relations avec les autorités israéliennes.
Le rapport à Israël a tant dominé la pensée arabe depuis 1948 que le Syrien Omar Amiralay construit son long métrage documentaire Il y a tant de choses encore à raconter (grand prix IMA) sur les réflexions amères du célèbre dramaturge Saadallah Wannous sur son lit de mort. Génération dévouée à la cause palestinienne, génération désillusionnée mais lucide : le film se fait un appel à une nouvelle approche encore impensable il y a quelques années pour  » ne plus s’installer dans une hostilité immuable qui ne coûte rien « . Cri d’espoir, parole responsable, parole d’avenir qui semble faire le lien des films de cette biennale : et si jamais on pouvait vivre ensemble ?

///Article N° : 471

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