Afri’ Festival : Shurik’N à Urbano

IAM en solo

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Le  [Festival Urbano], qui se déroulera en Vendée le 29 et le 30 juin 2012, promet de belles surprises. Outre la présence de rappeurs incontournables de la scène actuelle tels que Youssoupha, Orelsan ou encore 1995, le festival verra le grand retour de deux légendes du hip-hop : le groupe new-yorkais EPMD et le célèbre rappeur d’IAM, Shurik’N, dont le second opus tant attendu est sorti le 23 avril 2012. Quatorze ans après le succès de son premier album solo Où je vis, Shurik’N ne déroge pas à la règle qu’il s’est toujours fixée, en offrant avec Tous m’appellent Shu, un album à son image : éloquent et efficace. Rencontre.

Un cocktail détonnant
L’art musical s’apparente souvent à un bon cru car il bonifie avec le temps. Vingt-trois ans après Red black and green premier maxi avec le groupe IAM, le rappeur Shurik’N n’a pas quitté la pente ascendante, comme si ce chemin lui était tout simplement destiné. La recette de ce succès se résume pourtant en un seul mot : l’envie. Pas de plan, pas de calcul, tout se tisse de fil en aiguille : « Mon premier album n’a jamais été fait dans l’optique de démarrer une carrière solo. Je n’avais donc pas de pression, tout ce que je savais c’est que je voulais sortir un bon album, amener ma pierre à l’édifice, produire quelque chose qui me ressemble et me prouver que j’avais la capacité de le faire seul en écrivant paroles et musiques. »
Chose faite, Shurik’N ne s’attendait pas au retour du public : « Je n’avais ni le temps ni le recul de voir ce que l’album avait donné, reconnaît-il encore épaté. J’avais réintégré la meute et je m’étais replongé dans le travail collectif. Ce n’est que très tardivement que j’ai pris conscience de l’impact que l’album Où je vis a eu sur les gens et la manière dont ils l’ont porté pendant tant d’années. Sur la route avec IAM, j’ai été au contact de jeunes qui n’avaient même pas l’âge de l’écouter à sa sortie. Ils m’ont parlé de paroles et de détails que j’avais moi-même oubliés. Bluffé, j’ai réalisé que cet album s’était transmis et que sa durée de vie allait bien au-delà de toute espérance. »
Nul doute que le retentissement de cette première production solo a pu alimenter l’envie du rappeur dont l’inspiration ne connaît pas de limite. Des matins fructueux aux nuits fécondes, Shurik’N écrit tout ce qu’il perçoit jusqu’à donner vie, quatorze ans plus tard, au bijou nommé Tous m’appellent Shu. Mélange d’ambiances et de styles, le nouvel album montre les différentes facettes d’un artiste complet. On y retrouve le côté sombre du précédant opus, notamment avec le titre Fugitif 2 mais aussi la chaleur old-school marseillaise propre au groupe IAM. En duo avec Akhenaton, Le sud rendrait nostalgique n’importe quelle personne issue de la génération « Y » dont l’enfance aurait été bercée par les sons nineties des cités phocéennes. Pourtant, l’artiste ne s’arrête pas là. Allant jusqu’à faire les chœurs dans plusieurs de ses morceaux, l’Oncle Shu innove, détonne et offre un large panel, comportant musique actuelle beats légendaires, que jeunes et moins jeunes ne peuvent qu’apprécier. « Il s’agit d’un album plus lumineux mais le contexte reste malheureusement le même, déplore-t-il, son café à la main. Force est de constater de plusieurs textes que j’ai écrit il y a maintenant plus d’une dizaine d’années, sont encore d’actualité et encore justifiés encore aujourd’hui. »

« Avec IAM nous nous considérons comme des journalistes urbains »
À 46 ans, avec plus d’une trentaine d’albums à son actif et une renommée internationale qui ferait pâlir plus d’un, Geoffroy Mussard de son vrai nom, d’origine malgache et réunionnaise, conserve l’humilité du débutant. À la vie comme à la scène, l’homme et le père ne se différencient pas de l’artiste. Tranche de vie,chanson entièrement écrite durant ses différentes tournées à travers la France, en est un magnifique portrait. « Ce qui est important c’est ce que je fais et non ce que je représente. Grâce aux gens que je rencontre, je réalise que certains de mes morceaux on des répercussions sur la vie de ceux qui les écoutent mais je ne m’érige pas en icône du rap pour autant. J’aime observer, rester discret et même si c’est très gratifiant, je dois avouer que les compliments me rendent mal à l’aise. Je me vois simplement comme quelqu’un qui fait de la musique, qui a la chance d’avoir un micro et qui essaie d’en faire la meilleure utilisation possible afin que ceux que je suis censé représenté n’en aient pas honte. C’est la position que devrait avoir tout artiste selon moi. Cela fait vingt-cinq ans qu’avec IAM nous nous considérons comme des journalistes urbains, il s’agit d’une mission. »
Réserve bénéfique donc puisque Tous m’appellent Shu témoigne admirablement de l’ambiance pernicieuse de ces dernières années. Racisme ambiant, inquiétude pour les générations à venir ou malaise d’une société dans lequel subsistent une myriade d’incohérences, Shurik’N fait état de la réalité d’un monde malade, en insistant et en revendiquant son statut de « journaliste plus que phénomène ». « De la même façon que la toile représente une source d’information, le rap rend compte de la réalité du quotidien, explique-t-il. Mon point de vue est celui d’une personne qui évolue dans cette société et qui est donc plus à même d’en voir aussi les défauts. Le racisme je le subis aussi, je regarde les infos comme tout le monde et j’écoute ce que certains se permettent de dire sous couvert de la liberté d’expression et je déplore le manque de changement. Je pense que problème de base réside dans l’ignorance des personnes qui font et qui dirigent cette société. Ils n’ont hélas aucune idée du pays dans lequel ils vivent. »
Paradoxalement et heureusement, Oncle Shu ne se contente pas de mettre des mots sur de sombres évidences. À travers plusieurs morceaux Ici, Une flamme dans le noir ou encore Vivre, se dessine une petite lueur d’espoir. « Bien sûr, il y a quand même, dans cet album, des morceaux qui portent des messages optimistes, à l’instar de Bombe le torse. Même s’il est vrai que nous ne sommes pas tous nés sous la même étoile, il y a quand même des issues et des moyens pour s’en sortir. »
Tant qu’il y’aura des choses à dire, il y aura des choses à écrire…
Un nouvel album, en tournée cette année, un album prévu avec IAM en 2013, suivi sûrement d’une autre tournée avec le groupe, Shurik’N n’est pas prêt d’en finir avec le monde du hip-hop. »Tant qu’il y aura des choses à dire, il y aura des choses à écrire donc je ne suis pas prêt de partir, s’amuse-t-il. La vie et l’état physique imposeront peut-être un arrêt ou une sorte de recyclage, on ne sait jamais. Je produis déjà, j’écris aussi pour d’autres artistes donc le jour où je ne pourrai pas tenir sur mes jambes, je ne vais pas les gambader sur scène. Pour le moment, j’ai encore envie de m’exprimer, ma passion pour le rap n’est pas éteinte, je m’éclate toujours autant donc il n’y a aucune raison que cela s’arrête. »
Conscient du fait que le rap soit de plus en plus pointé du doigt, le rappeur ne se tracasse pourtant pas : « Ce qui se passe avec certains rappeurs montre bien que la liberté d’expression ne s’applique pas à tout le monde. J’ai souvent entendu des choses qui justifieraient des réactions plus vives que celles qu’ont entraînées certains propos de rappeurs quels qu’ils soient. Il nous est arrivé aussi d’avoir quelques problèmes, nous sommes connus pour notre côté virulent et subversif quand cela est nécessaire mais il est important de comprendre que chaque rappeur a son identité. C’est aussi une question de forme. Après, ces mêmes questions beaucoup ne se les posent pas quand Zemmour raconte des conneries ou quand Morano déverse des insanités en toute impunité. »

///Article N° : 10850

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Les images de l'article
© http://www.urbano-festival.fr/
Portrait de Shurik'N © Dada Inc
Shurik'N © Dada Inc





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