Afrik’aïoli, de Christian Philibert

Les gens normaux sont exceptionnels

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En sortie sur les écrans français le 22 janvier 2014, le nouveau film de Christian Philibert met en scène avec une évidente empathie un duo de touristes méfiants qui finiront par se décoincer.

Christian Philibert retrouve ici Espigoule et le procédé du faux documentaire de ses précédents films (Les Quatre saisons d’Espigoule, 1999 ; Travail d’Arabe, 2003) : des personnages lâchés en situation qui semblent improviser pour tenir l’écran, pour le meilleur et pour le pire. Les stéréotypes s’expriment ainsi au grand air, dans toute leur franche naïveté.
Le procédé est particulièrement opérant pour l’Afrique, soumise à tant de clichés bien ancrés, par exemple lorsque les deux copains au fort accent du Sud, Mohamed et Jean-Marc (qui portaient déjà ses précédents films), débarquent au Sénégal pour y passer des vacances soi-disant pas chères. Echaudés par les impondérables et les coûts imprévus, ils ne cessent de se méfier et de se plaindre, jusqu’à ce que Modou, payé pour les accompagner, se rebiffe. Leur ethnocentrisme bon enfant ne supporte aucune contradiction. Leur vision du Sénégal est filtrée par la comparaison systématique avec chez eux et ne cherche jamais à comprendre les raisons et la pertinence du désordre apparent. Ils le subissent d’autant plus fortement qu’ils ne savent dépasser leur vision réductrice, s’enfonçant peu à peu dans la galère du touriste qui pense se faire plumer.
Et puis la relation humaine prend le dessus et l’équipée devient un partage avec les personnes rencontrées, dans le cadre restreint des accompagnateurs de touristes. Les deux compères comprennent qu’il vaut mieux se laisser bousculer que de suivre tout plan tracé, s’ouvrant ainsi à la découverte de l’Autre et aux incertitudes amoureuses. C’est cette histoire simple que conte Afrik’aïoli, dont le titre exprime bien que l’enjeu est de laisser sans forcer la mayonnaise prendre.
La discrétion de la mise en scène fait reposer le film sur la présence des comédiens, lesquels évoluent comme ils le feraient en pareille aventure, agaçants ou sympathiques, mais sans jamais atteindre une véritable épaisseur. On sourit sans rire, le regard du cinéaste étant plutôt amusé et tendre que dans la recherche de gags efficaces. C’est ainsi une complicité avec le spectateur que pose Philibert, un spectateur supposé franchouillard, à même de s’identifier au duo lui-même très cliché de supporters de l’OM, buveurs de pastis au grand coeur.
Il n’est pas sûr que le spectateur se sente aussi Astérix que cela, ni que les Africains se retrouvent dans les personnages du film, mais celui-ci n’ayant pour autre ambition que celle de rigoler du voyage et de proposer le dépassement de l’impossible rencontre, et au fond de déconstruire le préjugé en sortant de ses gonds, sans doute constitue-t-il un bon antidote au mépris avant de tenter l’aventure.

///Article N° : 11979

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Les images de l'article
Mohamed Metina, Jean-Marc Ravera, Modou Cissé © Les Films d'Espigoule
© Les Films d'Espigoule
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