Ce très volumineux volume a magistralement clos l’année 2013 au long de laquelle d’innombrables manifestations de tous ordres se sont déroulées à l’occasion du centenaire de la naissance d’Aimé Césaire (1913-2008). Que rêver de mieux pour célébrer un écrivain que de rassembler l’ensemble de ses textes accompagnés d’un appareil critique savant ?
Ce quatrième volume de la collection dirigée par Daniel Delas et Claire Riffard succède à ceux consacrés au Sénégalais Senghor (2007) et au Malgache Rabearivelo (2010 et 2012). La démarche de l’équipe internationale coordonnée par le professeur américain Albert James Arnold (mais qui ne comprend aucun Antillais) est, comme pour les précédents, résolument génétique. Les différents spécialistes, devenus souvent des enquêteurs perspicaces, présentent les dossiers génétiques de chaque uvre, soit les divers documents permettant de suivre l’élaboration du texte (lettres, documents de travail, corrections) puis les formes successives de l’avant-texte et les variations au fil des publications successives. Cet immense travail parmi les archives et les documents quelquefois perdus et retrouvés permet de suivre au plus près un Césaire aux prises avec des contextes et des périodes différents dont la plume est plus ou moins tranchante, le verbe toujours en un français pur mais tantôt clair tantôt hermétique. On retrouvera ainsi la même fougue chez l’étudiant, le poète, le dramaturge, le député, le maire, l’essayiste. Car si l’on savait Césaire poète et dramaturge, et bien sûr ardent élu, on découvrira ici l’auteur d’aphorismes et l’orateur à travers nombre de ses discours prononcés dans des colloques ou lors de célébrations diverses et l’ensemble des articles publiés au début de sa carrière dans diverses revues. La dernière partie du volume, intitulée « le contexte » présente d’intéressants documents et réflexions sur le rapport de Césaire à la traduction puis une analyse lucide du professeur congolais Antoine Tshitungu Kongolo à propos de l’influence (très relative) de Césaire sur les intellectuels africains. Divers portraits et hommages de personnalités françaises (Sartre, Breton, Annie Le Brun) et antillaises (Glissant, Condé, Zobel) constituent un chur un peu trop unanime où manquent les avis des partisans de la créolité (le différend avec Confiant est rapidement évoqué p. 1634) et des écrivains africains et malgaches de la génération suivante. À noter que les textes non littéraires, en particulier ses interventions politiques et sa correspondance (privée car la Lettre à Maurice Thorez publiée en 1956 est présentée), ne figurent pas dans ce volume mais dans Les écrits d’Aimé Césaire publiés par Kora Véron et Thomas Hale (Champion, 2013) et, pour les discours à l’Assemblée nationale, dans un volume à paraître aux éditions Jean-Michel Place. On trouvera bien sûr, l’indispensable et foisonnante bibliographie secondaire où se mêlent des ouvrages critiques et des actes de colloque sur l’uvre, les ouvrages qui furent les références de l’auteur (dont Frobenius, Hérodote, Lénine, Bossuet ou Lautréamont) et des ouvrages sur l’auteur lui-même. En revanche, ne figurent ni les références des traductions qui permettraient de mesurer l’ampleur de sa diffusion ni les innombrables articles consacrés à cette uvre et dispersés dans des revues. Enfin, le glossaire présente une partie des mots rares utilisés par Césaire avec les définitions empruntées aux ouvrages de Hénane (1999) ou Diop (2010).
Alors, comment qualifier ce travail autrement qu' »énorme » et « indispensable » à quiconque accepte de s’immerger dans une des grandes uvres du siècle pour tenter d’en suivre les méandres, sans jamais prétendre comprendre le mécanisme secret qui anima cet infatigable inventeur et imprécateur nommé Aimé Césaire.
Albert James Arnold (coordonné par) Aimé Césaire – Poésie, Théâtre, Essais et Discours. Paris, AUF – Présence africaine – CNRS – éditions Item, 1805 p.30 janvier 2014.///Article N° : 12066