Anna l’enchantée

De Monique Mbeka Phoba

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« J’emprunte une voie dont je ne connais pas la fin », chante Anna Teko. C’est de cette incertitude que parle Anna l’enchantée et c’est tout son intérêt. Loin d’être un plat documentaire sur une vedette en devenir (on ne la verra que très peu chanter ou répéter), le film dépasse largement son sujet en se centrant sur l’entre-deux que vit déjà Anna en étant allée en France. Une bourse de l’Unesco pour parfaire sa formation musicale et voilà cette jeune fille de 16 ans qui chante déjà sur les scènes depuis qu’elle a 8 ans catapultée au pays où « même les Africains ne répondent pas quand on leur dit bonjour ». La France, elle n’a pas aimé : problèmes avec sa famille d’accueil, solitude, difficulté à comprendre l’accent des Blancs, désastre scolaire… Mais en revenant dans sa communauté, ce sont les jalousies qui l’accueillent. On la traite de voleuse, de traînée : les rumeurs vont bon train. « Tu as déjà trop voyagé » : Anna ne peut mettre de côté les interrogations que porte son expérience de l’ailleurs. De savoureuses altercations avec sa belle-mère et sa sœur sur la parité hommes-femmes, la parole laissée au père qui, d’ascendance royale, « a la polygamie dans le sang » et effectivement 5 femmes et 31 enfants qu’il mène à la baguette… Le regard se fait volontiers sociologique. S’il ne tombe pas dans l’anecdote, c’est que les questions d’Anna sont bien vivantes, comme lorsqu’elle parle avec sa mère qui lui avoue avoir dû arrêter de chanter pour ne pas éveiller la jalousie de son mari. La beauté du cadre et le rythme du montage concourent dès lors à libérer l’émotion que ne manque pas d’éveiller sa soif de réussir. Lorsque le film redemande finalement : « C’est toi, Anna Teko ? », elle nous est devenue proche, familière, et à travers elle tous ces jeunes Africains en quête d’identité nomade.

52 mn, 2001, beta SP, Karaba productions ([email protected])///Article N° : 2433

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