Au carrefour de la danse, du mime et du théatre

Entretien d'Ayoko Menash avec Faustin Linyekula, de la compagnie kenyane Gaara

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Créée en 1996, la compagnie Gaara a remporté le 3ème prix du Concours chorégraphique interafricain organisé en Angola en avril dernier. Elle serait actuellement la seule compagnie de danse contemporaine au Kenya.

Votre création Cleansing explore l’éventail des gestes liés au nettoyage et à la purification. De la tâche ménagère banale au rite de purification en passant par l’idéologie d’extermination raciale ou ethnique. Vous parvenez à lier avec bonheur humour et gravité. Comment travaillez-vous sur ces deux registres ?
Nous travaillons beaucoup à partir d’improvisations en triangle où chacun de nous prend successivement le  » leadership « . Au départ, nous nous arrêtons sur des choses qui nous paraissent bêtes, des gestes quotidiens, par exemple. Cela nous permet de casser le cadre des conventions. Nous cherchons ensuite comment basculer d’un geste quotidien à la danse pure.
Dans nos créations, nous évoquons des choses très dures mais la vie, ce n’est pas que cela… Même au milieu d’un deuil, il y a des gens qui savent rire, qui racontent des blagues. Pourquoi donner toujours des spectacles lourds ? On prend au sérieux notre travail mais sans se prendre au sérieux, sinon on est mort ! Pour fuir l’ennui, on se sert de notre humour dans la vie quotidienne. On approfondit, par la dérision, le côté comique de certaines expressions en introduisant des mouvements saccadés, des distorsions. L’idéal serait de conserver la même légèreté, le même humour dans la danse pure. Trouver la théâtralité même du mouvement.
Qu’est-ce que le mime apporte à votre danse ?
Pour nous, il n’y a pas de frontière entre la danse, le mime et le théâtre. Notre recherche chorégraphique intègre tous ces éléments. Par sa formation de mime, Opiyo (Opiyo Okach, chorégraphe de la compagnie, NDLR) est très sensible aux analogies avec les animaux. Dans Cleansing, nous jouons sur tout un réseau d’ambiguïtés qui fait naître l’humour. Il y a un passage où l’on se demande si ce sont des hommes ou des animaux qui parlent. A la fin du spectacle, nous nous versons sur la tête nos bols plein d’eau. Est-ce juste pour se rafraîchir ou est-ce un geste plus rituel ? Nous tenons beaucoup à ces ambivalences.

///Article N° : 528

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