Balbala

D'Abdourahman A. Waberi

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Du fond d’une cellule crasseuse et étouffante de la prison où il est incarcéré, Waïs, champion international de marathon, hier encore fierté de son peuple et surtout de son gouvernement, fait des plongées vertigineuses et dangereuses dans l’océan du passé et de longues incursions dans le lac du présent de son pays, Djibouti, et aussi de l’Afrique. Entre les quatre murs de sa solitude, et face à l’incertitude du sort que lui réservent les maîtres de l’éditorialiste laudateur qui a toujours pris Tchicaya U Tam’si pour un judoka bulgare, Waïs pouvait s’estimer bienheureux de pouvoir  » rêvasser, nager à contre-courant pour rejoindre les rives de la mémoire, ou encore tenter de tisonner les brandons de l’insoumission « . Depuis qu’il a été embastillé avec deux de ses amis, Yonis et Dilleyta, et avec sa soeur bien aimée, Anab, et accusé de  » sédition  » et de conspiration contre  » l’unité nationale  » et de son corollaire  » l’intégrité territoriale « , Waïs a tout le temps de réfléchir aux indépendances africaines ratées, aux espérances laminées par les nouveaux féodaux qui ont tout confisqué à des peuples rendus déjà exsangues par une course sans fin vers la paix et un tout petit bout de bonheur. Waïs pense aussi à toutes ces générations dont l’enthousiasme et les ambitions ont été définitivement castrés par les apôtres de la dictature et de l’intolérance et ont finalement hérité  »  d’une douleur commune dans un espace déshérité, des traditions guerrières toujours en vigueur, des conflits frontaliers, des belligérances civiles, des réfugiés par millions, l’ivresse tourbillonnante de l’Histoire, l’effroi dans l’échine et la déshérence au quotidien...  » Ce second texte de Waberi se situe à la frontière de la nouvelle et du roman et confirme que le Djiboutien dispose d’une énorme marge de progression. Balbala n’est sans doute pas un livre optimiste, mais qui a dit qu’un écrivain devait forcément avoir une écriture et une pensée arc-en-ciel ?

Balbala, de Abdourahman A. Waberi, Le Serpent à plumes, 188 p., 119 F///Article N° : 198

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