Black/White (Guess Who)

De Kevin Rodney Sullivan

Trop politiquement correct pour toi
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Les parents de Theresa fêtent leurs vingt-cinq ans de mariage. Celle-ci va en profiter pour leur présenter son petit ami Simon et annoncer leurs fiançailles. Si vous avez vu Meet the Parents, vous savez que les choses risquent de se compliquer très vite. Theresa n’a pas prévenu ses parents que son petit ami est blanc : il est clair qu’on court à la catastrophe. Black/White est une comédie romantique amusante, dont les quatre personnages principaux sont attachants et crédibles. L’humour est plutôt porté sur le premier degré, et on ne peut pas dire que les producteurs aient exploité le style habituellement décapant de Bernie Mac. On se passerait bien de toutes les répliques sur le New Jersey – il doit falloir être new-yorkais, ou pote avec Matt Damon, pour apprécier. Qu’est-ce qui est supposé être le plus drôle, des multiples blagues sur les homo-, pardon métro-, sexuels, censées faire le lien entre l’homophobie et le racisme (inoffensifs bien sûr) du père, ou que ce même père ouvertement homophobe ne voit aucun inconvénient à dormir dans le même lit que son futur gendre ? De même on frise allègrement la misogynie, plus par nécessité de trouver un terrain d’entente aux hommes que par réelle conviction, et si le film ne traitait pas avant tout du racisme, on ne se fatiguerait même pas à le remarquer.
Le but est bien évidemment de rire des clichés sans pour autant tomber dans la caricature. Ainsi le patriarche adore le sport, bien sûr, mais le NASCAR (stock car) plutôt que le basket. C’est un bon danseur, sauf que pour le tango, c’est le petit Blanc fils d’une prof de danse qui s’en sort le mieux. Comme par hasard son père, qu’on ne peut imaginer que blanc, a quitté le foyer sans laisser d’adresse, alors que les parents de Theresa offrent un modèle d’amour et de fidélité. Quant à savoir si c’est par méfiance que Simon n’a pas laissé le porteur prendre son sac à l’hôtel, le donneur de leçons afrocentriques n’est aucunement dérouté de voir que le porteur se trouve être blanc. Le but est bien de faire perdre ses moyens à celui qui a osé voler le cœur de sa fille. Pour preuve, la chambre a été réservée bien avant de savoir s’il était blanc ou noir.
Black/White, au titre trompeur en  » français « , est censé être un remake du non moins politiquement correct Guess Who’s Coming to Dinner (Devine qui vient dîner ?) de 1967. C’est toujours la jeune fille qui présente son fiancé à son cher papa, sauf que cette fois le dîner se passe chez les parents noirs, et non chez Katherine Hepburn et Spencer Tracy. Les questions ne sont pas les mêmes, les  » temps ont changé  » et on parle plus librement du racisme qui divise les familles. Ainsi le dîner est-il perturbé par la réprobation du grand-père. Simon l’excuse volontiers, expliquant que sa propre grand-mère, si aimable d’apparence, n’est elle-même pas exempte des vieux préjugés d’un autre temps. C’est là que la conversation dérape, alors que Simon a bien des difficultés à juger de jusqu’où il peut aller. Une blague sur les Noirs ça va, mais trois… La dernière, qui fait référence à la difficulté des hommes noirs à trouver du travail, ne fait plus rire personne, justement parce qu’elle se rapporte aux conséquences quotidiennes bien réelles du racisme. Cette scène résumerait-elle la faiblesse du film, dont l’humour laisse parfois à désirer ? Le racisme serait-il un sujet trop sérieux pour en rire ? On a tendance à le penser. Mais en allant relire les commentaires postés sur les forums de la gigantesque base de données américaine IMDb.com, j’ai changé d’avis : les 350 messages écrits en réponse à la question  » pourquoi y a-t-il des gens qui se blanchissent la peau ?  » avaient été effacés par un  » administrateur  » de IMDb. Il y a deux jours, seuls certains messages étaient censurés. Désormais, le sujet n’apparaît plus. Pour avoir lu les messages non encore censurés, je ne vois pas ce qui a pu motiver les administrateurs à prendre cette décision. Des internautes semblaient discuter plutôt sereinement d’une question parfaitement sérieuse, sachant que les remarques sur les pâleurs progressives de Michael Jackson ou d’Eddie Murphy sont loin d’être des scoops. Donc plutôt que de m’associer à la critique unanime sur la niaiserie de ce film excessivement PC, je me rends à l’évidence : à Hollywood, soit on en rit, soit on n’en parle pas du tout. C’est sûr qu’on n’a jamais vu Bernie Mac aussi sage. On n’a pas souvent vu non plus un Blanc et une Noire former un couple aussi affectueux et qui, on le sent bien, pourrait oublier complètement leur différence de pigmentation si seulement on leur en laissait le loisir. Mais voilà, comme dit Bernie Mac, le monde ne va pas changer parce qu’on en a envie, alors autant s’amuser un peu, ce que le film fait finalement très bien.

2005, avec Bernie Mac (Percy Jones), Ashton Kutcher (Simon Green), Zoe Saldana (Theresa Jones), Judith Scott (Marilyn Jones). Une production Columbia Pictures.///Article N° : 3941

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