Bravo

De Fania All Star

Que viva la salsa !
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Fania All Stars est au Zénith le 16 janvier, une bonne occasion de retracer l’histoire de la salsa !

Les origines de la Salsa remontent au milieu des années 60. Dans les barrios, les quartiers latins de New York, la rencontre des divers rythmes afro-cubains avec la musique de Portorico et le style des big bands de jazz produisent un nouveau genre dans lequel se reconnaissent les communautés émigrées de la Caraïbe.
« Salsa est une manière différente d’appeler la musique cubaine. C’est le mambo, le cha-cha-cha, la rumba, le son… tous les rythmes cubains réunis par un seul nom« . Raccourci péremptoire que celui de Celia Cruz, la flamboyante contralto de la Sonora Matancera et de Fania All Stars, devenue légende vivante et consacrée « Reine de la Salsa », elle qui foule les planches des salles de spectacle du monde entier depuis bientôt un demi siècle !
Fiers de leur épopée musicale qui a fait de l’île natale un des berceaux musicaux les plus fertiles de la planète, les musiciens cubains n’hési-tent pas à identifier le sound torride éclos à East-Harlem comme la filiation dernière de leur illustre dynastie.
« Je crois que le Son est audessus du Danzon. On dit aujourd’hui ‘Salsa’. C’est quoi Salsa ? Le ‘Son’ ! Pas autre chose ! On continue à jouer du ‘Son’. Ils disent ‘Salsa’, c’est leur problème. Nous, on maintient le ‘Son’, le ‘Son’, le ‘Son’…« .
Pour le vocaliste actuel du Sexteto Habanero, Manolo, comme pour Celia Cruz, les doutes ne sont pas admis. Suite à l’exportation au-delà des frontières insulaires du Son, style rural venant de la province d’Oriente et popularisé à La Havane pendant les années 20, la Salsa est née aux States sous une forme nouvelle, en particulier marquée par l’emploi de soufflants.
Pourtant, elle intègre d’autres éléments, portoricains notamment, comme la Bomba et la Plena, où la pulsion africaine du tempo est évidente.
Au départ adoptée par les couches défavorisées hispanophones ou d’origine antillaise en quête d’identité, elle évolue dans les bas-fonds et préfère la misère des coins de la rue aux salles luxueuses du Palladium, temple new-yorkais de la musique latina.
On pourrait peut être dire de la Salsa, comme le romancier cubain Alejo Carpentier le faisait pour la Rumba, qu’il s’agit d’une atmosphère, d’une manière d’interpréter la musique plutôt que d’un rythme ou d’un genre précis. Ce sont surtout les musiciens portoricains installés dans la cité cosmopolite –Eddie Palmieri, Ray Barreto, « Mon » Rivera et tant d’autres – qui opèrent la convergence des styles.
DËs lors, tous les afro-latinocaraïbéens – immigrés à Boston, Miami, New York et San Francisco, ou vivant chez eux – ont une musique qui en réunit les aspirations, en exprime le feeling et devient le point de repère majeur de cette large collectivité.
« Naturellement, je possède des albums de salsa, que j’ai achetés dans des petits magasins de disques latinos de la 14ème rue à New York. Je sais ainsi que ce n’est pas un nouveau genre de musique, mais bien la continuation, en plus sophistiqué et en exil, de la musique traditionnelle de Cuba« . Comme tout latino-américain de passage dans l’immense cité cosmopolite, l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez ne pouvait pas manquer de faire un petit crochet dans les rues de Manhattan pour se procurer les derniers enregistrements d’un Tito Puente, d’un Willie Colon ou d’un Rubén Blades.
L’émergence de la Salsa couronne ainsi plus d’un siècle d’influence latine en Amérique du Nord, où New York joue le rôle de laboratoire et de plaque tournante de la musique.
Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, un musicien de la Louisiane, Louis Moreau Gottshalk, qui était Ègalement un ami de Chopin, de retour à la Nouvelle Orléans après un voyage à Cuba, introduit de nombreux éléments du répertoire latino dans ses compositions
Plus tard, en 1913, ont lieu à Broadway une série de représentations de « The Sunshine Girl », une comédie musicale qui va populariser le tango.
Pendant l’après-guerre, des groupes de marimbas guatémaltèques évoluent aux States et, aux alentours des années 30, la Rumba déferle. La fusion jazz-latino commence à se manifester, grâce aussi à l’apport de musiciens mexicains qui avaient expérimenté les formes d’orchestration des Noirs nordaméricains.
A cette époque, Xavier Cugat avait déjà inventé la version commerciale et exotique de la musique latine, avec avant-spectacle de jolies filles : on se rappellera d’une certaine Rita Hayworth lors des premières apparitions de sa formation.
Mais c’est dans les boites de East Harlem qu’une vrai scène latine underground se développe. Des artistes cubains comme Socarras (années 30) et Machito (années 40) en sont les figures les plus significatives.
Les années 50 saluent l’arrivée du Cubop (ou jazz afro-cubain…) et du Mambo. Issu du Diablo, création d’Arsenio Rodriguez, et du Nuevo Ritmo du flûtiste cubain Antonio Arcano, ce dernier est popularisé par le doigté magistral du pianiste Perez Prado.
Avec l’arrivée du Rock’n roll et l’essoufflement de la Pachanga, oeuvre d’Eduardo Davison, en vogue jusqu’au milieu des années 60, la musique latina d’ « expression new-yorkaise  » subit un déclin temporaire.
Elle se reprend vite par des sursauts souterrains, l’engouement pour les Charangas, le retour du Son pur et le mouvement de descargas, ces jam-session qui participent de l’avènement de la Salsa. Et ce n’est pas un hasard si cette définition, déjà utilisée par les musiciens cubains lors d’une séquence particulièrement swinguante, est lancée dans un article du magazine Latin New York, où il est question d’un concert de la Fania All Star. Car cette formation réunissant les grosses pointures de la musique latine new-yorkaise a joué un rôle de propulsion majeur de la Salsa aux Etats-Unis et dans le monde entier.
Créée en 1964 dans un studio de Manhattan par Jerry Masucci, dynamique homme d’affaires juifaméricain d’origine italienne, et par le percussionniste-flûtisteproducteur cubain Johnny Pacheco, Fania est tout d’abord un label.
Trois ans après, deux organisateurs de spectacles proposent au couple de rassembler tous les artistes de la maison pour un gigantesque boeuf, avec l’intervention d’autres guest-stars d’envergure, tels Tito Puente et Eddie Palmieri.
Les deux premiers enregistrements de la Fania All Stars datent de cette période et, vu le bon démarrage, les gros moyens seront dorénavant employés pour faire de cet orchestre époustouflant le porte-drapeau d’un genre qui va conquérir le monde. Avec Ray Barreto, Willie Colon, Larry Harlow, Johnny Pacheco et Bobby Valentin, l’écurie-Masucci ne craint pas la concurrence, alors que les investissements en publicité, promotion, tournées ou documentaires augmentent les ventes. En 1973, la projection du film Salsa marque l’âge d’or d’un mouvement qui connaîtra par la suite, des hauts et des bas.
Il est vrai que la commercialisation engendre une certaine standardisation, que la mode en atrophie l’élan créatif, que son succès marginalise d’autres expressions également populaires et qui auraient pu l’alimenter… Mais si la Salsa rebondit jusqu’à aujourd’hui avec ses voix ivres de plaisir, ses choeurs teintés de romantisme, ses riffs de cuivres trépidantes, son tempo fébrile, les raisons ne doivent pas manquer.
Elles se trouvent probablement dans son assise populaire, dans une vibration qui la parcourt toute entière, et dont les racines remontent au grand arbre de la musique, dans l’Afrique ancestrale.
Ainsi Bravo, dernière parution de la Fania All Stars, témoigne d’une vitalité incorruptible et de la longé-vité étonnante de ces artistes qui en ont écrit l’histoire avec celle de tout le patrimoine caraïbéen. Avec Johnny Pacheco, Celia Cruz, Papo Lucca, Pete Conde Rodriguez, Roberto Roena, Willie Colon, Ismaèl Miranda et les autres… Que viva la Salsa !

Bravo, de Fania All Star (Déclic Communication)///Article N° : 254

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