« Cela m’a pris beaucoup de temps de prendre possession de moi-même »

Rencontre avec Paul Hanmer, compositeur

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Pour ce pianiste de 40 ans, métis du Cap, tout a commencé en 1987 à son arrivée à Johannesburg. Avant, il jouait des tubes du hit parade dans des hôtels de la côte, à Durban, avec des orchestres salariés. « Nous étions au bord de la piscine et nous regardions le pays brûler à la télévision« , se souvient-il. Johannesburg l’africaine a été pour lui une révélation. La ville l’a mis en prise directe avec la réalité du pays, tout en lui permettant la rencontre avec des musiciens noirs de sa génération, les Don Laka, Vusi Khumalo et autres Mc Coy Mrubata. Les trouvant dotés d’un « héritage puissant« , Paul Hanmer, en tant que métis, s’est d’abord senti perdu. « Je ne savais pas ce que les Hanmer chantaient il y a 200 ans« , explique-t-il. Un préjugé bien enraciné l’a par ailleurs persuadé qu’un visage pâle à lunettes ne pouvait pas prétendre jouer, les Noirs ayant seuls ce don…
Peu à peu, il s’est senti appartenir à la ville et au monde solidaire des musiciens. Il a noué une solide amitié avec McCoy Mrubata, un saxophoniste qui a longtemps tourné avec le chanteur de reggae Lucky Dube et Hugh Masekela. Après un premier disque, Window to elsewhere, son second album, Trains to Taung, enregistré en 1995, est sorti deux ans plus tard. Succès. Plus de 20 000 exemplaires vendus. Ce disque d’excellente qualité reflète la vénération de Paul Hanmer pour Keith Jarrett. Un respect bien plus grand que celui qu’il a pour Abdullah Ibrahim, le mastodonte du piano jazz sud-africain. S’il reconnaît bien sa ville, Le Cap, dans la musique d’Abdullah Ibrahim, Keith Jarrett reste pour lui « le » maître. « Dès les premières notes que j’ai entendues de lui, j’ai su qu’il avait été formé de manière classique, tout en étant capable d’interpréter merveilleusement des standards américains, explique-t-il. Voilà pourquoi je suis là. J’ai appris la tradition de mon instrument, le piano, en passant par la musique baroque, la renaissance, le romantique… Ce que je croyais être un handicap a été une préparation fantastique. »
Ce n’est qu’à Johannesburg mais aussi en écoutant Keith Jarrett que Paul Hanmer a compris qui il était. Ce qu’impliquait être métis : avoir absorbé la culture européenne et être en même temps africain. Sa musique découle de ce double héritage. « J’appartiens à la musique sud-africaine, mais pas forcément au jazz, explique-t-il. Si l’on parle du jazz au sens large, alors oui. Si le jazz inclut la musique folk, la culture indigène du pays, alors oui. Si le jazz inclut l’utilisation de formes harmoniques européennes, américaines et africaines, alors oui. S’il inclut l’improvisation, oui, absolument, je fais du jazz ». Du jazz, donc, mais sud-africain.

///Article N° : 1882

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