Cinquième édition du Festival International de Théâtre du Bénin

Il ne s'est rien passé !
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Du 18 mars au 1er avril 2000, a eu lieu le cinquième festival international de théâtre du Bénin (Fitheb). Sans aucune surprise, cette édition n’a donné prétexte à aucun événement. Certes, les quatorze ou quinze troupes invitées, dont sept ou huit du Bénin – le programme n’a pas cessé d’être modifié jusqu’au dernier jour ! – ont répondu présentes. Mais pas les spectateurs. On pourrait même dire que tous les records de désertion des salles ont été battus. Battus également, les records du ridicule autour d’un non-événement dans lequel même le gouvernement a brûlé de jouer un rôle.

Créé en 1991 par Yves Bourguignon, directeur du Centre culturel français de Cotonou, avec la complicité de Darastone Dadélé, alors directeur de la Culture au ministère de la Culture du Bénin, le Festival international de théâtre du Bénin est devenu très vite célèbre – parce qu’il donne l’occasion de cinq représentations aux compagnies invitées, avec les cachets les plus substantiels jamais alloués par un festival en Afrique. Déjà, la possibilité de cinq représentations dans un même pays hôte en l’espace de dix jours était une révolution dans les mœurs théâtrales en Afrique. Ainsi, les compagnies théâtrales ont vite adhéré à un Fitheb que les qualités d’animateur et de manager d’Yves Bourguignon ont permis de développer au Bénin, en mettant à l’écran des « responsables » béninois. Le festival avait fini par prendre la couleur de la coopération entre la France et le Bénin, avec ses atouts, mais également ses travers et les ressentiments qu’elle peut provoquer de part et d’autre.
Après les compagnies, le public a adhéré de plus en plus massivement au Fitheb. La fréquentation des théâtres a augmenté de manière exponentielle, suivant les éditions. Les chiffres évalués à ce propos ne correspondent jamais à rien et il est inutile de les reprendre. Ils sont d’autant plus fantaisistes que les écarts peuvent atteindre 50 % selon les sources. Néanmoins, il est évident qu’à vue d’œil, la fréquentation des salles devenait de plus en plus abondante jusqu’à la quatrième édition.
C’est depuis cette édition que les Béninois ont décidé de ne plus servir d’écran et que des convoitises se sont dévoilées pour la direction du Fitheb. Elle était déjà si mal organisée que l’on pouvait se demander quel intérêt l’Etat béninois avait à financer cet événement au détriment d’autres priorités. Les répercussions de cette mauvaise organisation ont eu la vie si dure que l’édition suivante fut repoussée d’une année pour n’avoir lieu finalement qu’en ce mois de mars. On a alors pris les mêmes et on a recommencé de la même manière.
Trois raisons concrètes expliquent l’indifférence du public à cette édition
Premièrement, à six jours de l’événement, aucune affiche n’était visible à aucun endroit de Cotonou ni dans les quatre autres villes (Ouidah, Porto Novo, Parakou et Abomey) où ont lieu les représentations. Aucun encart publicitaire ni dans les radios locales de ces villes ni sur la chaîne nationale n’a annoncé l’événement. Seule RFI diffusait un spot pour son petit auditoire de Porto Novo avec une audience très minime à Cotonou. Il a fallu une dénonciation de la radio nationale le dimanche 12 pour que cinq jours avant le festival, quelques petites affiches sombres fussent posées dans quelques rares coins discrets de Cotonou et qu’un mauvais spot, tant dans la conception graphique que dans le contenu, passât sur les écrans de nos chaînes de télévision. Les quatre autres villes auront droit aux mêmes simagrées la veille et l’avant-veille. Quant à la brochure programme du festival, elle ne paraîtra que sept jours après le démarrage pour tomber dans certaines mains distinguées le 26 mars. Bien entendu, certaines compagnies avaient déjà terminé leurs représentations.
Et comme si la mauvaise communication n’était pas suffisante pour éloigner le public, la direction du Fitheb a initié d’autres mesures draconiennes : les prix d’entrée. Ceux-ci ont été portés de 500 et 1000 francs à 2000 et 4000 francs. Très peu nombreux sont les Béninois qui peuvent s’offrir ce luxe pendant quatorze ou quinze soirs successifs. Et quand ils existent, en général, ce sont des personnalités invitées. Conséquence : on a pu assister à plus d’un spectacle avec moins de trente personnes dans la salle, dont la moitié était constituée des organisateurs.
Enfin, la qualité, disons modeste, de la sélection a contribué à garder constante la fréquentation, au moment où le bouche à oreille aurait pu avoir des répercussions. Les journalistes de la presse privée, dont la totalité des lecteurs se rendent au spectacle, n’ont pas cru devoir prendre leur distance dès le départ pour faire correctement leur travail. Ils ont décidé d’animer le journal du Fitheb dirigé par le directeur du Fitheb et ont parfois donné des comptes rendus contraires à leur propre appréciation, ce qui a fait réagir le public qui a dénoncé une triste mascarade. C’est alors et alors seulement, que vers la fin, ils se sont-mis à dénoncer un certain nombre d’irrégularités, notamment sur la transparence et l’organisation. Le public n’était alors plus disposé à les lire et y vit une révolte au fait qu’ils n’ont pas « perçu la part du gâteau » qu’ils espéraient.
Outre la maladresse de la presse, le non-événement a été consacré par d’autres comportements ringards et irresponsables. Les événements périphériques annoncés avec tapage n’ont pas eu lieu : aucune disposition n’a d’ailleurs jamais été prise pour les exécuter. Par exemple, il a été prévu, dans la brochure programme parue à mi-chemin de la manifestation, une formation qui devait avoir lieu à La Médiathèque des Diasporas. Or cette structure n’a jamais été sollicitée pour s’impliquer, de quelque manière que ce soit, au Fitheb. De même, on a jamais vu aucun des formateurs annoncés, ni aucun avis de candidature. Un autre exemple : les lectures-spectacles. Avec la formation et les tables rondes, ce sont les seules activités périphériques prévues. Or c’est grâce à la perspicacité des acteurs d’une seule des compagnies prévues qu’il a été négocié, à la discrétion du public, un autre lieu, un autre jour, pour la seule lecture donnée sur les quatre prévues. Enfin, aucune table ronde n’a eu lieu, contrairement à ce qu’affirme le programme.
Toute cette ambiance est-elle favorable au plaisir du spectacle ? Assurément pas. Les deux ou trois journalistes étrangers présents n’y ont été que parce qu’ils n’avaient pas le choix. Car à côté une vie culturelle très dense se développe au quotidien, sans tambour ni trompette, histoire de dédouaner le Bénin vis-à-vis du monde. Après avoir brûlé d’envie d’y jouer un rôle, le chef de l’Etat béninois lui-même s’est rebiffé. Le seul spectacle qu’il a vu, celui de l’ouverture, l’a fait déchanter :  » il vaut mieux se taire, a-t-il confié, quand on a rien à dire de plus grand que le silence « .
Cette confidence vaut bien un autre Fitheb et quelques professionnels craignent déjà que leur premier magistrat n’ait plus jamais envie d’aller au théâtre.

Les spectacles programmés au FITHEB 2000
Les enfants de la rue, d’Isidore Dokpa, par Isidore Dokpa
Ce drôle de Monsieur II, d’après Ionesco et Thomas Bernard
Papiéritudes, de Euloge Béo Aguiar, par Euloge Béo Aguiar
Kaabiessi, de Urbaon Adjadi, par Urbain Adjadi
Qu’ils le disent, qu’elles le beuglent, de Sony Labou Tansi, par Eric Mampouya
La Métamorphose de Frère Jero, de Wole Soyinka, par Blaise Ba
L’étranger, d’après Albert Camus, par Nicky Rebelo
Une petite île, de Françoise Arson, par Françoise Arson
Ce fou d’empereur, de Claude Innocent, par Syto Cave
Le retour de Bugunyère, de Ousmane Sow, par Hamadou Kassogue
Mistero Buffo Caraïbe, de Dario Fo, par Dominique Lurcel
Le psychiatre noir France, de Lewis Nkosi, par Jean-Michel Martial
Ubu 3, d’après Alfred Jarry, par Richard Demarcy et Vincent Mambachaka
Rona, de Boyzie Cekwana, par The Floating Outfit Projet
A qui le tort ? des Echos de la Capitale, par les Echos de la Capitale
La dernière demande, de Wocadia, par Wocadia
Le pari de Dizo, de Liazere, par Ignace Yéchénou
Prométhée recherche, de Juno Malin, par Hermas Gbaguidi
Prométhée sans Dieu, de Slimane Benaïssa, par Slimane Benaïssa
L’âme où j’ai mal, de Ousmane Aledji, par Vincent Mambachaka///Article N° : 1444

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