Manga et Sorry s’aiment et bravent l’interdit homosexuel. Leurs familles arrivent à leur imposer une séparation. Manga tente une relation avec une femme blanche, mais finit par rejoindre Sorry qui s’est marié et a un enfant… Après l’inceste dans Denko et le suicide des enfants dans Minka, Mohamed Camara s’attaque de nouveau à un tabou. Pourtant, en cherchant à dénuder le sujet, il le rhabille aussitôt. Le problème du film n’est pas dans son propos, plutôt courageux, qui place l’homosexualité comme un authentique amour et en appelle à la tolérance, mais dans son traitement. Laissons de côté le jeu figé des acteurs, mal à l’aise dans un scénario trop théâtral, ou l’étirage en longueur de certaines scènes. C’est l’image qui dévie le propos : à voir ces têtes isolées sur un fond noir, on pense aux photos Harcourt de ces acteurs extatiques qui ornaient autrefois les couloirs et les escaliers des théâtres et des cinémas. Une douce lumière illuminait leur visage lisse et aérien. A trop vouloir pénétrer le mystère, le secret profond de l’amour, à trop écrire son film, Camara épure ses personnages à l’extrême, leur ôte l’humanité qui nous les auraient rendus sensibles, le mouvement qui nous aurait entraîné, cette nécessaire incarnation qui les aurait désacralisé et aurait pu nous émouvoir. Même lorsque Manga et Oumou tentent de faire l’amour, la caméra ne fait pudiquement qu’effleurer les corps, ne capte que l’idée de la chair et finit par désexualiser, par restaurer un vêtement. Le choix d’un corps blanc, s’il est plutôt bienvenu du point de vue scénarique, renforce ici la distance. Dakan contraste ainsi avec Woubi chéri, le documentaire de Philip Brooks et Laurent Bocahut, où les homosexuels et travestis ivoiriens sont bien vivants, vibrant comme des êtres humains et non comme des héros mythologiques.
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