Dakar, ta nostalgie, de Florence Arrigoni Neri

Hommage aux valeurs passées

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En sortie à l’Espace St Michel à Paris le 6 janvier 2016, ce documentaire sensible et inquiet distribué par Hevadis Images évoque en musique la fragilité de la vie en Afrique mais aussi ce qui en faisait la force.

En 17 ans, Florence Arrigoni Neri a produit une quarantaine de films (Neri productions) mais ne s’était jamais essayée à la réalisation. Compagne du réalisateur sénégalais Moustapha Ndoye (qui avait notamment réalisé Sénégal Salsa en 2000 et Combat pour la mer en 2001) décédé à Dakar en 2009, elle retourne après six ans d’absence dans cette ville qui a beaucoup changé. Son film est une évocation nostalgique d’un Dakar révolu, celui qu’elle a connu et partagé avec « Tapha », celui de ses amis de l’époque. Il est donc un regard de partage, un regard qui dit « ça me regarde ».
Elle déplore la rapide transformation du centre de Dakar, le « Plateau », au « galop de la spéculation immobilière, étendards des capitaux étrangers ». Elle parcourt les rues qu’elle a connues et s’attache à des personnes qui lui permettent de décliner ce qu’elle ressent face à un paysage urbain où vie et mort sont étroitement mêlées : précarité, rudesse de la survie, fragilité face à la maladie, nécessité de la débrouille (le fameux gorgorlou). Car le souvenir de Tapha, parti trop vite à l’hôpital principal, hante les lieux et les gens, à commencer par Dada, Makhtar Ndiaye, l’ami de toujours, le clown et marionnettiste qui fait rire les enfants mais regrette le passé.
S’attardant à l’hôpital, Florence Arrigoni Neri évoque les cinéastes et artistes disparus trop tôt et insiste sur le scandale d’une espérance de vie inférieure en Afrique. Sa voix off porte le film comme une incantation, une invitation à sentir à la fois la vie qui anime ces rues et ces êtres, et la mort qui les guette à la moindre maladie. Mais si cette voix se fait volontiers personnelle, c’est que la réalisatrice voudrait communiquer l’émotion qui est la sienne, celle de la mémoire et de la perte mais celle aussi de sa découverte d’une culture d’humanité et de solidarité. Sa crainte est de voir se déliter sous l’effet des jeux d’intérêt et de la mondialisation la force de cette civilisation. Tandis que les musiques sénégalaises rythment le film, le légendaire Jo Ouakam aligne les vers, du célèbre Souffles de Birago Diop à divers poèmes de Senghor, à la lumière d’une bougie et dans des volutes de fumée…
Entre indignation et émotion, entre le Plateau et l’Anse Bernard, ce film se faufile ainsi dans les méandres du souvenir et de l’espoir que les jeunes changeront les données, mais il ne capte d’eux que des sportifs sur la Corniche : des rappeurs aux « Y’en a marre » ou initiateurs en tous genres, les jeunes forces vives du pays sont absentes de ce documentaire axé sur la nostalgie d’un passé dont les contradictions ne sont pas non plus abordées. Honnête évocation personnelle d’une relation authentique, il peine ainsi à rendre compte de la dynamique du Dakar d’aujourd’hui.

///Article N° : 13399

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