Daresalam

D'Issa Serge Coelo

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Daresalam veut dire la maison de la paix – et c’est bien de paix que parle ce film de guerre, d’une énorme aspiration à la paix. Les paysans qui se rebellent contre la brutalité d’un régime qui les exploite n’ont que cette idée en tête et la révolution n’est dès lors qu’un moindre mal. Djimi et Koni, deux amis, sont entraînés dans le cycle de la violence. Ils savent s’engager, affronter les défis, croire en des idéaux, progresser, comprendre, mais leurs choix finiront par les opposer. A aucun moment, Coelo ne juge l’un ou l’autre ; jamais il ne s’engage sur la voie du manichéisme. En prenant à bras le corps la question de l’engagement, il n’oppose pas les bons révolutionnaires et les méchants. Car dans le contexte de la guerre, c’est l’humain qui l’intéresse et il excelle à retracer le cycle de la vie, les aspirations de chacun, les peines et les amours. Pour représenter la violence, il trouve le ton juste, n’évoquant la répression sanglante que par petites touches en alternance avec la fuite de Djimi. C’est ce rythme qui fait la qualité de ce film, non seulement parce que cette saga nous tient en haleine mais aussi parce qu’elle révèle, notamment grâce au jeu d’acteurs dirigés avec une grande finesse, le rythme profond des êtres et des choses, comme cette scène d’adieu de Djimi à sa mère qui vient déjà de perdre son bébé : quelques mots délicats prononcés dans l’urgence, des gestes d’une impressionnante retenue et la gravité de la situation fondent une profonde émotion, beaucoup trop subtile pour être larmoyante. Sans cesse, la déchirure entre la réalité et le désir, si bien résumée par Koni : « Il y a deux mondes : celui dans lequel on vit et celui pour lequel nous nous battons« . Cette tension ne se résoudra pas, car « la misère, on n’en a pas eu la peau« . Et c’est bien ce constat terrible, cette conscience aiguë de la réalité africaine qui donne au film sa force, tandis que la poésie qu’il sait développer, admirablement servie par la musique et l’image, lui confère une grande beauté. Ce qui permet à l’appel final du réalisateur à mobiliser ses énergies pour « autre chose que d’éponger du sang » de trouver toute sa résonance.

2000; 90 mn, Parenthèse Films (01 49 70 00 65).///Article N° : 2071

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