Dieumerci ! de Lucien Jean-Baptiste

Le comédien noir

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En sortie sur les écrans français le 9 mars 2016, Dieumerci ! est une excellente comédie, moins consensuelle qu’elle n’en a l’air.

La Première étoile (2009) était sincère et généreux. Cette tendre comédie d’une famille noire aux sports d’hiver avait des relents autobiographiques. Dans 30° couleurs (2012), Lucien Jean-Baptiste explorait en plein carnaval ses sources martiniquaises. Dieumerci !, poursuit cette veine en l’approfondissant. Qu’il s’agisse du cours Florent (Ventura dans le film) ou du drame auquel fait référence le film, c’est pour lui aussi du vécu. On y retrouve l’imposante mère antillaise (encore l’inénarrable Firmine Richard) et le père reste absent. Il ose à la fois se dévoiler et faire rire. Le cocktail est simple et touchant. Si les films de Lucien Jean-Baptiste se différencient des opus consensuels et faits pour plaire mettant en scène une illusoire diversité heureuse (d’Intouchable à La Vache), c’est que les rôles qu’il incarne ne sont ni caricaturaux ni des stéréotypes, ce qui n’empêche pas de rire de soi. C’est plutôt du côté de Buster Keaton qu’il faut chercher sa référence : il ne rit que rarement, se détache difficilement de son flegme, gère ce qui lui arrive avec ténacité, porté par son désir d’aller de l’avant. Son personnage est happé par une série de situations qu’il n’a pas choisies et doit faire face.
Dans Dieumerci !, il se trouve affublé d’un jeune tête à claques qui s’incruste et dont il ne peut se débarrasser, mais que font deux paumés solitaires sinon s’apprivoiser ? Dieumerci (Lucien Jean-Baptiste) et Clément (Baptiste Lecaplain) sont aussi différents que Brel et Ventura dans L’Emmerdeur d’Edouard Molinaro (1973) mais ils ont en commun d’être sans le sou et de devoir se débrouiller pour être comédiens. Car Lucien Jean-Baptiste s’attaque cette fois à une idée simple qui fait le sous-titre du film : « On a tous un rêve de gosse ». Cela sent la bonne intention à plein nez mais ça marche !
On l’avait vu dans le magnifique documentaire La Mort de Danton d’Alice Diop : il faut se battre pour interpréter un classique au théâtre quand on est noir. Un Noir peut-il jouer un rôle qui n’est pas écrit pour un Noir ? Il faudra « rêver un impossible rêve… » Avec La Quête, Jacques Brel est convoqué comme Jean Ferrat l’était avec La Montagne dans La Première Etoile. Et mine de rien, de gag en gag, mais aussi dans les passages tendres ou sensibles, c’est une vision politique qui s’impose dans notre société du repli sur soi : le Noir n’est pas seulement là pour faire rire, il peut aussi émouvoir avec talent, indépendamment de sa couleur de peau. Dieumerci ! fait ainsi avancer tolérance et respect tout en restant un excellent divertissement.

///Article N° : 13489

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