Au commencement, le dernier film tunisien réalisé en 2010 par une jeune femme : Les Secrets/Douaha de Raja Amari. Film sombre qui baigne dans les eaux troubles et ne craint ni les remous ni les crapauds fiévreux. Je me permets un raccourci : pour se libérer, la jeune héroïne Aïcha se doit d’assassiner deux générations de femmes : celles de sa mère et de sa grand-mère.
Constat tout de même étonnant pour une société tunisienne qui, dès l’indépendance, a entrepris des actions exceptionnelles à l’échelle du monde arabe pour l’émancipation des femmes, entre autres, par l’obligation de la scolarisation des filles, l’interdiction de la polygamie, l’autorisation du divorce et la suppression de l’obligation du port du voile. Il s’agit bel et bien d’un statut singulier, où la politique sociale a marqué la vie des femmes tunisiennes bien au-delà du cercle d’une élite. Pour ne citer que quelques exemples instructifs, c’est en Tunisie que le taux d’analphabétisme (de moins de 59 % parmi les adultes de sexe féminin) est le plus bas au Maghreb, l’espérance de vie des femmes la plus élevée (67 ans), et c’est bien l’unique pays arabe où la femme, grâce au statut personnel promulgué depuis 1956, est prémunie contre la polygamie et la répudiation, et bénéficie des mêmes droits que les hommes en matière de divorce et de mariage mixte (1).
À l’aune de ces données, Raja Amari fabule-t-elle ? Sinon comment comprendre qu’une jeune réalisatrice intériorise plus d’un demi-siècle plus tard autant de trauma et de violence ? C’est peut-être parce que la réalisatrice ne place pas la libération de son héroïne sur le plan social, économique et législatif, mais sur celui, nettement plus ardu, de l’intime, de l’être en soi. Demande ultime qui, telle que je me propose de vous l’exposer, est une forme de revendication radicale dans le discours des cinéastes femmes tunisiennes, voire maghrébines et arabes.
Depuis les années soixante-dix, des femmes tunisiennes cinéastes réalisent des films. Certaines d’entre elles, notamment les pionnières, se sont intéressées à des questions d’anthropologie sociales et culturelles – notamment au patrimoine et à l’artisanat – à l’instar de Sophie Ferchiou, auteur en 1970 et 1971 de Zerda et de Chéchia, de Fatma Skandrani réalisatrice de Médina, ma mémoire ou encore de Kalthoum Bornaz auteur en 1987 de Trois personnages en quête d’un théâtre. Aujourd’hui encore, quelques cinéastes femmes à l’instar de Nadia El Fani, auteur de Ouled Lénine en 2007, perpétuent ce mouvement du documentaire social mais je crois, sans grand risque de me tromper, que ce qui unifie et constitue une unité discursive de la majorité des films de femmes tunisiennes c’est l’élaboration de ce que nous pouvons considérer comme un discours féministe alimenté par une revendication de liberté féminine. Et notons à ce propos, que la cinéaste Selma Baccar a consacré son film Fatma 75 (1976) au mouvement féministe tunisien, révélant des personnages réels et fictifs qui ont pris à bras-le-corps la nécessaire émancipation de la femme tunisienne.
De La Trace de Néjia ben Mabrouk, Les Silences du palais et La Saison des hommes de Moufida Tlatli, Miel et Cendres de Nadia Farès, Keswa, Le Fil perdu et La Moitié du ciel de Kalthoum Bornaz, Khochkhach de Selma Baccar, à Satin rouge de Raja Amari, la femme est le personnage principal, et sa condition est le sujet de la quasi-majorité des films réalisés par les cinéastes femmes. Dans l’ensemble de ces films, le sujet féminin est accablé par des valeurs sociales qui le maintiennent dans un statut inférieur autorisant par là même sa soumission si ce n’est son assujettissement : femmes cloîtrées asservies aux tâches domestiques, femmes battues (La Trace, Miel et Cendres), harcèlement sexuel ou droit de cuissage (Les Silences du palais et La Saison des hommes) montrent bien que le sujet féminin est toujours meurtri. Et notons que l’une des constances de ce discours c’est que ces valeurs traditionnelles de soumission sont d’abord données comme des valeurs établies, admises mêmes par les divers protagonistes y compris féminins des films. Les femmes âgées, notamment les mères, sont souvent représentées en active complicité avec l’ordre des pères, des frères et des maris. Elles ont intériorisé et admis la Violence qu’elles subissent comme naturelle et faisant partie du cours des choses. Dans La Saison des hommes, Moufida Tlatli poussera la parabole à faire administrer une gifle à la fille désobéissante par la main tremblante du père malade tenue fermement par la poigne de la mère. Lorsque les protagonistes féminins ne sont pas les gardiennes de l’ordre traditionnel, les souffrances qu’elles subissent ou que d’autres femmes subissent, et dont elles sont les témoins impuissants, sont alors résolues dans un procès de compassion. Il s’agit d’un ordre immuable. Immanquablement, les sujets des films et les sujets féminins sont saisis dans une réalité de groupe qui possède, et cette possession est d’abord inscrite à même le corps. À l’inscription première et inévitable parce que filiale, s’ajoute dans le cas des sujets féminins, le marquage du » groupe » social ; le mari, le violeur ou l’agresseur (quand un même personnage masculin ne cumule pas toutes ces fonctions). Marqué, le corps du sujet est dépossédé de sa force et de ses secrets (y compris du secret même de sa virginité), il est immanquablement gardé sous surveillance, paroxysme de la possession lorsqu’on sait que la vue est le plus possessif des organes. Le corps de la femme est un corps entêté qu’il faut posséder ou détruire. Réduits au silence, à la honte ou à la réclusion, les sujets féminins sont représentés comme victimes d’un sort injuste et humiliant.
À ce titre, La Trace de Néjia Ben Mabrouk et Les Silences du palais de Moufida Tlatli amorceront, à dix ans d’intervalle, une nouvelle approche et un nouvel angle d’attaque. Les deux cinéastes ne renonceront pas pour autant au procès susmentionné mais elles le complexifieront par la formulation d’une demande réelle de bouleversement et de refonte de l’ordre établi. Dans le premier film comme dans le second, une protagoniste émergera et prétendra au statut d’héroïne à part entière justement parce qu’elle refusera de se soumettre aux valeurs traditionnelles et qu’elle s’engagera dans un procès de métamorphose. Chacune d’elles a un motif propre (la voix pour Alia et l’intellect pour Sabra). Chacune d’elles se réclame du droit de disposer de sa vie. Et pour cela chacune d’elles est dotée d’une quête individuelle qui la distingue. Quête d’émancipation intellectuelle pour Sabra (qui s’exile pour étudier), quête d’affirmation de soi de Alia (qui se revendique en fin de procès de la seule filiation de sa mère), qui postulent la conquête d’un statut social que la collectivité leur refuse. Ce sont précisément ces deux films qui formuleront à mon avis une revendication claire et précise d’émancipation féminine. Aussi bien dans La Trace que dans Les Silences du palais, la demande du sujet féminin est une demande de refonte des relations interpersonnelles (la refonte de la réciprocité), sur une base normative et selon un principe d’équité qui égalise d’abord les droits et les devoirs de chaque citoyen, homme ou femme, ce qui engage évidemment un bouleversement total des valeurs de la société patriarcale à laquelle le sujet féminin appartient. Les deux films cristallisent le conflit que vit le sujet féminin entre le moi et le nous. Entre la revendication d’une individuation à part entière et un groupe social réfractaire à toute métamorphose des règles traditionnelles qui régissent les rapports hommes/femmes. Pour cela, le sujet féminin, et le cas de Sabra dans La Trace est particulièrement exemplaire, tend exclusivement vers la réalisation de cette « performance », quitte à renoncer à toute autre demande de nature à le détourner de cet objectif. Émancipation donc au prix d’un renoncement. Mais lequel ? Aussi bien dans La Trace que dans Les Silences du palais, Alia et Sabra ont subordonné tout leur être à la réalisation de cette performance de l’émancipation. Sabra dont les souvenirs d’enfance relatent un attrait physique pour des jeunes hommes croisés aux souks, renoncera, une fois adulte, à tout commerce avec la gent masculine. Alia renoncera au chant et à sa sexualité hors mariage. La quête d’émancipation intellectuelle de l’une et d’affirmation de soi de l’autre a exigé d’elles le renoncement à ce qui relève de leur être profond, de leur instinct vital, entendu ici comme une prédisposition originelle antérieure aux constructions sociales y compris naturalistes.
Le désir est évoqué, la frustration est ébauchée, le manque est flagrant. Les femmes peuvent-elles disposer de leur corps, de leur désir, de leur pulsion ? Dans Khochkhach, Selma Baccar fera de la question intime de la sexualité féminine le point nodal de son film. Les femmes sont-elles obligées, pour maintenir le socle familial, de subir frustration sexuelle et abstinence ? Elle y répond mais sur un mode mitigé. Si son héroïne dispose enfin de sa destinée, c’est dans l’asile qu’elle le fera, par choix certes, mais sans résoudre son trauma sexuel. L’histoire d’un amour platonique entre Zakia et un interné, noué à l’asile, semble tenir davantage de l’effet placebo. N’empêche, à la quête première d’émancipation sociale et économique de la femme, de nouvelles demandes s’ébauchent. Elles sont souvent implicites et réactives. Elles ne sont pas encore affirmées et affirmatives. Avec Satin rouge et Douaha, Raja Amari occupera toute la brèche. Qu’il s’agisse de Lilia dans Satin rouge ou d’Aïcha dans Douaha, la quête du sujet féminin concerne pour la première fois la sphère de l’intime. Et précisons à ce propos que l’intime relève du moi profond, dans la mesure où son sens même l’atteste. Intime se définit par : « intimus, superlatif dont interior est le comparatif. La signification est donc : ce qui est le plus intérieur. Intérieur (au sens où ce mot s’oppose à public, extérieur, manifesté). Est intime ce qui est fermé, inaccessible à la foule, réservé ; par suite, ce qui est individuel, connu du sujet seul, soit accidentellement, soit essentiellement et par nature. » (Lalande, 533. C’est nous qui soulignons) Ce que revendique Lilia d’abord par la danse, ensuite par le sexe, et ce que revendique Aïcha comme composantes de sa féminité (les soins du corps, la séduction et le désir) c’est d’abord une récupération du moi profond sans lequel l’être se trouve séparé de ses forces.
Dans les deux films de Raja Amari, la libération et la réhabilitation du désir féminin est la condition sine qua non de l’existence souveraine des femmes. L’incarnation de cette condition prendra dans les deux films deux voies différentes.
Dans Satin rouge, Lilia assouvit un désir sexuel donné comme nourri d’un manque incommensurable et filmé, dans l’une des séquences d’amour de films arabes des plus découpées et des plus éloquentes qu’il me souvient avoir vues, comme un retour aux forces germinales ou originelles de la vie. La quête d’une récupération de son moi profond – entendu ici comme une réconciliation avec l’organique qui nous vient droit de la nature – est une réconciliation avec l’instinct vital qui déloge définitivement le sens et ses injonctions symboliques. Cette nécessité intime s’accompagnera dans le film d’une démarche, à l’apparence anodine, mais dont les conséquences sont dévastatrices pour quiconque reconnaît que le pilier de la société patriarcale est l’enclos familial. En effet, portée par un désir d’exister libérée de toutes normes sociales et identitaires, Lilia cherche à contracter des alliances hors du cercle familial (une nouvelle amie danseuse et un amant). Une démarche d’abord dictée par son constant souci de préserver sa différence, ensuite par une curiosité par rapport aux corps des autres. Cette curiosité, est, à en croire Gilles Deleuze, la toute première définition du désir. Freud, quant à lui, précise qu’en tant que réalité donnée à elle-même, le désir est souverain, il est sans concessions et ne s’accommode pas avec le principe de réalité. Contrairement à d’autres types de pulsions, telles que les pulsions d’auto-conservation, les pulsions sexuelles, la libido, sont réfractaires à toutes négociations. Définition que s’approprie d’ailleurs une autre réalisatrice tunisienne, Nadia El Fani, qui s’autorisera à suggérer dans deux films différents l’homosexualité des femmes. Lilia conçoit donc son corps comme un corps capable d’alliance alors que la société le conçoit uniquement comme un corps de filiation (d’où la reconnaissance du mariage comme seul cadre de sexualité). La société se dote de tout un arsenal moral et même juridique pour dompter le désir par crainte de son caractère versatile et contagieux. En passant outre cette barrière de la répulsion dressée par la société et en formulant un nouveau contenu informant sa propre économie libidinale, Lilia brise la structure de la filiation et les lois de l’identification sociale. En d’autres termes, elle refuse la subordination de la force de vie au principe de l’identité. Lilia brise un tabou ultime. Et la détermination de la réalisatrice à affranchir son personnage fera que Lilia l’impie n’est pas punie. La dernière séquence du film, la montrera épanouie et maîtresse du nouvel ordre qu’elle impose désormais. Pour saisir un tel enjeu, rappelons ce que Freud écrit : « ?(
) la transgression de certaines prohibitions taboues présente un danger social et constitue un crime qui doit être puni ou expié par tous les membres de la société, s’ils veulent échapper à ses conséquences désastreuses. Le danger dont il s’agit nous apparaîtra comme réel, si nous mettons les velléités conscientes à la place des désirs inconscients. Il consiste dans la possibilité de l’imitation, qui aurait pour conséquence la dissolution de la société. En laissant la violation impunie, les autres s’apercevraient qu’ils veulent faire la même chose que le malfaiteur » (Freud, 58).
Ici, Freud explique comment la transgression des tabous ébranle les lois et les valeurs sociétales établies en élaborant de nouvelles lois d’imitation et donc en esquissant une nouvelle identité en devenir. Pour admettre une telle assertion, il faut se souvenir du « pouvoir contagieux inhérent au tabou, par la faculté qu’il possède d’induire en tentation, de pousser à l’imitation. » (Ibid, 59). Car « le maintien du tabou a pour effet que le désir primitif de faire ce qui est tabou a persisté chez ces peuples. Ceux-ci ont donc adopté à l’égard de leurs prohibitions taboues une attitude ambivalente ? ; leur inconscient serait heureux d’enfreindre ces prohibitions, mais ils craignent de le faire, et la crainte est plus forte que le désir. » (Ibid, 56). Lilia est une héroïne car, contrairement à ses semblables, son désir est plus fort que sa peur. Dans son livre Le Mythe et l’Homme, Roger Caillois nous confirme que l’individu dont la conscience est fortement empreinte et, en quelque sorte, garante des interdits sociaux « est paralysé devant l’acte tabou et qu’il va en confier l’exécution au héros » (26-27)
Ce qui est passionnant dans l’uvre de Raja Amari, c’est cette dissection de la notion de tabou (en tant que concept et en tant que structure), en l’occurrence du tabou sexuel. Alors que dans Satin rouge, elle constitue une forme d’a priori, de postulat, pour saisir la quête de Lilia, elle est purement et simplement le sujet de son second long-métrage Douaha. Son film ne traite pas de la sexualité féminine, mais plus précisément de la sexualité féminine en tant que tabou.
Pour donner une idée du film, notamment pour ceux qui ne l’ont pas vu, je vous soumets le synopsis proposé par la réalisatrice elle-même : « Le film, écrit-elle, traite de la confrontation de deux mondes dans leur incompréhension mutuelle. À travers l’histoire d’Aicha, Radhia et leur mère qui vivent à l’écart du monde dans une grande maison à l’abandon. L’équilibre de leur quotidien vacille le jour où un jeune couple, ignorant leur existence, vient s’installer dans la maison. Aucun n’a les clés pour accéder à l’autre et la cohabitation forcée va les mettre face à face. » En réalité, il ne s’agit pas tout à fait d’un face à face. Ce sont les trois femmes, recluses et terrifiées, qui vont se retrouver face à un couple non marié dont la sexualité librement consentie et illicite va réveiller toutes leurs pulsions, tous leurs désirs, tous leurs traumas. En un mot, bousculer le refoulement.
À travers les diverses situations, imbriquées dans un thriller féminin, le film déconstruira et élucidera les mécanismes du tabou : une prohibition ancienne qui perdure imposée du dehors (par une autorité) et dirigée contre les désirs les plus intenses des êtres vivants, d’Aicha mais également de sa mère Radhia (dont le prénom signifie celle qui accepte). La tendance à la transgresser persiste dans l’inconscient des deux femmes (preuve s’il en faut que les êtres qui obéissent au tabou sont ambivalents à l’égard de ce qui est tabou). La force magique attribuée au tabou se réduit au pouvoir qu’il possède d’induire les humains en tentation (ce qui arrive à Aicha et à sa mère). La transgression du tabou se comporte donc comme une contagion, parce que l’exemple est toujours contagieux. La résolution de ce drame inhérent à la découverte de la puissance du tabou de la sexualité féminine sera éloquente. Radhia tue Selma, celle qui l’a induite en tentation. Son crime est paradoxalement un acte d’expiation. Car Radhia renonce pourtant à l’amitié précieuse de Selma (qui l’aide ne serait-ce qu’à mieux gagner sa vie). Selma est en dernière instance le sacrifice auquel consent Radhia pour échapper aux sacrilèges des forces démoniaques qui ne sont autres que ces propres tentations. La réalisatrice nous dit, ce qu’affirme Freud « que l’expiation de la violation d’un tabou par une renonciation prouve que c’est une renonciation qui est à la base du tabou. »
Aïcha quant à elle, témoin des péripéties de cette déconstruction implacable, en a tiré les conséquences : déterminée à rompre la chaîne qui maintient un tabou qui met en échec son instinct de vie, elle tuera à son tour et sa mère et sa grand-mère. En découvrant qu’elle est le fruit de l’inceste, elle comprend que le rapport de ces deux génitrices à la sexualité est généré par un trauma. Raison pour laquelle la sexualité chez elles est reléguée au rang d’une réalité obscène (d’où les secrets, les mystères et les prohibitions jusqu’à l’absurde et le stupide). Aïcha finit par posséder en quelque sorte les clés de la compréhension de ce tabou. Ce dernier en perdant son mystère et son opacité ne peut plus exercer sur elle son autorité. Elle est enfin libre.
À l’instar du beau film Les Silences du palais de Moufida Tlatli, que j’ai considéré à sa sortie comme un film récapitulatif des films tunisiens des années quatre-vingt à quatre-vingt-quinze, Douaha de Raja Amari offre d’une certaine manière un film récapitulatif de l’évolution du discours de la revendication de la liberté féminine dans les films réalisés par les cinéastes femmes tunisiennes. Il synthétise ce passage extensif qui a dépassé la seule sphère de la revendication sociale, juridique et économique pour embrasser la sphère de l’intime et de l’être en soi. Par leurs pratiques artistiques et l’authenticité de leur démarche intellectuelle qui ne réduisent pas l’être femme à la seule appartenance sociale, les cinéastes tunisiennes femmes ont affirmé à la suite de Jean-Paul Clébert que le plus noble des désirs est celui de combattre tous les obstacles posés par la société à la réalisation des désirs vitaux de l’homme, aussi bien ceux de son corps que ceux de son imaginaire. En démystifiant les tabous, que la coutume, la tradition ou les prohibitions religieuses imposent aux femmes, c’est-à-dire à la moitié de l’humanité, elles extirpent à la Violence, parfois invisible aux yeux des femmes elles-mêmes, le principe selon lequel elle reste cachée et s’éternise en « naturalisant » des relations signifiantes qui sont le produit de l’Histoire.
– Caillois, Roger, Le Mythe et l’Homme, Paris, Gallimard, 1938.
– Freud, Sigmund, Totem et Tabou, Paris, Payot, 1965.
– Lalande, André, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 2006.
– Mezghani, Eli et Kalthoum Meziou-Douraï, L’Égalité entre hommes et femmes en droit successoral, Tunis, Sud Éditions, 2006.
1- La répudiation est partout maintenue au moins dans son principe, la polygamie n’est nulle part interdite. De tous les pays arabes, seule la Tunisie fait exception. Mais c’est en matière successorale que l’expérience tunisienne trouve ses limites. Le droit tunisien a en effet maintenu, comme les autres pays arabes, la règle de l’inégalité entre les sexes. Voir à ce sujet, le livre de Ali Mezghani et Kalthoum Meziou-Douraï (2006).///Article N° : 11073