Écrire Dak’art (Entendus, sous-entendus et malentendus)

Traduit de l'anglais par Marie-Emmanuelle Chassaing
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Dak’art reste la manifestation artistique la plus médiatisée du continent, régulièrement couverte par la presse artistique internationale. Christian Hanussek s’interroge ici sur le rendu critique de la Biennale qui en documente la teneur autant qu’il en modèle la représentation pour le monde entier. Analyse d’autant plus pertinente que les comptes rendus de la Biennale constituent l’essentiel de ses archives.

On a beaucoup écrit sur la Biennale de Dakar. C’est la plus exotique de toutes les biennales exotiques parce qu’elle n’a pas été absorbée par le circuit international du commissariat d’exposition. En effet, bien qu’elle soit principalement financée par des fonds internationaux, c’est le Ministère de la Culture sénégalais qui est en charge de son organisation. Par ailleurs, elle est exclusivement dédiée à l’art contemporain d’Afrique – même si la plupart des artistes présentés vivent hors du continent, et non dans les pays où ils sont censés résider d’après les notices. Elle existe sous sa forme actuelle de « Dak’art : Biennale de l’art contemporain africain » depuis 1996 et a suscité bien des controverses, en particulier du fait de graves problèmes d’organisation. J’ai moi-même contribué à la critique des éditions précédentes (1) mais je vais aujourd’hui adopter un point de vue plus distancié et tenter – en analysant les commentaires et comptes rendus de la dernière édition, Dak’art 2006 – de donner une idée de la manière dont cette manifestation et la notion d' »art africain » qu’elle véhicule sont représentées et fonctionnent en tant que discours. C’est pour moi l’une des composantes essentielles de la Biennale.
Depuis ses débuts, la Biennale de Dakar fait des efforts indiscutables pour offrir des plateformes de discussions sur l’art africain, notamment avec son programme Rencontres & Échanges, mais la mise en place de ces débats a souvent été entravée par le manque de préparation. Les librairies de Dakar reflètent la carence générale en espaces de discussion pour le développement d’une critique d’art en Afrique : rares sont les revues ou les livres d’art proposés. Pour Dak’art 2006, Yacouba Konaté, éminent professeur de philosophie et d’histoire de l’art, a été nommé commissaire général, aux côtés du secrétaire général, Ousseynou Wade. Ils étaient secondés par une équipe de commissaires associés (2). Wade et Konaté ont redoublé d’efforts pour encourager la critique et la discussion en lançant en 2005 une revue luxueuse baptisée Afrik’arts. Et pour la première fois le catalogue de Dak’art foisonnait d’apports théoriques avec 14 textes programmatiques que l’on pourrait considérer comme les bases théoriques de cette édition.
Leur lecture a l’avantage de mettre en perspective le titre de la Biennale 2006 « Afrique : Entendus, sous-entendus et malentendus », tant le lecteur se trouve déconcerté par la juxtaposition d’approches différentes. Je voudrais juste en donner quatre exemples : Rasheed Araeen rédacteur en chef de la revue Third Text, en appelle aux universitaires africains pour développer un point de vue africain sur l’histoire de l’art moderne et notamment reconnaître en Ernest Mancoba un précurseur de l’expressionnisme abstrait ; à travers une dichotomie raciale Blancs / Noirs, Saliou Kandji (ancien diplomate sénégalais) accuse les Blancs en général de tous les maux de la terre et les Arabes en particulier d’avoir corrompu l’Islam, prétendument noir à l’origine ; de façon idéaliste, voire simpliste, Abdellah Karroum, commissaire associé de Dak’art, revendique que l’art de la Biennale franchisse les frontières ; Ntone Edjabe, rédacteur en chef de la revue Chimurenga, reprend les paroles de Fela Kuti « no agreement today, no agreement tomorrow » dans sa vision d’un espace à la fois modeste et totalement autonome pour la création / action.
On peut admettre que cette mosaïque d’approches est à l’image du vaste champ de pensées sur lequel repose une biennale dédiée à l’art africain – ou plutôt que ces conceptions contradictoires forment les sous-entendus qui constituent le subconscient des identités africaines, champ de mines inoffensif tant qu’on ne s’y aventure pas. En dépit de la teneur de l’ensemble des textes, il semble encore y avoir un manque de débat et de discours contradictoire : pourquoi n’y a t-il quasiment aucun article sur la Biennale qui aborde sans détour et de façon critique les idées contenues dans ces textes ? Pourquoi par exemple n’y a-t-il personne pour s’insurger contre les propos racistes de Kandji ?
Référence
Comme pour d’autres événements similaires, l’option critique privilégiée pour couvrir la Biennale consiste à identifier les tendances ou les nouveautés à travers un chapelet de courtes descriptions d’œuvres. Les thèmes principaux retenus par la critique de Dak’art 2006 sont les confrontations « art numérique » / « art de récupération » ou « vidéo » / « traditionnel », les notions de mémoire, histoire, identité, africanité, le paysage urbain et les relations de l’Afrique avec le reste du monde.
Dans son article pour African Arts, Polly Nooter Roberts cite Oussdeynou Wade quand il aborde la question de l’identité : « la question de l’identité a besoin d’être revue, restaurée et reconsidérée à la lumière de l’évolution de notre éminente société dans le contexte des valeurs mondiales. » Virginie Andriamirado affirme : « Pour cette septième édition, beaucoup d’artistes ont dépassé l’introspection, interrogeant la mémoire collective, les malentendus historiques, les problèmes d’environnement, les questions identitaires et les phénomènes liés à la mondialisation ».
De nombreux critiques évoquent les problèmes sociaux et politiques auxquels les œuvres d’art renvoient, mais ils ont souvent tendance à confondre le thème ou l’intention d’une œuvre avec sa signification. Or le sens d’une œuvre d’art est beaucoup plus complexe et doit être analysé au travers de son esthétique. Certains n’arrivent pas à dépasser le stade du cliché, parlant de la beauté des Sénégalais, des qualités de l’architecture coloniale ou de la « magie » de la ville et de l’île de Gorée. D’autres s’étendent sur leurs déboires avec des vendeurs ambulants, charlatans ou autres « guides ». Mais plutôt que de me laisser distraire, voici quelques exemples d’ « entendus, sous-entendus et malentendus » significatifs.
Revue de Presse
Certains critiques occidentaux, notamment l’équipe de Texte zur Kunst, essayent de relier leur expérience dak’artoise à un cadre différent de leurs approches et références habituelles basées sur l’art international occidental.Ces auteurs considèrent la Biennale comme une institution qui résiste à l’hégémonie eurocentriste en montrant l’art africain à un public africain à partir d’une perspective africaine. Cependant, ils considèrent que l’obsession des artistes africains pour les controverses sur l’identité africaine et la politique culturelle ne suffit pas à constituer une base de production artistique « de qualité ». Prenons ces deux points : contexte culturel africain et négociations des identités africaines, comme axes de lecture.
Il semble qu’une majorité d’observateurs non-africains ne se rendent pas compte du peu d’intérêt suscité par la Biennale localement. Lors des éditions précédentes, de vives critiques ont été émises sur son organisation comme sur son instrumentalisation par les politiques. Curieusement, pour l’édition 2006, de nombreux critiques ont salué la présence du Président Wade lors des cérémonies du vernissage comme le signe d’un engagement fort envers le domaine artistique. Pour Henry Meyric Hughes : « Le Président Abdoulaye Wade, éminemment respecté pour son intégrité et son intelligence, partage manifestement quelque chose de la vision de Senghor sur les arts et pour les arts et offre son soutien à la Biennale, illustration de la fierté, de l’indépendance et de l’assurance africaines ». M. Hughes, Président de l’AICA (Association Internationale des Critiques d’Art), membre du jury de Dak’art 2006, dresse un tableau surprenant non seulement du Président Wade – en protecteur des arts – mais aussi de la présentation des oeuvres, la décrivant comme « répondant aux critères internationaux (…) Même la partie technique – qui pose si souvent problème – avait été peaufinée pour l’ouverture, si bien que vidéo et installations vidéo se mêlaient harmonieusement au travail des autres médias. » Cependant, M. Hughes semble être le seul critique à avoir aussi dramatiquement perdu contact avec la réalité. Presque tous les autres évoquent la légendaire désorganisation et les scènes chaotiques pré- et post-ouvertures qui eurent pour conséquence, selon Carol Brown, de gâcher « l’occasion de faire une déclaration fondée et cohérente ». Certains critiques se demandèrent même comment – ou même, si – le jury pouvait prendre des décisions adéquates dans ces conditions.
Toutefois, la critique de l’organisation de la Biennale porta moins sur le fond que lors des précédentes éditions. La plupart des auteurs soulignèrent le fait – miraculeux – que la Biennale, après des menaces récurrentes d’annulation, « ait lieu tous les deux ans en temps voulu – qu’elle ait même vraiment lieu » (Polly Nooter Roberts). Ils saluèrent l’implication du Secrétaire général comme du Commissaire général, et reconnurent en Dak’art « le projet le plus célèbre et prestigieux de toute l’Afrique dans le domaine des arts contemporains. » (Viyé Diba)
D’après les critiques, les positions artistiques les plus frappantes étaient celles des lauréats Mounir Fatmi avec Sortir de l’Histoire (2005-06) et Claudia Cristovão avec Fata Morgana (My Africa) (2005-06). Fata Morgana estune installation vidéo « dans laquelle des personnes qui sont nées en Afrique et ont grandi pendant les années où l’Afrique s’est affranchie du joug colonial décrivent leurs souvenirs et leurs attentes ». Carol Brown souligne les difficultés qui se posent quand on se réfère à « un continent vaste et complexe, où les langues et les pratiques culturelles sont nombreuses et les réseaux de communication généralement pauvres (…) Beaucoup de participants « africains » résident en France, en Hollande ou aux USA, alors même que l’essentiel de leur travail est dédié à interroger les problèmes d’identité et les histoires, qu’ils essaient de se réapproprier. » Sortir de l’Histoire explore l’histoire du Black Panther Party et des Black Muslims et s’interroge sur les raisons de leur déclin dans les années 1970. Fatmi rapproche ces questions des problématiques de la libération et de la décolonisation. (Steven Nelson)
Le commissaire américain Robert Storr analyse N World & Word (2005) la vidéo de Serigne Mor Niang sous ce même angle : « une autre œuvre qui invoquait – ou plutôt s’amusait avec – les tropes de la « Négritude » était la vidéo réalisée par le Sénégalais Serigne Mor Niang. Elle était constituée de jeux de mots évidents superposés à des images de gens célèbres. Ainsi le visage du premier président du Sénégal, Léopold Sedar Senghor et celui du premier prix Nobel de littérature noir, Wole Soyinka, apparaissaient respectivement avec les textes Tigre tu dis ? et Nègre tu dis ?, échos satiriques au concept de Négritude d’Aimé Césaire (3). De la même façon, le Gubernator apparaissait avec l’étiquette Schwarzennegre, nous rappelant, si c’était nécessaire, que le nom de ce parangon de la force aryenne, avec « schwarz » qui signifie « noir » en allemand, contient une double ambiguïté raciale. »
L’équipe de Texte zur Kunst considère l’installation de Bill Kouelany (présentée aussi l’an dernier à la Documenta 12) comme « une métaphore dans un récit sur la violence qui par sa subjectivité va bien au-delà d’une iconographie politique de la guerre civile. Avec des textes autobiographiques fictifs et des photographies, elle déploie au travers de débris de papier mâché une poésie dont la sensibilité est promesse de consolation sans être sentimentale. »
Dans l’article le plus exhaustif de mon corpus, paru dans Ethiopiques, Hélène Tissieres assimile un grand nombre d’œuvres à des déclarations politiques – comme la plupart des autres critiques. Mais au-delà des œuvres aux références politiques évidentes, elle applique cette approche aux œuvres les plus sensuelles et apparemment introverties, comme celles de Safaa Erruas, Aimé Mpane, Abdoulaye Konaté ou Souleymane Keita, lesquelles reflètent la fragilité des formes d’existence et de connaissance traditionnelles : « Ce travail [de Keita]comme celui de Konaté ou d’Erruas, puise sa force dans le recueillement intérieur qu’ils suscitent, dans l’analyse introspective qu’ils motivent. Ils pointent sur des phénomènes qui touchent au plus profond de l’être dans le silence même de la solitude, de la douleur. Ils ne versent dans aucun débordement, mais tentent d’arpenter les chemins escarpés des pulsions de destruction humaine pour les contourner et donner sens à l’existence. »
Dans son compte rendu publié dans Third Text, Frank Ugiomoh, artiste et historien à l’Université de Port Harcourt (Nigeria), étudie de manière approfondie le sens des œuvres exposées. Il emprunte à Konaté la notion de « plurivalence de l’art africain », lequel peut être intensément africain dans l’âme et en même temps perçu comme non-africain à l’extérieur. « La caractéristique polysémique des œuvres, tout spécialement dans la sculpture, dont fait partie le travail de Mambakwedza Mutasa, est tributaire d’une expérience stratifiée. La succession de strates, comme moments dans lesquels les expériences sont intériorisées, confère un statut provisoire à la réalité qui continue à se dérouler dans le temps et dans l’espace. Ainsi la biennale et sa métaphore du déploiement resteront liées à ce qui advient par la suite, étayant le lieu et le contexte dans lesquels l’artiste donne à voir la part de réalité qu’il / elle a rencontrée ». (…) « Les brassages culturels stimulent la capacité de réflexion de l’homme. Avec toujours pour effet que les cultures engendrent des identités à chaque fois nouvelles qui les définissent, parce qu’elles doivent nécessairement se fondre l’une dans l’autre. »
Contexte
Les critiques retenues ici pourraient bien renvoyer une image un peu trop brillante du niveau général de réflexion, mais elles prouvent qu’une critique sérieuse de la Biennale est publiée. Elles montrent aussi que beaucoup d’artistes composent très intelligemment avec la question de l’identité africaine qui leur est imposée par les attentes d’une « Biennale d’Art Contemporain Africain » et par l’idée persistante que les artistes africains doivent faire de l' »art africain ». Si je ne suis toujours pas satisfait, c’est que je doute fort que ces analyses puissent avoir un impact durable sur la scène de l’art sénégalais et que je me demande même si elles ont le moindre impact localement, à Dakar. Steven Nelson, professeur à l’UCLA remarque que « chacun est trop occupé à se plaindre de la logistique africaine et du manque d’organisation (…), personne ne parle d’art dans le festival. En termes de présentation de conférence, de communication et de discours officiel – un discours incroyablement figé – c’est une réalité. Cependant dans des lieux officieux (…) les gens dissertent abondamment sur le travail exposé (…) ». Y a-t-il encore – malgré les efforts des organisateurs de la Biennale – pénurie d’échanges et de discussion ? Est-ce un symptôme qui va au-delà des compétences de la Biennale et qui serait signe d’une crise du public aussi bien sénégalais qu’africain dans le domaine de la culture ?
Sans aucun doute, les élans artistiques proviennent souvent des artistes de la diaspora, cependant Dak’art, parce qu’il reste le rendez-vous le plus important pour les artistes sur le continent, joue un rôle vital dans le développement de l’art africain contemporain. Pourtant, le décalage entre ce moment de rencontre et d’échange et ce qui en reste est extrême. Se rendre à Dakar en dehors de la Biennale est vraiment une expérience frustrante car toute vie culturelle semble au point mort, la « scène prospère de l’art contemporain » dont parle Carol Brown semble s’être volatilisée (4). Le rassemblement des professionnels pendant la semaine des vernissages, tous les deux ans, peut-il à lui seul constituer le contexte « africain » tant évoqué ? Certains en doutent, comme ce confrère cité par l’artiste sénégalais Viyé Diba : « la Biennale de Dakar est un événement africain qui a fini par échapper des mains des Africains pour devenir une sorte de machine, au service de vacanciers qui ne connaissent pas grand-chose de l’Afrique et qui viennent faire quelques jours de tourisme culturel, ou de ceux qui ont construit leurs carrières sur le dos des artistes africains ». Thierry William Koudedji, journaliste pour Dak’art Actu, le quotidien de la Biennale distribué tous les jours de la semaine d’inauguration, ne croit pas que le lien de la Biennale avec le Ministère de la Culture sénégalais soit suffisant pour garantir l’identité africaine de la Biennale. Pour alléger les problèmes pratiques de mise en place de la Biennale, Koudedji propose de recruter des étudiants de l’école des Beaux-Arts qui pourraient aussi bénéficier de cette expérience et du contact direct avec les artistes.
C’est aussi la teneur du texte de Jessica Oublié qui porte précisément sur l’éducation de l’art. Elle cite un étudiant de l’ENA (École Nationale des Arts) de Dakar déclarant qu’en 2006 la Biennale a pour la première fois tissé des liens pédagogiques avec les étudiants. Oublié reproche aux États africains de négliger l’éducation dans ce domaine et de ne pas reconnaître l’importance des arts. Mais on devrait aussi s’interroger sur la responsabilité et l’implication des enseignants de l’ENA. L’école d’art de Dakar n’a pas le matériel nécessaire pour que ses étudiants travaillent en vidéo. Certains articles rapportent le consensus selon lequel les arts vidéo et numériques sont imposés à la scène artistique africaine par le monde de l’art international et par les critères du marché. Cette rumeur est un exemple évident de reliquats essentialistes de l' »Africanité ». Compte tenu de la prolifération d’ordinateurs, de téléphones portables et de vidéo dans les villes africaines, on ne voit pas pourquoi les artistes africains ne devraient pas s’intéresser à ces médias qui sont certainement plus populaires que la peinture ne l’a jamais été. Aussi, le choix du média artistique – à l’instar des autres sujets – devient une question identitaire qui finit par piéger et emprisonner les artistes, sans leur laisser d’échappatoire.
Oublié accuse aussi la Biennale d’avoir abandonné le public sénégalais, pour s’intéresser exclusivement aux professionnels et aux partenaires internationaux – un reproche que le défunt critique d’art Iba Ndiaye Diadji avait déjà fait aux artistes africains. Koudedji passe en revue les possibilités de présenter l’art hors de l’enceinte de la Biennale et dans les rues, pour toucher un public plus large. Actuellement la Biennale n’utilise pas l’espace public. Les rares passerelles vers un public élargi se trouvent dans le programme du Dak’art-Off, et seuls deux critiques (Maureen Murphy et Storm Janse Van Rensburg) mentionnent certains des projets réalisés dans ce cadre.
On rencontre en Afrique une peur constante de ce qui peut être imposé par l’extérieur et menacer l’identité africaine, mais en même temps la vie culturelle sur le continent se dessèche de l’intérieur par négligence ou par ignorance. Le contexte culturel actuel dans lequel les œuvres d’art se trouvent court le risque de devenir un vacuum, une projection du spectre de l’identité. Les critiques internationaux de Dak’art qui tentent de livrer leur représentation du fameux contexte africain se fourvoient-ils à cause du spectacle de la culture africaine qui disparaît dès que les hôtes internationaux sont partis ? Ont-ils eux-mêmes une part de responsabilité dans cette imposture ? Y jouent-ils un rôle ?
Je crois que la critique de l’art africain doit faire face à deux tâches essentielles :
Les suppositions / sous-entendus essentialistes sur l’identité noire / africaine qui découlent souvent de l’idéologie coloniale raciste doivent être combattus plus fermement, sinon ils continueront à hanter les espaces culturels africains.
Les complexités du sens des œuvres d’art doivent être prises en compte. Le sens d’une œuvre d’art n’est jamais figé. Il dépend du contexte dans lequel l’œuvre apparaît et se déploie. Il peut perdre son assise si les contextes sont contradictoires ou trop éphémères. Les critiques peuvent contribuer au développement du contexte de l’art africain par leur réflexion sur la façon dont l’art fonctionne en Afrique.
Traduit de l’anglais par Marie Emmanuelle Chassaing

1. « Trotz allem »(Dak’art 2002) in Texte zur Kunst, Heft 47, September 2002 ; « The Context of the Dakar Biennial ? », Third Text, 66, January 2004.
2. Yacouba Konaté était entouré d’une équipe de commissaires, chacun chargé d’une région de l’Afrique (comprenant la diaspora) : Célestin Badibanga, Youma Fall, Amy Logan Horschak, Abdellah Karroum, Barbara Murray, Bisi Silva, Marie Luise Syring.
3. En fait Serigne Mor Niang se réfère ici à Soyinka taquinant Senghor en lui demandant si les tigres ont besoin de clamer leur « Tigritude ».
4. Mais si on s’y intéresse d’un peu plus près, on peut découvrir de petites initiatives privées isolées qui essaient de garder courage, comme les rencontres informelles Restitution organisées par l’artiste dakarois Kan-si.
Bibliographie :
Andriamirando, Virginie : « Une biennale essentielle mais menacée », africultures.com publié le 01/07/2006.
Brown, Carol : « Dak’art 7 », in Artthrob, June 2006.
Brown, Carol : « A global Africa at Dak’Art 7 » in African Arts Vol. XXXIX, 4, 2006.
Diba, Viyé : « Dak’Art 2006 : A View from the Inside », African Arts Vol. XXXIX, 4, 2006.
Gleadowe, Teresa : « Dak’Art 7th Biennale of African Contemporary Art », Art Monthly, 297, 2006.
Houénoudé, Didier Marcel ; Schankweiler, Kerstin ; Schmidt, Wendelin ; Schmidt-Linsenhoff, Victoria : « Foyer Des Arts », Texte zur Kunst Heft 63, 2006.
Hughes, Henry Meyric : « Agreements, Allusions and Constructive Misunderstandings », African Arts Vol. XXXIX, No. 4, 2006.
Janse-Van-Rensburg,-Storm : « Art Routes : Negotiating Dak’Art », African Arts Vol. XXXIX, No. 4, 2006.
Koudedji, Thierry William : « Que reste t-il de Dak’art 2006 ? », africultures.com publié le 10/10/2006
Murphy, Maureen : « Afrique : Entendus, sous-entendus et malentendus », Parachute para-para 024
Nelson, Steven : « Recalling Dak’Art », African Arts Vol. XXXIX, 4, 2006.
Roberts, Polly Nooter : « Dak’Art Spaces of Expression », African Arts Vol. XXXIX, 4, 2006.
Oublié, Jessica : « Dak’Art 2006 ou la manière de (re)dire l’art contemporain africain », africultures.com publié le 10/10/2006.
Storr, Robert : « Near and Far », Artforum International, October 2006.
Souvignet, Florent : « Dak’art 7e Biennale de l’Art Contemporain Africain », art press, 326, 2006.
Tissieres, Hélène : « Biennale de Dakar 2006 : oeuvres exposées et témoignages », Ethiopiques, 77, 2006.
Ugiomoh, Frank : « Dak’art 2006, Yawning Cultural Gaps in Fusing Landscapes », Third Text, Vol. 21, No 1, 2007
Vincent, Cédric : « Dak’art, 7e Biennale de l’Art Africain », art21, 8, 2006.///Article N° : 7593

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