Enseigner les langues et cultures créoles dans l’hexagone

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Suite à l’inégalité de traitement faite aux langues créoles dans l’enseignement notamment en Île – de-France, le Collectif pour le créole au bac dans l’hexa gone (CCBH) a été créé en 2006 pour interpeller l’éducation nationale sur ce fait. Après moult combats, les créoles de la République peuvent tous être présentés depuis 2007 au baccala uréat en épreuve obligatoire sur tout le territoire et depuis 2011 en épreuve facultative pour les créoles martiniquais et guadeloupéens uniquement en Île -de-France. Les créoles réunionnais et guyanais n’ayant pas eu cet honneur le CCBH a lancé en 2012 une pétition Konvwa pou Kreyol.

Bonjour, je m’appelle Kevin. Je suis élève de Terminale STG à Jean- Lurçat, Paris 13e. N’ayant pas pu avoir des cours de créole guadeloupéen, je ne sais pas avec quels textes je dois me présenter à l’épreuve du bac 2013 en créole guadeloupéen. Je souhaite acquérir les outils nécessaires, textes, méthodologie, de langue vivante 2 pour passer mon bac dans les meilleures conditions possibles. Je me suis renseigné dans mon lycée pour obtenir ces textes, documents, mais aucune personne ne sait vraiment où je peux les obtenir. Le bac approche, je ne sais toujours pas comment je vais faire pour pouvoir préparer mon oral de langue. Pourriez-vous m’envoyer les textes relatifs au bac créole guadeloupéen ou me dire quels sont les titres des images, documents, textes nécessaires pour le bac ? Dans l’attente d’une réponse favorable…

Bonjour Madame, bonjour Monsieur,
Je suis actuellement lycéenne en classe de Terminale. J’ai choisi de prendre le créole guadeloupéen en option facultative lors de mon inscription, sauf que je ne m’étais pas bien renseignée. J’aimerais avoir plus d’informations si cela est possible. Je sais uniquement que c’est une épreuve à l’oral comme pour toutes les langues, qu’il faudra se baser sur des textes étudiés, sauf que je ne prends pas de cours de créole. Je comprends parfaitement le créole et je sais le parler mais j’aimerais encore plus me perfectionner afin de pouvoir être le plus préparée pour le jour J. Donc j’aimerais savoir s’il y a des moyens, que vous fassiez quelque chose pour moi sachant que vous êtes une association. Je vous remercie d’avance.

Bonjour, Ma fille est en Terminale STG et souhaite rejoindre une association dans les environs les plus proches du domicile qui est Sartrouville pour apprendre à écrire et lire le créole, car elle souhaite prendre le créole en option facultative au bac.

Le Collectif pour le créole au bac dans l’hexagone reçoit beaucoup de mails de lycéens à l’approche des épreuves du baccalauréat et en début d’année, quand les élèves doivent s’inscrire aux options facultatives ou obligatoires. Personnellement, je suis une Négresse de France qui a toujours vécu dans l’Hexagone, qui comprend parfaitement bien le créole puisque j’ai grandi avec ma mère et ma grand-mère, mais je ne le parle pas vraiment ou un tout petit peu. Quand j’ai voulu le parler, on ne m’a pas encouragé, on s’est moqué de moi, donc j’ai laissé passer l’histoire. Je parle français. Je parle en français à mon fils. Malgré tout, on va tous les ans aux Antilles. Sa grand-mère lui parle créole, son grand-père lui parle créole. Toute la génération au-dessus de moi parle le créole. A 14 ans, mon fils a demandé à apprendre le créole. Je lui ai dis de le faire à l’école, puisque je savais qu’on pouvait présenter le breton et le corse au baccalauréat. Nous voulions donc l’inscrire en seconde dans une classe de créole. Il était au lycée Sévigné à l’époque, dans le 5e arrondissement de Paris. Il n’y vait pas d’option créole inscrite dans les programmes pour les élèves originaires de l’Ile-de-France. Le proviseur m’a conseillé de demander au ministère de l’Éducation nationale. Trouvez-moi un professeur, trouvezmoi un groupe d’élèves et on pourra très bien ouvrir une classe de créole au lycée. m’a t il dit. Je suis optimiste de nature. Donc, je trouve les douze élèves, je trouve le professeur Tony Mango et on envoie une lettre à Monsieur François Fillon, pour obtenir un agrément pour cette classe de créole. On reçoit une lettre du ministère nous disant qu’il n’est pas possible d’ouvrir cette classe car on ne peut présenter des épreuves de langues régionales que dans les régions où la langue est en usage . C’est un texte de 1951, la loi Dexon. À ce moment on a créé le collectif avec Igo Drané qui est un conteur et Tony Mango, Professeur d’anglais et de créole, et quelques parents d’élèves. On a prouvé à ce ministère, que la langue créole était en usage en Île-de- France puisqu’on devrait dire qu’il y a le sixième DOM avec Mayotte. Il y a une population qui est aussi importante en Île-de-France qu’en Martinique, Guadeloupe et Guyane réunies. On a fait une pétition signée par plus de 4000 personnes dont Glissant, Chamoiseau… Grâce à la pétition, nous avons été reçus au ministère de l’Éducation nationale. Au bout de deux heures de discussion, l’angoisse de la personne qu’on avait devant nous était de nous dire : Vous n’avez pas peur que ça soit un peu trop communautariste une classe avec des gens qui parlent le créole ? Ce à quoi j’ai répondu : Au contraire, pour beaucoup de jeunes d’Île-de-France, pour certains qui sont nés ici, pour certains qui viennent des Antilles, ou de La Réunion, ou de la Guyane et qui sont peutêtre en difficulté scolaire, en questionnement identitaire, une classe de créole dans l’établissement est une reconnaissance identitaire.
En 2007, on peut présenter les quatre créoles de la République, le créole réunionnais, martiniquais, guadeloupéen et guyanais. Mais seulement en épreuve obligatoire. Or ma demande portait sur la possibilité d’inscrire le créole en épreuve facultative. Si vous n’avez pas les points, vous perdez des points alors qu’avec le facultatif, si vous n’avez pas assez de points, vous ne perdez rien du tout. On a continué à se battre. Ça a été assez difficile. D’abord, en 2008, Patrick Karam a fait une expérimentation au lycée Léon Blum à Créteil et au lycée Paul Éluard à Saint-Denis où il a créé deux classes de créole. Tony Mango était à Créteil et Roger Navy à Saint-Denis. Elles ont eu beaucoup de succès. Tony avait ce qu’on appelle une classe en lycée de regroupement, c’est-à-dire que les autres élèves d’autres villes pouvaient venir prendre des cours dans sa classe alors que Roger Navy, c’était juste une classe de créole pour le lycée Paul Éluard. En 2011, on a été convoqués, car le ministère de l’Éducation nationale a décidé d’ouvrir l’option facultative au créole martiniquais et au créole guadeloupéen, mais pas au créole réunionnais ni au créole guyanais. C’était déjà une très belle victoire. J’avais dit que j’allais arrêter le collectif qui était essentiellement constitué d’ailleurs de Martiniquais et de Guadeloupéens. Si les Réunionnais et les Guyanais ne se joignent pas à nous, je ne ferai plus rien. Et puis on a organisé pendant trois années la journée internationale des créoles et deux Réunionnais nous ont rejoint pour que le créole réunionnais puisse être présenté en épreuve facultative dans l’Hexagone.
On a fait une pétition Convoi pour le créole en demandant aux gens de signer parce qu’il y avait une discrimination évidente concernant le créole réunionnais et le créole guyanais. On a obtenu 1200 signatures. Nous avons été reçus au ministère en juillet 2012 et avons demandé que pour la rentrée 2013, les élèves puissent s’inscrire en option facultative au créole réunionnais et guyanais. Les réserves émises par le ministère avaient trait au nombre de locuteurs. Or pour certaines langues régionales présentées au baccalauréat, il y a très peu de locuteurs et d’inscrits et pourtant les épreuves sont maintenues.

Quelques chiffres

En 2008, on avait 50 candidats qui étaient inscrits tous créoles confondus en obligatoire. En 2009, on avait toujours 50 candidats. En 2010, on avait 61 candidats inscrits dans les quatre créoles obligatoires. En 2011, quand on a l’ouverture aux options facultatives de créoles martiniquais et guadeloupéens, on a 54 candidats inscrits en obligatoire et 487 en facultatif. En 2012, on a eu 42 en obligatoire, 609 en facultatif, ce qui fait en tout 651. Depuis 2008, cela fait à peu près 2080 candidats inscrits dans une épreuve ou facultative ou obligatoire de créole. Nous pensions que les choses allaient s’arranger puisque Monsieur François Hollande avait dit qu’il allait faire ratifier la
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. C’est l’engagement numéro 56. Or cela semble désormais rejeté. Voici la lettre envoyée, en 2013, à Monsieur Vincent Peillon et adressée à Madame Taubira : Monsieur le Ministre
Dans le cadre de nos revendications, notre association, le Collectif pour le Créole au Bac dans l’Hexagone, a tout d’abord obtenu du gouvernement précédent, après de nombreuses actions, l’instauration des épreuves obligatoires des créoles guadeloupéens guyanais, martiniquais et réunionnais accessibles sur tout le territoire hexagonal dès la session 2007 au baccalauréat.
En 2008, nous avons obtenu la mise en place de l’enseignement des créoles martiniquais et guadeloupéens dans deux établissements de l’Académie de Créteil.
Enfin à compter de la session du baccalauréat 2011, nous avons obtenu l’accès aux épreuves facultatives de créole martiniquais et guadeloupéen pour les lycéens qui le souhaitent. Malheureusement, ce même gouvernement a instauré ces épreuves facultatives uniquement pour les créoles guadeloupéens et martiniquais, qui plus est, dans les Académies de Paris,
Créteil et Versailles. Il a donc refusé de le faire pour les créoles guyanais et réunionnais et de l’étendre à l’ensemble du territoire hexagonal. En agissant de la sorte il a créé une double injustice et une discrimination entre les différentes langues régionales créoles, pénalisant, d’une part, les élèves désireux de soutenir les épreuves facultatives de créole guyanais et réunionnais en région parisienne et privant, d’autre part, l’ensemble des élèves de la province de l’accès aux épreuves facultatives des quatre créoles guadeloupéens, guyanais, martiniquais et réunionnais.
Nous nous adressons à vous afin de réparer cette double injustice et cette discrimination, sur la base des promesses et engagements de notre Président de la République, François Hollande, lors de sa campagne présidentielle.

Pour mémoire, François Hollande a déclaré dans ses 60 engagements : « J e veux réinstaurer la justice dans tous nos territoires, tant en métropole que dans les Outre-mer. Je ferai ratifier la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, engagement numéro 56 ». Lors de son discours à Paris du 10 mars 2012 aux Outre-mer, François Hollande s’est aussi engagé : À l’école seront proposés aux élèves qui le souhaiteront des cours de langue locale des Outre-mer, et je pense notamment au créole.
L’accès aux épreuves facultatives des créoles guyanais et réunionnais doit être garanti au même titre que le créole guadeloupéen et martiniquais et l’ensemble de ces quatre épreuves facultatives doit être étendu à tout le territoire hexagonal. Les lycéens, en passant le baccalauréat professionnel, doivent bénéficier de ces épreuves facultatives de créoles, au même titre que ceux des baccalauréats généraux et technologiques. Il faut savoir qu’il y a beaucoup d’originaires des Outre-mer dans les filières professionnelles. L’enseignement des créoles guadeloupéens, martiniquais mais aussi guyanais et réunionnais doit être étendu progressivement à l’ensemble du territoire hexagonal par la mise en place, d’une part de lycées de regroupement, à l’instar des mesures existantes pour les autres langues régionales, par la nomination, d’autre part, de nouveaux professeurs ayant réussi à l’épreuve du CAPES créole en Hexagone ». Nous avons déjà un candidat disponible, Malik Ferdinand, qui a eu son CAPES de créole. C’est le premier à Paris, qui, n’ayant pas eu de poste, est parti en Guyane. Il voudrait avoir un poste à Paris. Enfin, par la certification d’autres enseignants titulaires déjà en poste dans d’autres matières et volontaires à l’enseignement du créole. L’élaboration de manuels pédagogiques doit être encouragée en tenant compte du caractère spécifique et transversal de chacun des créoles.

///Article N° : 13016

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