Comment est né Fest’Africa ?
Fest’Africa est né d’une frustration. Nocky Djedanoum et moi, nous nous sommes rencontrés à l’Ecole du journalisme. Il était en 2e année, j’étais en 1ère. Notre frustration était toute simple : on se sentait malheureux de ne pas voir de pièces de théâtre, de musiciens africains. Il en était de même pour la littérature. Quand on allait dans une librairie de la place, soit ils n’avaient rien, soit c’était confiné dans un petit espace. Nous nous sommes dit qu’il fallait agir plutôt que de se plaindre. C’est ainsi qu’en 1992, nous avons créé une association : Arts et Médias d’Afrique. Au départ, nous voulions la faire vivre à Abidjan mais ça n’a pas marché. On s’est dit : pourquoi pas ici ? Et on a démarré avec quatre écrivains : Tierno Monénembo, Sony Labou Tansi, Ahmadou Kourouma et Jean Jacques N’kollo, qui était le plus jeune.
Quel était l’accueil des institutions culturelles de la place ?
Nous avons eu beaucoup de chance. Après que nous ayons adressé le projet à la ville de Lille, Mme Jacquie Buffin, qui était à l’époque adjoint au Maire chargée de l’action culturelle et qui s’occupe actuellement du développement culturel, a convoqué une réunion à la Mairie avec d’autres partenaires. Au départ, c’était un projet assez fou. Dès la première année, nous avons embrassé la pluridisciplinarité. Avec son expérience de terrain, Mme Buffin nous a demandé d’être réalistes et de choisir une seule discipline. A partir du moment où la mairie a adopté le projet, d’autres partenaires ont suivi.
Quelle a été la réaction du public ?
L’accueil du public a été immédiat. Je me rappelle encore de la première séance où la salle était pleine. Il faut aussi dire qu’il y avait des « pointures ». Mais, je pense qu’en plus de cela, il y avait une demande.
Dès le départ, Nocky Djedanoum est mis en quelque sorte en orbite tandis que tu te fais discrète
Nocky et moi sommes deux des trois permanents de l’Association. Je m’occupe de la communication. Depuis deux mois, je suis la secrétaire générale du Festival. Nocky étant le directeur, il est normal qu’il soit mis en exergue. Je préfère être discrète. J’écoute beaucoup. C’est ma nature. Nous concoctons la programmation ensemble mais je m’occupe de la logistique : transport, hôtel, accueil etc..
Vous accordez une large place aux jeunes auteurs.
Pour la première édition, Sony Labou Tansi, Ahmadou Kourouma et Tierno Monénembo étaient des écrivains que nous avions étudié à la fac en Lettres modernes. Par contre, je ne connaissais pas Jean Jacques Nkollo. C’est L’Harmattan qui nous avait parlé de lui. Pour cette 7eme édition, il y a toute une brochette de jeunes auteurs. Ce sont parfois les maisons d’éditions qui nous les signalent : L’Harmattan pour Mamadou N’Dongo, La Maison des écrivains pour Serge Bitsindou. Quant aux livres qui devaient sortir au mois de septembre, fallait-il attendre l’année prochaine ? Le café littéraire étant l’actualité littéraire, c’est le moment pour présenter ces jeunes auteurs. Et c’est peut-être cette cohabitation avec les jeunes auteurs qui fait le charme du festival. Vous avez d’une part Mongo Beti qui a 67 ans et de l’autre Etoké qui en a 22, et qui est presque sa petite fille !
Au début, vous avez mis l’accent sur la littérature, maintenant l’interdisciplinarité s’affirme. Est-ce le budget qui augmente ou l’ambition de faire de Lille le carrefour de la culture négro-africaine ?
La pluridisciplinarité fait partie de notre démarche depuis 1994 où nous avions déjà le musicien Ami Koïta. D’autre part, nous avons déjà accueilli en résidence deux peintres, l’Ivoirien Théodore Koudougnon et le Tchadien Abdelkader Badaouï. Ils ont d’ailleurs exposé dans la région de Lille. Cette année, il y eu des musiciens camerounais en résidence, qui ont réalisé des ateliers de musique d’une semaine dans une des villes de la région. Sans fausse modestie, Fest’ Africa est devenu un événement majeur pour la ville et fait déjà partie de la vie culturelle de la région. Chaque année la manifestation est très attendue.
Est-ce qu’une édition se dégage en particulier ?
Je dirais sans hésiter que c’est en 1993, au début de Fest’Africa. On a dû se battre pour que Kourouma vienne, qui avait déjà pris des engagements ailleurs, et j’ai usé de l’autorité de mon oncle, qui est son ami. C’était très émouvant. A la gare de départ, nous avions les larmes aux yeux ! Je pourrais dire la même chose de l’édition de 1996, consacrée aux femmes, où Aminata Sow Fall avait finalement pu venir. L’édition 97 avec des auteurs comme Boris Diop, Moussa Konaté nous a également marqués. Enfin, je n’oublierai pas non plus la venue de Maryse Condé. C’était tellement émouvant, qu’on a oublié de lui faire signer le livre d’Or. Chaque édition a son charme. Les écrivains nous félicitent pour l’organisation et l’importance de la manifestation. Cela fait chaud au cur et encourage ! Car c’est chaque année un défi à relever.
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