« Être Africain n’est plus suffisant pour que l’on se rassemble »

Entretien d'Ayoko Mensah avec Faustin Linyekula

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En 2001, après avoir sillonné l’Afrique et l’Europe, le chorégraphe Faustin Linyekula s’installe à Kinshasa et fonde les Studios Kabako. Comment créer dans un pays ravagé par des années de guerre civile ? Quel rôle peut avoir l’artiste dans la société ?

Après plusieurs années de nomadisme, vous avez décidé en 2001 de rentrer au Congo, malgré l’instabilité que connaît le pays, pour fonder à Kinshasa les Studios Kabako. Pourquoi ce choix ?
J’ai quitté mon pays en 1993. J’ai vécu plusieurs années au Kenya, puis entre différents pays : le Congo, le Rwanda, le Kenya, la France, entre autres… En 2001, j’ai décidé de m’installer à Kinshasa pour fonder les Studios Kabako. C’était pour moi d’une urgence capitale. Il n’y avait rien en danse contemporaine au Congo : j’ai eu l’impression de créer un point au milieu du désert. Ces studios sont avant tout un espace de rencontre, d’échanges artistiques. Depuis le départ, j’y invite d’autres danseurs et artistes à animer des ateliers. J’ai veillé à montrer différentes démarches car je ne voulais absolument pas reproduire le  » mobutisme  » en danse : être la seule référence en création contemporaine. J’ai voulu créer un petit espace d’échange et de rêve, ouvert sur le monde, dans un environnement qui le permet à très peu de gens.
Comment les Studios Kabako s’inscrivent-ils aujourd’hui dans le foisonnant paysage culturel kinois ?
Aujourd’hui, ils sont connus de tous les acteurs culturels kinois. Nous sommes devenus une référence, non seulement artistiquement mais aussi au plan administratif. En faisant systématiquement des contrats, en payant les artistes, Kabako a bouleversé les pratiques du terrain. Cela en a dérangé certains. Mais globalement, nous sommes perçus positivement car nous employons une équipe (des danseurs, un coordinateur, une administratrice…) et nous avons une certaine indépendance. La compagnie s’autofinance à 95 % grâce aux recettes de ses tournées internationales. Nous partons souvent à l’étranger mais rentrons toujours à Kin. Symboliquement, dans l’imaginaire des artistes, c’est quelque chose de fort. Pourtant, paradoxalement, peu de gens savent réellement ce que nous faisons. Nous restons mystérieux – même si nous avons organisé des ateliers de formation et que toutes nos pièces sont en premier lieu présentées à Kinshasa.
Cela s’explique-t-il par le fait que vous n’avez pas de lieu propre à Kinshasa ?

///Article N° : 4123

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