Événements

Une histoire de femmes
exposition de photos de nus et danseuses.

Français

Une façon de penser le monde

On ne peut habiter à la Réunion sans réfléchir sur le singulier « vivre ensemble » qui caractérise cette île. Appelons ça métissage, ou plutôt créolité. Le mot « Créole » vient du latin « creare » qui signifie en français « créer/être créé ». Il désigne, dans son étymologie même, la nouveauté.
Paradoxe de l' »histoire »: c’est dans la douleur de l’esclavage, un des plus grands dénis de l’humanité, que la civilisation créole est née, un modèle aujourd’hui d’humanisme! Oui, « civilisation créole », le mot n’est pas trop fort car il s’agit bien d’une façon de penser le monde. Joël Pèlerin raconte: « J’ai fait une image forte d’un couple où l’homme blanc est à la merci d’une femme noire… C’est bien sûr humoristique et provocateur, un clin d’oeil à l’abolition de l’esclavage. Je rappelle que cette expo sera présentée le 1er décembre à la Possession et le 20 décembre à Johannesburg en Afrique du Sud. Cette image n’est pas anodine, d’ailleurs la femme a visiblement pris un plaisir particulier à la faire! Posons nous la question: pourquoi cette photo nous fait sourire? »
La Réunion a réussi l’utopie de brasser les peuples, les cultures et les religions et aboutir à un résultat inattendu, totalement nouveau: une culture plurielle, c’est-à-dire une culture qui n’est pas un mélange mais une rencontre incessante?
Ici, même les plus blancs ont un ancêtre noir. Joël Pèlerin dit: « Le métissage est permanent à la Réunion, et je l’ai illustré plus particulièrement par des photos mère-enfant où l’enfant est très blanc sur sa mère bien colorée issu d’un couple père métropolitain – mère réunionnaise, métissée indienne. Un autre bébé est avec sa maman réunionnaise, métissée chinoise, un autre encore avec une mère réunionnaise métissée comorienne… »
Et c’est bien que tout cela se passe dans un pays où le mot « fraternité » est gravé sur le fronton des mairies !
Les photos de Joël Pèlerin montrent cette réalité ! « Ce que je crois, à travers ce que je vois », elles disent que la beauté féminine est aujourd’hui métisse, c’est à dire diverse, ouverte sur le monde et sur l’avenir. Toutes les nuances de couleur de peau existent à la Réunion, les Réunionnaises ont des traits européens, africains ou asiatiques et leur identité culturelle est toujours multiple.
Le photographe explique: « Je laisse beaucoup de liberté à mes modèles, ce sont autant elles que moi qui choisissent les poses, je tiens à ce que ce soit leur personnalité qui s’exprime, un peu de leur « âme » qui transparaît au travers de leur corps… Forcément, il y a du « moi » c’est à dire du « Joël Pèlerin » aussi dans chacune de mes oeuvres, d’abord parce que c’est toujours moi qui choisi mes modèles, il faut qu’elle m’inspire, que tout au fond de moi je la trouve Femme, et que j’éprouve le désir de sublimer cette Féminité. Ensuite, la façon dont elle se comporte, ses attitudes, ses mouvements, ce qu’elle « donne », elle me le donne à moi d’abord, en retour à ce que je lui fais ressentir. Enfin les retouches de lumière et de cadrage sont faites selon ma propre sensibilité : le produit final est bien un produit de nos deux personnalités ».
Comme d’habitude, le photographe a fait choisir les photos exposées par un « jury » composé cette année de 24 femmes de tous les milieux et de tous les âges, toutes les photos sont nouvelles et le choix a été qualifié de « particulièrement difficile »: « Il est cependant obligatoire ne serait-ce que pour des raisons financières je ne peux faire tirer les 71 photos présentées… » Il y des photos de Nus Académiques avec des poses variées et des cadrages différents, certaines sont jugées plus « esthétiques » d’autres plus « sensuelles ».
Il précise: « Je suis plus que jamais à la recherche de la FÉMINITÉ et du MÉTISSAGE, les différentes facettes qui me plaisent chez la femme, qui comme je l’avais déjà dit, est avant tout pour moi « Une promesse de bonheur ». Bonheur pour son partenaire, pour son enfant, pour l’Humanité… »
Tous les modèles de Joël Pèlerin sont photographiés sur fond noir, comme la lumière éclaire les ténèbres? L’éclatante beauté des femmes métisses est un signe du destin. Le destin du monde, ce n’est pas le mondialisme, qui est synonyme d’uniformisation, de culture dominante, non, le destin du monde est créole, c’est à dire multi-culturel, métis.
Le photographe n’impose pas sa vision du monde, il la propose, c’est une offrande. Et c’est bien que cette vision du monde soit originaire de ce que l’on appelait autrefois un des « confettis de l’Empire »: un autre paradoxe!
Le métissage est un résultat, la créolité le processus. Ce sont des données culturelles fortes car inscrites dans les faits, mais elles sont aussi fragiles, car elles ne sont pas encore inscrites dans les consciences. « L’avenir de la planète est au métissage, affirme Joël Pèlerin, il plaît aux jeunes, et c’est bon signe ! Pour mémoire, quelques chanteuses métissées et célèbres : Alicia Keys mère blanche et père noir, Amerie, mère coréenne père afro-américain, Ayo mère gitane père nigérien, Mariah Carey mère irlandaise père noir vénézuélien (ingénieur aéronautique), Samantha Mumba mère irlandaise père zambien, Vanessa Williams les deux parents métis et première afro-américaine couronnée Miss America en 1984 ».
Lors du vernissage du 1er décembre à La Possession il y aura trois danseuses choisies par Yun Chane, qui a historiquement formé la première compagnie de danse contemporaine de la Réunion, et a joué en Europe, sur le continent Américain, en Afrique, en Asie, et dans la zone Océan Indien. Elle s’intéresse à la Féminité et au Métissage, ses oeuvres « Le baiser des louves », « Couleurs de femmes », « En chevauchant les nuages » et « Les Filles d’Heva » sont autant un hymne à la condition féminine qu’à la richesse, et la difficulté, du métissage.
Joël Pèlerin explique: « Il apparaît que Yun Chane et moi-même sommes sur les mêmes recherches, chacun de nous avec sa propre sensibilité, le vernissage du 1er décembre devrait donc être particulièrement « riche » en émotions ».
Dans une société qui est aujourd’hui en mal de repères, la culture est génératrice de lien social.
LES DANSEUSES : ORIANE, SABRINA et EVA
ORIANE : « Bout de Femme »

Oriane GERMSER a 20 ans, elle vit au Tampon, ses deux parents sont chorégraphes.

« C’est après avoir dansé deux ans en France, que je reviens sur mon île avec le désir de rencontrer le public réunionnais. Ma rencontre avec Joël Pelerin est un merveilleux hasard (orchestré par Yun Chane, que je remercie au passage), puisque ma danse et plus particulièrement mon solo,  » Bout de femme… « , parle de féminité, du passage de la jeune fille à la Femme. Son travail à lui exploite également ce thème, et ses photos sont pour moi une source d’inspiration. Si nous avons en commun la même notion de la complexité et de la beauté féminine, il m’a emmenée vers d’autres horizons comme par exemple, son travail sur le métissage. C’est donc avec curiosité et plaisir que je vis cette expérience, ce mélange de l’art de la photographie et de la danse, en espérant que cela me portera dans ma créativité. »

Extrait de « Bout de Femme », sa création :
« Bout de Femme… Un cocktail de déraison, d’ivresse et de passion…. Bout de Femme…éparpillée, sorte de femme en kit, mais présente, vivante, résistante. Femme : c’est un concept insaisissable, aux contours flous. Même si je n’en suis qu’un bout, j’en suis fière ! »
SABRINA : « la danse doit être au service de l’humanité »

Sabrina TIPVEAU, 28 ans, habite St Louis.

« Je suis de retour à la Réunion après avoir dansé en métropole. Je lance un clin d’oeil à Yun Chane pour l’opportunité de me faire connaitre et à Dieu pour ce don. J’ai accepté de danser pour Joël Pélerin sans savoir que c’était du Nu mais je partage ses valeurs sur l’identité de la Femme, le métissage et le « vivre ensemble ». Sur scène, j’ai cette sensation bizarre d’être habitée par la danse. Pour moi la danse est un langage, c’est un reflet de l’âme, et elle doit être au service de l’humanité. »
EVA : « la danse plus puissante que le verbe… »

Eva RAZANAKA a 19 ans, cette Portoise danse depuis la petite enfance.

« Pour moi, le langage du corps par la danse est le plus clair que je connaise, j’arrive à exprimer des choses impossibles avec des mots. Je danse tout le temps, tous les jours, plusieurs fois par jour…Il m’arrive d’avoir un conflit avec mon copain, et si la situation est bloquée et tourne au dialogue de sourds, alors je danse devant lui, pour me faire comprendre, et ça marche ! J’adore les photos de Joël Pélerin, il a saisi l’importance des émotions que nous, les femmes, on fait passer par notre corps. Et puis il montre la féminité qui m’interpelle beaucoup car il n’y a pas longtemps que je l’ai découverte chez moi, je me croyais encore petite fille… Et comme lui, j’aimerais montrer la valeur du métissage, promouvoir la culture réunionnaise dans le monde entier, lui avec ses photos, moi par la danse. Je suis très reconnaissante à Yun Chane de m’avoir permis de me produire à l’occasion de cette manifestation. »
Exposition à voir à l’Office du Tourisme de la Possession (tel 0262 22 26 66) du 1er au 31 décembre 2007.
lundi 09h-16h mardi – vendredi 09h-17h samedi 09h-12h30
Partager :