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Transferts, exposition d’art contemporain dans le cadre d’Africalia 03
Avec William Akuffo, Brahim Bachiri, Hicham Benohoud, Bili Bidjocka, Frédéric Bruly Bouabré, Isaac Carlos, Gaston Damag, D.O.F., Godfried Donkor, Bodys Isek Kingelez, El Anatsui, Alfredo Jaar, William Kentridge… et encore :

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Abdoulaye Konaté, Mona Marzouk, Ingrid Mwangi, Otobong Nkanga, Aimé Ntakiyica, Antonio Olé, Keith Piper, Tracey Rose, Pascale Marthine Tayou, Fatimah Tuggar, Minnette Vari, Sue Williamson

L’exposition Transferts engage un questionnement critique sur les mutations qui, quotidiennement, impriment leurs marques sur nos sociétés et modifient en profondeur l’être humain. L’accroissement du pouvoir des forces financières, la réduction de l’action humaine à la productivité et à la compétitivité, la quête du profit maximum, la montée de l’individualisme, l’augmentation de la surveillance et du contrôle, la marchandisation de tous les secteurs de la vie sont autant de mécanismes consubstantiels à la globalisation, omniprésente. Le développement urbain est une des expressions les plus visibles des changements qui affectent notre monde. Certaines mégapoles sont ainsi les métaphores des maux planétaires: précarisation, chômage, délinquance, drogue, etc. Cependant, elles demeurent avant tout des lieux de la mixité, des espaces où s’acquièrent une conscience de soi plus vaste et plus riche. En tant que tissu de l’organisation humaine, la ville est aujourd’hui un système complexe gouverné par une logique de flux de toutes sortes: hommes, capitaux, marchandises, informations.

Le titre Transferts se réfère aux mouvements à la fois fantastiques et déconcertants du développement technologique et culturel qui modifient les conditions structurelles de notre perception du monde. Les artistes invités à participer à cette exposition vivent dans des villes aussi diverses que Accra, Le Cap, Kinshasa, Lagos, Johannesburg, Alexandrie, Marrakech, Abidjan, Douala, Amsterdam, Londres, Paris, Tourcoing, New York ou Bruxelles. S’ils affirment nettement une prédilection pour les questions qui hantent nos sociétés actuelles, leurs propositions cristallisent la complexité de leur relation intime à ces localisations spécifiques. Le monde, en raison des progrès techniques rapides, nous paraît de plus en plus étranger. Il en est de même pour de nombreux artistes, que la mobilité toujours plus grande (conséquence de l’augmentation et de la facilité des communications intercontinentales) rend un peu plus étrangers à leur propre milieu de vie.

Les œuvres reprises ou créées spécifiquement pour l’exposition Transferts invitent à la réflexion sur deux questions essentielles: la mort de l’altérité et l’accélération de l’histoire.

A travers le thème de la mort de l’altérité, l’exposition aborde la difficulté de comprendre un monde intégré à un seul réseau et engagé dans une diversité de processus, allant de l’homogénéisation de la planète à la question des migrations. Autant de facteurs qui intensifient les réflexes de divisions, de partage, de séparation, d’apprivoisement, d’opposition culturelle. A travers le développement des nouvelles technologies, l’artificialisation de toutes les dimensions de l’existence se fait jour et se pose comme un défi à nos identités, à notre relation à l’autre et à notre façon d’être au monde.
Le second thème abordé, « l’accélération de l’histoire », s’intéresse à notre relation à la mémoire des faits et des événements présents. Les médias, la télévision surtout, régentent fortement notre perception du réel. La diffusion planétaire des attentats du 11 septembre et des différents conflits sanglants (Afghanistan, Irak, Tchétchénie…), voire leur absence des écrans tel le génocide du Rwanda, nous donne l’illusion de vivre au-dessus du vide.

Depuis une dizaine d’années, le terme « art contemporain africain » est souvent utilisé pour définir l’art fait aujourd’hui au sein des délimitations géopolitiques précises du continent africain, mais rien n’en prouve la spécificité. Ce n’est pas dans les termes éculés d’une identité continentale de cette production qu’il faut en rechercher l’unité, mais bien dans la transcendance de cette identité par son contact avec les autres continents. L’exposition Transferts veut éviter le piège d’un discours multiculturaliste superficiel qui se réduit à la consommation tranquille de stéréotypes culturels. Il est important de déplacer le débat au-delà des clivages simplistes habituels (Occident/reste du monde, blanc/noir, centre/périphérie,…) afin de mettre en lumière la contradiction et la nature hybride de la vie culturelle et sociale des cultures dont l’existence s’inscrit bien au-delà de l’incontournable dialectique entre la tradition et la modernité. Parmi les 27 artistes dont les œuvres sont exposées certains sont des habitués de la scène artistique internationale, d’autres exposent pour la première fois en Europe. Ils ne forment ni un courant ni un groupe. Le parti pris a été de réunir des créateurs, de générations différentes, susceptibles d’incarner valablement, dans leurs propos, une perception critique de leur époque.

Le parcours de l’exposition, répartie dans une quinzaine de salles, se fonde sur un rapport vivant avec les œuvres, oscillant entre l’immersion et la distance critique. Deux champs d’expérience peuvent être dégagés. Le premier se place sous le signe du processus de transformation en cours. Ainsi, la plupart des artistes invités produisent des œuvres en prise directe sur le réel qui sont autant d’appels à témoin devant l’urgence de certaines questions de société et d’actualité: Pascale Marthine Tayou, Afrosisiaque…Aphrodisiaque…Afrodisiaque (2003) propose, en relation avec les regroupements continentaux face à la mondialisation, un projet de rencontres et d’identités; Abdoulaye Konaté, Gris-gris pour Israël et la Palestine (2002), implore le dialogue devant les attentats suicides en Palestine, les vengeances qu’ils engendrent, la vision de destruction permanente, une fatalité imposée, au quotidien, à nos consciences de téléspectateurs; Isaac Carlos, Underneath the second skin (2003), fait surgir, par l’évocation du scannage, l’inquiétant avènement, notamment par l’observation satellitaire et une militarisation croissante de celle-ci, d’une culture de la surveillance et du contrôle permanents; face à la complexité et à l’horreur du drame du génocide rwandais, Alfredo Jaar refuse toute spectacularisation en donnant à travers son œuvre, Epilogue (1998), une profonde leçon d’éthique, jouant sur la dialectique, entre pudeur et censure; Ingrid Mwangi, To be in the world (2002), fustige également la violence de notre monde, vue à travers les débordements scopiques de nos sociétés de l’information; Brahim Bachiri, Marocaines à deux dimensions (2002), se livrent à un jeu de questions destiné à troubler l’amnésie de nos esprits contemporains saturés d’informations; l’œuvre de Sue Williamson, Better Lives (2003), questionne le statut de l’étranger dans les démocraties modernes et s’interroge sur la légitimité des frontières imposées aux déplacements des personnes dans un monde qui tire tant de profits de la circulation des personnes et des biens.

Un deuxième ensemble réunit des artistes qui ont une relation subjective à la crise de la notion d’altérité et qui font de l’art une machine identitaire. Une question problématisée par de nombreux travaux: Gaston Damag, Disparition 1, (2002) et Knocking on Heaven’s Door (2003), traite de l’appropriation de l’expression des cultures primitives par la culture dominante occidentale; Otobong Nkanga, Perfect Measures (2003), aborde la séduction par la modification physique comme mode de production d’une nouvelle altérité; Aimé Ntakiyica, évoque avec un humour décapant, l’appropriation culturelle à travers les clichés vestimentaires; Godfried Donkor, Browning Madonnas (2003), relève à travers les figures de pin-ups caribéennes une réminiscence de l’exploitation séculaire du corps africain… D’autres artistes se révèlent d’habiles manipulateurs de l’image pour faire naître ou réinventer d’autres figures d’altérité: Hicham Benohoud, La Salle de classe (2003), Fatimah Tuggar, Fusion Cuisine (2000), Tracey Rose, Lucie’s Fur (2003). Quant à l’étrange défilé de silhouettes, Shadow Procession, de William Kentridge (1999), il ressemble à première vue à une parade populaire ou à une marche nationaliste, mais le fond sonore devient si poignant qu’il soulève des relents d’un exil massif ou d’un déplacement forcé.

Le discours individuel et le projet esthétique sont rejoués à travers l’usage de technologies ou par la formulation de mondes parallèles: Keith Piper, Robot Bodies (2003), évoque le débat sur l’intervention de l’homme dans son propre patrimoine génétique, suite au progrès des biotechnologies, qui de l’homme ou de la machine crée désormais l’autre?

A travers une grande diversité d’approches plastiques (vidéo, sculpture, peinture, installations, performance), les œuvres semblent toutes invoquer la nécessité de se montrer plus vigilants devant les changements en cours.

La vie urbaine est source de travaux plastiques qui nous introduisent dans le théâtre de la quotidienneté ou donnent lieu à la création d’univers totalement inédits: D.O.F. (Depth of Field), collectif de quatre jeunes photographes (Amaize Ojikere, Toyin Sokefun, Uche James Iroha et Kelechi Amadi-Obi) se livre à une subjective cartographie humaine et physique de la ville de Lagos, gigantesque mégapole, capitale économique du Nigéria; Mona Marzouk (2003) crée des formes architecturales comme vision et représentation du pouvoir; Body Isek Kingelez, Kimbembele Ilunga (1991), propose l’incarnation d’un village coutumier qui devrait devenir une ville futuriste, ultramoderne, cosmopolite, métissée et ouverte; Minnette Vàri, The Calling (2003), s’intéresse à la métamorphose des villes et aux migrations en rapport avec la marginalité et l’exclusion du système ou de l’ordre social; les photographies d’Antonio Olé, Silences Voices-I, Luanda – (2000) et Urban Choices -I, Luanda (2000), décèlent dans les traces abstraites couvrant la surface des murs des villes l’image des flux qui les travaillent de l’intérieur; El Anatsui, Man’s Cloth II (2000), prélève les matériaux de l’environnement urbain, recyclés aux fins d’un nouvel habillage de l’homme.

D’autre part, certains artistes manifestent dans leurs œuvres, à des degrés divers, une volonté farouche de nous rendre le monde plus habitable. Comme Frédéric Bruly Bouabré, Musée du visage africain (1991-92), penseur universel qui, à la façon d’un entomologiste, inventorie, répertorie la connaissance du monde.

Enfin, la confrontation avec l’espace du Palais des Beaux-Arts donne lieu à des installations monumentales in situ (Bili Bidjocka, On est dans l’espace de la Peinture ou on ne l’est pas 2003) et offre également une place indispensable au rapport plus intime (Minnette Vari, The Calling, 2003). Sur les toits du Bozar flotteront les 54 drapeaux des pays constituant l’Union africaine, comme un appel au dialogue, à l’interaction: Pascale Marthine Tayou, Afrosisiaque…Aphrodisiaque…Afrodisiaque (2003).

Outre la présentation de ces œuvres au BOZAR, l’exposition Tranferts comprend un programme vidéo, présenté au Cinéma Nova. Celui-ci offre au public la possibilité unique de découvrir les fameux home vidéos produites en masse pour le marché du Ghana et du Nigeria. Aux antipodes des codes hollywoodiens et produites à faibles coûts, les vidéos sélectionnées appartiennent au genre de films d’épouvante. Ces productions nous ouvrent sur d’autres mondes, traduisent l’hybridité propre aux villes ouest africaines, s’appuient sur des substrats culturels forts (le répertoire exploite à l’infini des histoires de sectes maléfiques, de magie noire, d’envoûtements) qu’elles brassent avec l’expérience de la vie moderne, présentée souvent sous ses dérèglements les plus catastrophiques. Le succès des home vidéos déborde largement les frontières du Ghana et du Nigeria pour envahir les marchés des pays voisins, puis l’ensemble des pays africains jusqu’à l’Afrique du Sud, la distribution via l’Internet permettant d’atteindre les communautés d’expatriés. Au-delà de la curiosité et de l’engouement qu’elles peuvent susciter, elles démontrent la possibilité de l’Afrique de générer ses propres images, et de réinventer un langage visuel approprié à son propre contexte urbain.

Toma Muteba Luntumbue

TRANSFERTS
Exposition organisée par Africalia asbl
Commissariat et coordination artistique: Toma Muteba Luntumbue
Assistante à la coordination artistique: Anne Judong
Coordination technique et régie: Erwin De Muer
Scénographie et design: Franck Houndegla
Graphiste: Kim Beirnaert
Coordination Publication: Anne Judong
Programmation Africa screams: Dirk Van Exterghem

Un Catalogue (version fr.nl.engl.) accompagne l’exposition. Il comprend diverses contributions dont celles de: Toma Muteba Luntumbue, Johannes Fabian, Youssouf Tata Cissé, Tobias Wendl.

Presse/Communication: Muriel Hasson, Olivier Hespel, Pieter Jansens
Partenaires: Cinéma Nova asbl, Gemenschaapcentrum Demarkten.


Exposition phare de la ‘Saison africaine’. Cet événement d’envergure comprend:

– Une exposition regroupant 27 artistes contemporains au Bozar, à Bruxelles;
– Une performance originale de Otobong Nkanga, lors du vernissage de cette exposition.
– Trois soirées ‘Africa screams’de projections vidéos au Cinéma Nova, Bruxelles;
– Une conférence-rencontre avec William Akuffo, Tobias Wendl et Fidelis Ducker au De Markten, Bruxelles;
– L’exposition ‘Horror Movie Posters from Ghana and Nigeria’au De Markten


Calendrier, des événements des premiers jours:
Jeudi 19 juin

18h30
Vernissage de l’exposition d’affiches peintes du Ghana et du Nigeria Horror Movie Posters from Ghana and Nigeria, au De Markten (5 place du Vieux Marché-aux-Grains, 1000 Bruxelles)
20h
Africa Screams, au Cinéma Nova (4 rue d’Arenberg, 1000 Bruxelles)

Vendredi 20 juin
11h30
Visite de presse de l’exposition Transferts au Bozar, Palais des Beaux-arts de Bruxelles
18h30
Vernissage de l’exposition Transferts au Bozar, Palais des Beaux-arts de Bruxelles
19h30
Performance exceptionnelle de la plasticienne Otobong Nkanga
20h
Africa Screams, au Cinéma Nova
23h
Soirée DJ, au Matrix Art Project (34 Quai aux Charbonnages, 1000 Bruxelles)

Samedi 21 Juin
14h30
Conférence–rencontre au De Markten

William Akuffo (Réalisateur-producteur ghanéen), Tobias Wendl (Antropologue, Directeur du Iwalewa Haus, Bayreuth, Allemagne) Fidelis Ducker (réalisateur-producteur, nigérian)
18h
Africa Screams, au Cinéma Nova
20h
Africa Screams, au Cinéma Nova
22h
idem

Dimanche 22 juin
18h
Africa Screams, au Cinéma Nova
20h
idem
22h
idem

Infoline: 02/412 58 81
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