Faits et gestes de la Sape

Photographies de Baudouin Mouanda

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Membre du collectif « Génération Elili » de Brazzaville, Baudouin Mouanda, jeune photographe dont le travail fait mouche depuis quelques années dans les événements dédiés à la photographie du continent africain, revient sur le travail qu’il a consacré à la Sape, la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes.

Comment vous êtes-vous intéressé à l’univers des sapeurs ?
À Brazzaville, je n’attachais pas beaucoup d’importance à ce phénomène. Mais lors de ma venue en France en 2007, j’ai été très flatté de voir des Sapeurs animer une rame de métro. Par la suite, je me suis rendu compte que la Sape avait joué un rôle très important à Brazzaville en 1998-1999, après la guerre civile. Il n’y avait plus de distractions en ville, tout était fermé. Les sapeurs ont réussi à faire revivre une ambiance qui fait partie du quotidien des Congolais. Pour la population traumatisée, l’atout des Sapeurs était de montrer qu’il fallait avoir de l’espoir. Leur message, c’était : « nous sommes bien habillés, et ce n’est pas pour rester cachés dans nos chambres ! Nous avons été épargnés par les hostilités et avons la chance de vivre. Il est inutile de se battre avec les armes, on peut discuter et se tenir par la main ». Ce message de paix est souvent évoqué par les sapeurs. Voilà pourquoi, en tant que photographe, j’ai voulu les suivre. Les images voyagent et font passer des messages. Je veux montrer qu’il existe une Afrique de la gaieté. C’est cette optique que j’adopte dans mon travail.
Comment les photographiez-vous ?
Par rapport à d’autres artistes qui s’intéressent aux sapeurs, j’ai ma démarche personnelle. Je ne leur demande pas de poser. Je veux montrer la vie, l’ambiance qui est la leur. Je ne travaille pas comme les photographes d’antan dans un studio. Je veux entrer dans une photographie sociale, qui est dans la rue même, à Brazzaville, en montrant une Afrique qui bouge et qui est culturelle.
Est-ce qu’il existe des femmes dans la sape ?
Il y a de nombreuses rencontres et associations de sapeurs à Brazzaville. Chaque quartier, chaque arrondissement a ses sapeurs : on y retrouve des femmes. Elles sont nombreuses, même si elles se font moins remarquer que les hommes.
La sape est-elle toujours aussi populaire aujourd’hui à Brazzaville ?
Voilà un événement qui montre le succès du phénomène au Congo : durant la fête nationale, chaque 15 août, il y a un moment que la population attend impatiemment, c’est le passage des sapeurs ! Chacun d’entre eux défile avec sa propre démarche. En effet, on ne peut pas être un vrai sapeur, tant que l’on n’a pas un style et un jargon propre, à l’instar d’un illustre représentant de la Sape à Paris que l’on appelle « le bachelor » et qui a établi ses dix commandements ! Être sapeur, ça ne s’improvise pas. C’est un esprit particulier. Il n’y a pas que les chaussures Weston qui comptent, il faut également avoir de la tchatche pour créer de l’ambiance et savoir « argumenter son accoutrement ».
Certains trouvent choquant que les sapeurs dépensent des fortunes pour s’habiller alors que beaucoup de citoyens ont du mal à assurer leur quotidien…
C’est une polémique qui resurgit de temps à autre à Brazzaville. Pour ma part, je pense que chacun est libre. Après tout, c’est leur propre argent. Et comme ils le disent eux-mêmes, c’est une façon de se faire plaisir. J’ai rencontré beaucoup de Sapeurs : s’il est vrai que ceux qui habitent Paris peuvent dépenser des fortunes, à Brazzaville, la plupart s’habillent très bien tout en achetant leurs tenues dans des boutiques plutôt bon marché. Ce n’est pas tant la marque du grand couturier qui fait le Sapeur que son talent pour gérer les couleurs.
Votre travail sur les sapeurs a été exposé dans plusieurs pays. Aujourd’hui considérez-vous avoir fait le tour de la question ?
Non, j’ai envie d’aller encore plus en profondeur dans la vie quotidienne des Sapeurs : à Paris comme à Brazzaville. Je veux également travailler sur les Sapeurs de la République Démocratique du Congo. Il y a une forte polémique entre les deux pays au sujet de la paternité de ce phénomène…

Série « La Sape au quotidien des Brazzavillois » consultable en ligne sur le site d’Afriphoto : http://www.afriphoto.com

Entretien publié dans le n°19 d’Afriscope « En 2011 réinventons la mode ! Consulter en ligne :[Afriscope] ///Article N° : 9889

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Les images de l'article
La Sape au quotidien des Brazzavillois © Baudouin Mouanda
La Sape au quotidien des Brazzavillois © Baudouin Mouanda
La Sape au quotidien des Brazzavillois © Baudouin Mouanda
La Sape au quotidien des Brazzavillois © Baudouin Mouanda
La Sape au quotidien des Brazzavillois © Baudouin Mouanda
La Sape au quotidien des Brazzavillois © Baudouin Mouanda
La Sape au quotidien des Brazzavillois © Baudouin Mouanda





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