Faux Blancs

De Jean-Daniel Bécache

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En regardant Faux Blancs, je pensais aux Derniers colons de Thierry Michel. Les deux films s’intéressent à ces Blancs qui vivent en Afrique sans être des « expat », ces expatriés venus pour un travail précis, en général d’affaires ou de coopération. Mais alors que Michel montrait des Blancs encore terriblement colons, restés au Congo-Zaïre même après les pillages de 1991 et 1993, ceux que regarde Bécache sont des Blancs fixés au Cameroun depuis belle lurette, en général pour s’être mariés à une femme noire, pauvres parce que sans travail ou payés en salaire local – et partageant donc la galère commune. Ce qui rapproche les deux films n’est pas seulement le respect d’une caméra qui ne juge pas mais aussi l’idéologie qu’ils mettent en cause, cette croyance encore si vivace de la supériorité du Blanc – et la nostalgie sous-jacente d’une époque où régnaient l’ordre et l’efficacité (de l’exploitation). Un « faux Blanc » est un Blanc qui ne correspond pas à l’image du Blanc, forcément riche, forcément évolué – un handicapé ou un fou en somme, tout aussi gênant et révélateur.
En cela, les faux Blancs sont parfaitement subversifs, tant pour la société africaine que pour les Blancs bien installés qui ne supportent pas cette image déformée. Tout se passe comme si ils torpillaient par leur simple existence cet imaginaire ravageur que l’on rencontre de plus en plus en Afrique prônant la recolonisation moderne d’un continent supposé incapable de s’en tirer tout seul.
C’est cet imaginaire qu’explore le film à travers ses rencontres, la parole des Africains étant tout aussi centrale que celle des Blancs. Les causes en sont évoquées dès le départ, dans l’acculturation liée au système scolaire, puis la dévalorisation dans l’intégration raciale de la différence. Hormis quelques travellings de rues qui donnent une impression de déjà-vu, le film profite d’un montage rapide et d’une attention pour l’environnement qui le rend moins bavard que ce que le sujet risquait d’impliquer, d’une certaine neutralité d’approche ouvrant une distance propice à la réflexion, de l’instillation de quelques photos coloniales remplaçant un long discours, de propos captés dans le contexte social de ceux qui les prononcent, ce qui leur permet de se suffire à eux-mêmes sans que la caméra doivent faire une démonstration en fouinant dans la maison. C’est ainsi parce que ce regard est ancré dans le réel qu’il dévoile l’imaginaire qu’il veut approcher. Noirs comme Blancs, c’est un inconfortable miroir qui nous est proposé. Plus qu’un reportage, Faux Blancs est une thérapie.

///Article N° : 2440

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