Gérard Quenum : brûlures sacrées

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Artiste béninois à la renommée croissante, Gérard Quenum nous présente, le temps d’une rencontre, un univers plastique singulier.

Corps de poupées épars, toiles aux couleurs criardes, immenses planches de bois courbes récupérées de pirogues à l’abandon : nous voici plongés dans l’atelier d’un artiste surprenant à bien des égards.
Gérard Quenum crée des sculptures et installations à partir de corps et têtes de poupées trouvés dans les rues de Porto-Novo. Son travail de récupération se concentre presque essentiellement sur ces objets, pourtant rares au Bénin où peu d’enfants ont une poupée. C’est cette même difficulté qui semble pousser l’artiste à continuer ses recherches dans la capitale. Gérard Quenum tente de retrouver par ces jouets la vie, le caractère de son propriétaire.  » Ces poupées-là représentent pour moi une vie qui est abandonnée, quand je les récupère, je leur en donne une nouvelle « . Cheveux tressés et yeux arrachés nous donnent l’aperçu d’un univers enfantin, onirique et violent.
Ici, la création passe par la destruction. L’expression artistique de ce plasticien charme et choque : les têtes de poupées méticuleusement brûlées au chalumeau donnent un charme inquiétant aux œuvres, renforcé par l’éclat bleu des yeux, qui ne brille que plus au creux de cette peau calcinée. Ces déformations ne sont pas sans rappeler les masques-bidons d’un autre artiste béninois, Romuald Hazoumé.
Au pays du vodoun, la présence de poupées n’est jamais un hasard. Pourtant cette influence surprend de la part d’une personne résolument catholique et qui jette sur la religion vodoun un regard largement critique. Celle-ci semble s’être imposée à lui :  » En fait je ne peux pas en sortir, parce que la culture béninoise est imprégnée de vodoun […]. J’essaie de dire aux gens que ce n’est pas le cas, mais c’est une réalité qui est en moi « . Le sacré est donc un outil pour l’artiste, outil tout aussi fascinant que les poupées, mêlant sublime et horreur.
Par-delà des poncifs sur cette religion souvent représentée à travers les poupées et zombies haïtiens, le cérémoniel vodoun est fascinant à bien des égards mais aussi inquiétant. Par le sang tout d’abord qui est présent, envahissant. Par la violence ensuite, celle des transes, des auto-mutilations. Par la peur enfin, celle d’une magie dont le pouvoir est craint.
Gérard Quenum utilise ce pouvoir, le désamorce, le critique et l’admire, lui dont la grand-mère était prêtresse vodoun. Une œuvre majestueuse et intimiste, sacrée et transgressive, violente et candide.

///Article N° : 9430

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Les images de l'article
sans titre, 2009 © Toutes photos Sandra Parthonnaud





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