Get on Up, de Tate Taylor

Les pièges du biopic

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Sacrifiant le plus souvent à l’académisme de la reconstitution, un biopic est rarement convaincant. Son succès est en grande partie lié à la capacité de l’acteur principal d’incarner le mythe qui entoure le personnage célèbre dont le film biographique brosse la vie. Ce fut par exemple le cas de Jamie Foxx pour Ray Charles (Ray, de Taylor Hackford, 2004, cf. [critique n°3706]). A ce niveau, la prestation de Chadwick Boseman est impressionnante : il électrise son interprétation de James Brown, par sa puissance dans les concerts autant que par sa présence à l’écran. Il est cependant gravement desservi par la mise en scène plus clinquante qu’originale de Tate Taylor, déjà peu marquante dans son précédent film La Couleur des sentiments (cf. [critique n°10625]).
On retrouve ici comme dans La Couleur des sentiments un héros qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, mais là où Get on Up tente de dépasser l’habituel flash back chronologique, c’est moins dans les méandres d’un montage systématiquement mosaïque que dans les distances que le film imprime. Des regards caméra aux insistances sur les aspects agaçants d’un personnage à l’ego démesuré, Get on Up est moins un hommage qu’un exposé de ce qui a permis à un James Brown de très basse condition de s’imposer comme le parrain de la soul. L’insistance répétée sur son enfance comme explication de sa détermination à ne compter que sur lui-même structure le film et prend le dessus sur l’histoire musicale elle-même et les apports de James Brown, même si notre plaisir est réveillé par des morceaux de concerts mettant en exergue les célèbres pas de danse de « Mr. Dynamite ».
La musique n’est dès lors qu’un enrobage, séparé de sa signification comme dans les scènes de gospel dans les églises, seul habillage d’un peuple noir qui sort difficilement à l’écran de cette animalité que dégage la façon dont James Brown est abordé dans ses relations avec les autres ou avec les femmes, au détriment de sa puissance subversive. C’est ainsi par le stéréotype que Tate Taylor aborde la mégalomanie et la violence du génial chanteur, qui se superpose au raccourci psychologisant d’une référence constante à son enfance difficile.
Le film, qui a coûté 55 millions de dollars mais n’en a rapporté que 25 aux Etats-Unis, se veut brillant mais n’émeut jamais, tant James Brown y apparaît sans le vertige qui l’aurait rendu humain. Il ne porte que par sa musique : le contraire aurait quand même été étonnant !

///Article N° : 12466

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© Universal Pictures International
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