» Il faut investir l’informel « 

Entretien d'Olivier Barlet avec Pedro Pimenta

Paris, octobre 2006.
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Directeur du nouveau festival de films documentaires Dockanema à Maputo, Pedro Pimenta réunit une longue expérience de producteur indépendant dans une région dorénavant marquée par l’influence de l’Afrique du Sud. Il insiste sur l’urgence de trouver de nouvelles voies.

Vous insistez dans vos interventions sur la coupure des cinématographies africaines d’avec le public africain, ce qui les empêche de trouver un marché sur le continent.
Ce constat découle de mon parcours. Il y a trente ans que je fais des films de façon  » indépendante « , c’est-à-dire en dépendant beaucoup des subventions du Nord et pas seulement de la France puisque je suis Mozambicain. J’ai contribué à faire exister des auteurs, mais leurs films sont très peu diffusés chez moi et encore moins dans le reste du monde. Je me rends compte que je n’ai plus personne à produire autour de moi parce qu’il n’y a pas de relève. Il n’y a pas eu de véritable politique de formation au cinéma au Mozambique. Il faut absolument trouver de nouvelles façons de faire.
Le système du cinéma d’auteur ne permet-il pas une émergence d’autres auteurs, indépendamment des problèmes de formation ?
Dans le cas africain et je crois que l’on peut généraliser. L’auteur devient très vite producteur, réalisateur, distributeur, etc. Il est la pièce maîtresse du dispositif. Moi, je suis toujours resté dans ma démarche de producteur. Je n’ai jamais voulu être auteur ou réalisateur. Or, je me retrouve trente ans plus tard, après avoir produit des films au Mozambique, en Afrique du Sud, au Zimbabwe, en Éthiopie, après avoir fait des coproductions avec plein de pays européens, à ne plus avoir personne à produire, à ne plus avoir de surprise de production.
Mais vous lancez un festival de films documentaires à Maputo.
Oui, mais c’est finalement une stratégie de producteur. Il s’agit de ramener le public vers le cinéma et de trouver de nouvelles voies. Le public est là, il est demandeur mais on ne peut plus espérer qu’il aille à la recherche du cinéma, il faut aller vers lui. Malheureusement, il n’y a plus de salles, plus d’exploitation commerciale à part de grosses machines américaines et le peu qui existe se fait dans des espèces de ghettos comme le centre culturel franco-mozambicain ou le centre culturel allemand, des lieux où le vrai travail de diffusion n’est pas fait. On croit que ça va se faire tout seul. Ce n’est pas le cas, cela n’est jamais le cas : il faut aller vers le public, lui offrir de quoi l’intéresser et parler autour du film pour susciter une réflexion.
Quelles sont les attentes du public ?
Finalement, le bombardement satellitaire de la télévision provoque souvent un effet de rejet. Je le vois au Mozambique. Les gens en ont assez : ils en ont marre de zapper, ils sont à la recherche de nouvelles choses. Je constate aussi une immense envie de faire, mais il n’y a pas de débouchés, les jeunes ne savent pas où aller. Alors, je propose une chose très simple : établir une plate-forme où les gens puissent se retrouver et avoir accès à des formations, même si je suis totalement conscient des limites de celles-ci. Je me propose d’aider ces jeunes à exister en tant que cinéastes. Cela dit, il faut absolument aller au-delà de la notion d’auteur, il faut que le cinéaste apprenne à se prendre en charge, à trouver son public, à créer une économie autour du travail qu’il fait. À mon sens c’est l’unique façon qui permettra une reconnaissance des pouvoirs publics.
Cela fait trente ans que l’on dit que les pouvoirs publics n’en font pas assez mais qu’est-ce qu’on leur propose en fait ? Il faut avoir des stratégies qui viennent se greffer aux leurs sur le développement global du pays. C’est dans ce sens que je veux travailler, en essayant d’établir des partenariats entre l’État mozambicain, le secteur privé et de petits entrepreneurs qui pourraient se retrouver, même au plan économique, dans une perspective d’utilisation de nouvelles technologies pour que le cinéma devienne un cinéma de proximité. Le 35 mm, c’est fini. C’est trop cher, trop lourd, on n’a pas les infrastructures. Mais je vois très bien un réseau de petites salles populaires, -même si le terme fait grincer les dents – où les gens viendraient parce qu’ils ont envie de sortir de chez eux, de découvrir des choses, d’être avec leur petite amie, comme moi quand j’étais gosse.
Yellow Card a effectivement tourné au Mozambique dans une multitude de lieux de projection improvisés, souvent en plein air. Est-ce à cela que vous pensez, ou bien aux milliers de vidéo-clubs ?
Le potentiel est là, c’est certain. Il s’agit de discipliner tout cela et de proposer un peu plus de qualité parce que les niveaux sont très bas. C’est souvent de la mauvaise VHS, où il n’y a plus de son, mais les gens payent quand même pour y voir des films.
Cela veut donc dire investir l’informel ?
Tout à fait, il faut repenser les choses, aller vers l’informel et graduellement les amener à une économie qui soit plus formelle.
Il est difficile pour un État de tabler sur le secteur informel alors qu’il essaie de formaliser !
Les pouvoirs publics peuvent prendre des décisions stratégiques et les systèmes de coopération pourront se greffer ou non. Je pense que ces mêmes réseaux et infrastructures concernent aussi l’éducation. Les besoins en éducation sont énormes, ne serait-ce que sur le Sida. Il faudrait les utiliser pour l’information, sachant quand même qu’une société a besoin de divertissement. En même temps, il faut créer des emplois, des petites entreprises, ce qui intéresse les banques. Je pense qu’on peut trouver une formule juste, avec de nouvelles façons de faire, réalistes sur le long terme. J’ai organisé un séminaire sur ces questions. Il y avait quelqu’un du Brésil, où il y a presque 400 salles en numérique ; de l’Afrique du Sud où ça devient très important ; des Pays-Bas où apparemment la politique est de numériser toutes les salles dans un délai de cinq ans. Je pense qu’il faut réfléchir, établir des partenariats et graduellement se greffer sur la stratégie nationale de développement des télécommunications dans le pays. L’entreprise de l’État mozambicain qui s’occupe de téléphonie fixe a perdu une part de marché énorme à cause des mobiles : elle retrouve là un intérêt et de nouveaux consommateurs. Le problème est que les classes moyennes n’ont pas de culture et les gens au gouvernement encore moins. Dans beaucoup d’États africains, il n’y a aucune notion transversale de la culture. J’essaie d’expliquer que la culture dont je parle, c’est aussi l’éducation, l’industrie, la communication, etc.
Cela engagerait en tout cas un développement de la production.
Oui, et cela pourrait faire bouger les pouvoirs publics. Un vieux concept léniniste dit que c’est de la quantité que naît la qualité mais pas nécessairement le contraire. Je mise beaucoup sur une tradition du documentaire au Mozambique dont le savoir faire particulier trouve un public. Sur une toute petite manifestation à Maputo, plus de 10 000 personnes sont venues pour la première édition malgré le peu de publicité faite. J’estime donc qu’on peut aller assez loin si on a le courage de changer la façon de voir et la façon de faire, de profiter des technologies, de faire le  » saut de puce « .
Quel est au Mozambique l’impact des nouvelles technologies sur le cinéma ?
Le Mozambique est un pays très artistique et beaucoup de jeunes sont intéressés par le vidéo-art. C’était le sujet d’un des séminaires que j’organisais avec les partenaires brésiliens. On avait prévu une vingtaine de participants et il y en a eu soixante-dix : des jeunes intéressés par une nouvelle façon de s’exprimer, la facilité d’accès aux équipements numériques, etc. Dans la mesure où les jeunes savent que s’ils font un film il aura des chances d’être vu, les histoires viennent d’elles-mêmes. C’est la théorie du chaos : laissons faire d’abord et ensuite mettons un peu d’ordre. Les réseaux de petites cantines, de magasins qui font des projections en plein air, c’est spontané. Ce sont des gens qu’on ne verra jamais dans ces rencontres mais qui ont compris qu’ils peuvent faire un peu d’argent avec trois fois rien, leur télé, une VHS et ça marche. Je crois qu’il faut laisser ces initiatives se faire et à partir de là poser les choses justes, essayer de régler en fonction de l’intérêt qu’il soit national, culturel ou artistique. Mais laissez faire d’abord. Finalement cette notion de démocratie qu’on essaie tous d’exercer d’une façon ou d’une autre, c’est aussi l’accès à la formation, l’accès au divertissement. Il faut développer les consciences.
Au Mozambique où la tradition documentaire a été très forte, quelles sont les tendances de production ?
On a demandé aux jeunes qui étaient en formation documentaire de proposer des sujets. Or, dans la plupart des cas, ils nous racontaient des histoires de fiction. Je crois que le mot documentaire est devenu synonyme de cinéma. Les gens disent  » je veux faire du documentaire  » pour dire  » je veux raconter une histoire « . Leur univers, c’est la fiction. Je suis sûr que dans un cadre propice, une fiction mozambicaine surgira, très vite. Ce sera une fiction au départ très populaire, qui fera grincer les dents à beaucoup d’auteurs, ceux que j’appelle les crocodiles. Mais il ne faut pas se tromper, c’est ça le futur, ce n’est pas nous.
Je suis parti dix ans du Mozambique, d’abord au Zimbabwe où je m’occupais d’un centre de formation pour l’Unesco et ensuite en Afrique du Sud. À mon retour, ce qui m’a interpellé, c’est que rien n’avait changé pendant ces dix années. Quelques auteurs avaient réussi à faire des films mais ils continuaient à se plaindre des mêmes choses. D’un côté, les responsables politiques sont disposés à faire quelque chose, mais ils ne savent pas quoi et de l’autre ce ne sont que des plaintes, pas de propositions. Le Mozambique est l’enfant chéri de la communauté internationale, mais les gens ne savent pas dépenser l’argent. Je suis sûr que des stratégies bien établies amèneraient le gouvernement à considérer que cette aide internationale pourrait contribuer à une renaissance du cinéma. Mais ce travail n’est pas fait.
Quelle est votre relation avec votre grand voisin, l’Afrique du Sud ?
Difficile, car les modèles sud-africains ne sont pas nécessairement les bons modèles pour nous. Nos collègues sud-africains ont tendance à nous proposer de faire pareil qu’eux et ainsi tout ira bien. Il y a donc un rapport de tension. Ce qui me préoccupe le plus, c’est que même le cinéma sud-africain fait par des Noirs est empreint d’un côté anglo-saxon, à l’américaine. C’est ce qu’ils connaissent et ce qu’ils transmettent. S’il existe un cinéma mozambicain qui a pu résister malgré tous ces problèmes, c’est parce qu’on n’est entré dans aucun créneau. On a su trouver notre façon de faire. Je crois qu’il faut être intelligent et vigilant, on ne choisit pas son colonisateur, mais on ne choisit pas son voisin non plus !
Sol de Carvalho me parlait d’un regroupement de cinéastes en Afrique australe. Celui-ci œuvrerait davantage dans le domaine du film de sensibilisation comme il l’a fait avec Le jardin d’un autre homme ?
Oui, c’est le Southern African Communication for Development. C’est une organisation née à l’époque de l’Apartheid, mais qui a beaucoup évolué. Malheureusement, elle souffre aussi de la présence trop forte de l’Afrique du Sud qui tend à se l’approprier et comme on résiste, ça bloque de partout. À titre indicatif, quand on fait des rencontres, sur soixante-dix personnes, il y a une cinquantaine de Sud-Africains. La disproportion est trop grande. Je crois qu’il faut avant tout éviter la politique de la chaise vide, être toujours là et établir des rapports privilégiés, des alliances avec certains secteurs et certains cinéastes d’Afrique du Sud.
Y a-t-il eu d’autres expériences, dans la lignée d’Africa Dreamings – initiative sud-africaine – qui développait une certaine parité ?
Certains producteurs, cinéastes et auteurs sud-africains sont conscients de ce problème et cherchent à établir des passerelles avec le reste de la région, sans rien imposer. Il y a donc des relations possibles mais toujours un peu tendues, surtout quand on a affaire à des organisations comme la National Film and Video Foundation, l’organisme d’État sud-africain, qui inconsciemment essaie d’imposer des choix. J’ai eu ce problème dans le cas du festival où l’on a tenté de m’imposer des films. J’ai refusé. L’unique film sud-africain que j’ai montré, c’est un film que j’ai dû faire sous-titrer moi-même en Europe parce que les Sud-Africains estimaient que d’autres étaient plus intéressants.
Vous parlez donc d’un cinéma  » politiquement correct « , correspondant à une certaine ligne ?
Oui et tout ça dit avec beaucoup de bonnes intentions.
Mais on trouve aussi dans le documentaire sud-africain aujourd’hui des voies nouvelles comme les films de Dumisani Phakati ou bien Conversations on a Sunday Afternoon.
Oui, ce qui représente un terrain d’entente, de partenariat, d’échanges : c’est avec ces cinéastes-là qu’on arrive à établir des rapports. Ensuite, il faut tout le temps déjouer les règles de l’institutionnel pour permettre que les choses avancent. Malheureusement, jusqu’à présent ça a toujours beaucoup plus marché dans le sens Mozambique-Afrique du Sud. Il y a trois films sud-africains en coproduction avec le Mozambique, mais aucun film mozambicain en coproduction avec l’Afrique du Sud. C’est bloqué du côté sud-africain, alors que l’absence de législation, l’insouciante légèreté de l’être nous permet d’amener de l’argent européen sur des projets sud-africains. Arrivera un moment où il faudra rétablir l’équilibre. C’est possible, on y travaille, avec ceux que vous avez cités mais aussi avec Jeremy Nathan ou Joël Phiri avec qui on a fait Africa dreamings, ou Fredy Khalo qui a un projet au Mozambique. Il y a donc certains secteurs où il est possible de parler de façon plus humaine, moins institutionnelle.
Est-ce que vous êtes très seul sur ce sujet ou est-ce que vous bénéficiez du soutien d’une organisation, entre producteurs par exemple ?
Je me sens assez seul, je dois l’avouer. J’ai ma structure de production, mes collègues et j’ai lancé le festival qui est pour l’instant organisé par la structure de production mais qui va devenir une association. Je crois qu’au Mozambique les gens sont assez désabusés, c’est la  » génération crocodiles  » dont je me refuse à faire partie. Le festival, c’est aussi pour faire bouger les mentalités. C’est un peu une voix dans le désert pour l’instant mais ça changera. L’arrivée de jeunes cinéastes que je vais aider pour qu’ils présentent leur premier documentaire l’année prochaine, va bousculer les mentalités. Je suis sûr que des réticences vont disparaître. Je suis positif dans l’ensemble mais c’est dur.
Est-ce qu’au Mozambique vous pouvez vous greffer sur les derniers développements technologiques de diffusion comme Internet, le téléphone mobile, etc. ?
C’est essentiel, on n’a pas le choix. L’opérateur mobile investit vingt millions de dollars par an dans ce qu’il appelle la culture, qui inclut le sport par exemple. C’est de la paillette mais comme le Mozambique est un pays très pauvre, ça a un impact. Il faut donc arriver à se greffer à ces actions et faire changer les choses. Un des premiers effets, c’est que des partenaires internationaux, comme la Suisse par exemple, ont stoppé leur programme  » culture  » au Mozambique en voyant l’ampleur de cette somme. Et quand je leur ai dit :  » Vous avez vu la qualité de ce qu’ils font « , ils m’ont répondu :  » Ce n’est plus notre problème, débrouillez-vous « , et ils ont totalement raison ! Dans un pays comme le Mozambique, le haut-débit Internet existe déjà, il faut que l’on se greffe dessus : les jeunes vont nous apprendre ! Je les y pousse car ils ont les stratégies et les produits adaptés à ces opérateurs.
Quand on touche à l’Internet, on dépasse assez rapidement le niveau national.
Tout à fait, on rentre dans un univers où l’on ne contrôle plus grand chose, mais faut-il contrôler ? Ou faut-il concevoir les choses de façon à ce qu’il y ait des retombées pour nous plus tard ? Un film a été fait en Afrique du Sud sur un téléphone portable : des jeunes au Mozambique en ont entendu parler et commencent à faire pareil. Ce n’est pas bon, bien entendu, mais ça crée une dynamique, ça va mener à quelque chose. On ne peut pas le nier, ce serait faire la politique de l’autruche.
Ces sauts technologiques permettent en Afrique d’être à l’avant-garde alors qu’en Europe, il est plus compliqué de faire bouger des énormes structures.
Exactement. Ce sont des difficultés que l’on doit transformer en opportunités. Il y a aux États-Unis un gros débat autour du cinéma numérique. Ils font tout pour le bloquer parce que transformer leur parc, ça représente des billions. Nous, on n’a rien, donc tout est à faire. Mais pensons-y maintenant.
Y a-t-il au Mozambique des initiatives et/ou des portails d’information culturelle ?
À part l’Observatoire des politiques culturelles en Afrique dont le siège est à Maputo, je ne connais rien d’autre. Moi, je reçois la lettre d’info d’Africultures et je la fais découvrir à plein de gens qui me demandent s’il existe une version portugaise !
Qu’en est-il des opérateurs culturels ?
L’essentiel est de sortir des petits ghettos. J’ai élargi mon festival à cinq salles, et pas seulement celle du Centre culturel franco-mozambicain, qui est devenu le ministère de l’Action culturelle et reste la salle des expatriés de Maputo. Monsieur, tout le monde n’y vient pas. Il faut qu’un centre culturel soit à l’écoute des envies des gens sur place.
Est-il contradictoire de vouloir se connecter à un large public et organiser un festival de cinéma documentaire ?
J’ai beaucoup hésité parce qu’évidemment, il aurait été plus simple de faire un festival de fiction mais je me serais alors retrouvé en compétition avec les centres culturels qui tous font leur petit festival. Personne ne touche au documentaire, alors que c’est un pays où il y a une tradition dans ce secteur, avec une envie d’aller plus loin dans le débat, la réflexion. Ce sont des pratiques qu’on a oubliées. À l’époque de la révolution, on se posait des questions par rapport au monde, même si c’était un débat guidé par un parti au pouvoir. Maintenant, on ne parle plus, on prend ce qu’il y a sur le satellite. Pourtant je vois autour de moi des gens qui ont envie de parler de politique de développement et de plein de sujets. Il y a eu des choses très intéressantes dans le programme de vidéo-art que j’ai fait cette année avec le Brésil. Une intervenante parlait de contamination, elle disait qu’il y a quelques années le vidéo-art et le documentaire étaient vraiment les frères ennemis. Elle proposait des passerelles entre les deux et l’on se rend compte que chacun prend un peu de l’autre. Ça donne de très beaux résultats, notamment un film portugais, une vraie découverte pour tout le monde : 70 minutes, matériels d’archives en noir et blanc qui traitait des colonies. Il n’y avait pas un seul mot. Les gens sont restés jusqu’au bout et il y a eu des débats de trois heures après. C’est un film de Susana de Sousa Dias qui s’appelle Nature morte, visages d’une dictature. C’est très intéressant de pousser le public et les cinéastes à comprendre qu’on peut aller plus loin dans la démarche du documentaire, que le genre mozambicain n’est pas la seule façon de faire.
L’économie du documentaire est-elle restreinte à la télévision, en dehors des festivals ?
Oui et ce n’est pas vraiment une économie au Mozambique. Il y a quelques années, en tant que producteur, je payais la chaîne publique pour que mon documentaire soit vu ! Maintenant elle accepte le documentaire, il n’y a pas d’argent, mais il y a un chiffre qui correspond soit à des services, soit à du temps d’antenne. Donc ça va, on peut l’utiliser pour faire de la promotion.
Aucune perspective de co-productions ?
Ils ne savent même pas ce que c’est. On essaie de leur expliquer qu’il y aurait avantage parce qu’on arrive à diffuser nos films sur des chaînes étrangères, notamment au Portugal, de temps en temps en France, en Afrique du Sud, mais la chaîne publique ne saisit pas encore.
Et à l’exportation ?
C’est de plus en plus difficile. Les partenaires qui s’intéressaient au documentaire ne sont plus là : il ne reste que le ministère français des Affaires étrangères. Il n’y a plus une chaîne de télévision intéressée en Europe, plus une. Les Portugais n’ont pas encore digéré leur histoire récente avec nous. Je crois qu’on est allé beaucoup plus vite qu’eux. L’Icam, l’organisme d’État portugais, finance tous les ans quelques films de l’Afrique lusophone. La RTP, la chaîne publique, achète un peu. Cela dit, il y a eu quelques co-productions et pas mal de tournages portugais au Mozambique, c’est un début.
Le Portugal est-il ouvert aux problématiques africaines ?
Il y a une disponibilité, quelques moyens mais aussi une grande timidité. À nous d’avoir des propositions concrètes. On peut faire des choses avec le Portugal notamment dans les domaines de la diffusion, la formation et la sauvegarde du patrimoine. Je suis plutôt ouvert et optimiste. Je découvre une nouvelle génération de cinéastes portugais.
Et au niveau de la piraterie, comment ça se passe au Mozambique ?
J’ai cru comprendre que ça se passait surtout au Pakistan, c’est une partie du monde avec laquelle on a des rapports très étroits. Dans les rues de Maputo on trouve tout à 4 euros. Souvent c’est de la bonne qualité, je suis surpris. Il y a très peu de réactions de la part du gouvernement. Microsoft tend à lui imposer une attitude un peu plus active par rapport à la piraterie, mais c’est encore minime. C’est surtout la musique pour l’instant qui est concernée.

///Article N° : 5818

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