« Jamais nous ne ferons un « festival business » ! »

Entretien de Hassouna Mansouri, Maria Coletti et Olivier Barlet avec Michel Ouedraogo, délégué général du Fespaco

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Olivier Barlet – Michel Ouedraogo, vous êtes donc le nouveau délégué général du FESPACO, depuis maintenant trois mois. Nous vous connaissons encore mal. Baba Hama était un ancien journaliste, est-ce également votre cas ?
Oui, je suis un ancien journaliste. J’ai principalement travaillé pour la presse écrite. Voilà tout ce que je peux dire ! J’ai également une formation de diplomate, j’ai servi comme deuxième conseil à l’ambassade du Burkina en Côte-d’Ivoire pendant six ans, puis j’ai été pendant six ans encore directeur général du quotidien Sidwaya. J’ai également été l’attaché de communication du premier ministre Kadré Désiré Ouedraogo. J’ai donc un petit parcours !
Depuis que vous avez pris vos fonctions et avec le recul que vous avez maintenant, avez-vous l’impression qu’il y a un vent nouveau à développer, quelque chose d’autre à apporter au FESPACO ? J’imagine que vous vous inscrivez dans la continuité de ce qu’a fait Baba Hama, mais y a-t-il des points sur lesquels vous avez envie de travailler en particulier ?
Vous savez, lorsque j’ai eu le FESPACO en main, j’ai ressenti beaucoup d’appréhension. Je ne redoutais pas un échec, mais cette appréhension était une dynamique qui me poussait à aller de l’avant. Je crois que j’ai toujours travaillé dans un esprit dynamique. Le FESPACO a besoin de cette dynamique. La continuité peut être une marque. Chacun apporte sa personnalité à l’organisation des manifestations. Je pense que ce que je voudrais apporter au Festival, c’est un nouvel élan. Vous savez qu’après 40 ans, on est plus que majeur et on aborde une nouvelle étape de sa vie ! Cette étape de la vie, je la voudrais plus dynamique pour le Festival. Je la voudrais plus dynamique qu’avant. Il s’agit d’installer le FESPACO dans la durée, le pérenniser, lui donner un contenu professionnel plus fort. C’est aussi lui donner l’image d’une Afrique plus forte, d’un creuset universel pour le cinéma. C’est ça, le défi réel que nous avons à relever !
À un moment, il avait été question de rendre le FESPACO annuel. Pensez-vous défendre cette proposition à nouveau ?
Comme je l’ai dit, le débat sur un FESPACO annuel appartient pour moi au passé. Je suis dans la logique du FESPACO au quotidien : aujourd’hui, la question de la promotion du cinéma africain ne doit pas attendre des années, elle doit se faire au quotidien. En effet, notre mission consiste à pouvoir projeter des films africains sur les écrans d’Afrique, et ce tous les jours. Je ne parle donc plus du FESPACO annuel ou bisannuel, je parle du FESPACO au quotidien ! Maintenant, que le festival lui-même se tienne tous les ans ou tous les deux ans, c’est un autre débat. L’objectif que nous avons, c’est le quotidien. Si vous allez voir un film du FESPACO au quotidien, il me semble qu’en restant dans la biennale, il n’y aura pas trop d’obstacles. En effet, il doit renforcer encore son image. L’organiser annuellement demande beaucoup de moyens. Or, si vous regardez aujourd’hui, vous constatez que l’Etat burkinabé est le seul à supporter toutes les charges liées à son fonctionnement et à son organisation, mis à part quelques partenaires occidentaux qui nous viennent en aide (la France, puis l’Union européenne…). Je pense qu’il faudrait faire un FESPACO qui soit à la dimension de l’Etat qui accueille le Festival. En biennale, peut-être, mais nous devons travailler pour que la promotion du cinéma se fasse au quotidien.
Hassouna Mansouri – En effet, le FESPACO a toujours joué un rôle fondamental dans la promotion du cinéma africain. Au départ, il y avait quelques festivals peu nombreux, et aujourd’hui il y en a bien plus. Le FESPACO a-t-il toujours cette même importance ? Est-ce que ça a changé ? Au sein de l’équipe qui l’organise, vous posez-vous cette question ? Y aura-t-il quelques changements dans la politique du FESPACO ?
Ce que vous dites est une réalité. Je crois qu’il y a là encore un problème africain, mais pas seulement : en France, il y a 350 festivals et ça ne pose pas de problème. Je pense que l’Afrique doit aussi accepter cette diversité. Pourquoi le FESPACO accepte-t-il cette diversité ? C’est au FESPACO de prouver au quotidien qu’il est plus qu’un festival. Il est dommage qu’aujourd’hui, les gens pensent qu’un festival sert à faire du business. Il y a des festivals « business ». Ce n’est pas le cas du FESPACO, qui est un festival de promotion, professionnel et populaire. Or, en Afrique, des festivals qui ne peuvent pas être comparés au FESPACO (car orientés vers le business) se développent de plus en plus. Nous n’allons pas aller là-dedans, mais dans la promotion du cinéma africain, du cinéma de la diaspora, du cinéma universel. Ce qui est sûr et qui fait notre spécificité, notre label, notre « marque », c’est que jamais nous n’allons remettre en cause cette vision des choses. Cela veut dire que notre politique dans ce sens va s’accentuer et se renforcer. En dépit de la concurrence actuelle, jamais nous ne commencerons à faire un « festival business ». Nous allons rester dans notre ligne car nous pensons que c’est la meilleure : faire la promotion de la culture sans rechercher des retombées économiques et financières pour le Festival. Voilà un peu notre démarche. Voilà ce qui singularise le FESPACO des autres festivals qui se développent en Afrique, qui tournent autour d’une seule personne qui organise « son » spectacle. Dans de tels festivals, il n’y a pas d’idée de promotion réelle du Cinéma ; il s’agit de la promotion de l’individu. Or, nous ne travaillons pas pour nous mais pour le cinéma africain. Là est la différence.
Olivier Barlet – À propos de promotion, un « festival au quotidien » signifie que les films d’Afrique reconquièrent leurs écrans… Mais le problème est que les écrans ne sont plus très nombreux en Afrique ! Entendez-vous par là un rapport renforcé avec les télévisions, par exemple ?
Oui. Ce rapport avec les télévisions est normal, logique. Il s’inscrit en quelque sorte dans l’évolution des choses. Le temps où l’Afrique disposait de salles de cinéma assez importantes, est révolu. Parce qu’à l’époque, on ne passait pas à la télévision ! On restait à la radio. L’écran permettait de joindre tous les médias. On allait au cinéma parce qu’il n’y avait pas autre chose à voir à la maison, on ne pouvait pas avoir un cinéma à domicile ! Il fallait sortir de chez soi. Aujourd’hui, les données ont changé, les réalités technologiques sont autres : le cinéma a envahi la vie familiale par la télévision. Si ça peut être un support grâce auquel on peut œuvrer pour la promotion du cinéma africain, il ne faut pas hésiter. Tout ce qui peut être support, ce qui peut être canal de diffusion pour le cinéma africain ne doit pas être négligé. Il faut prendre cela en considération. Maintenant, il nous appartient de développer des stratégies nouvelles. Il faut effectivement que les salles de cinéma puissent exister ; la télévision ne doit pas tuer l’écran. Ils doivent se compléter l’un l’autre. Il me semble qu’il faut rechercher cette interdépendance. C’est aussi là que se vendent des réalisateurs de films africains de grande qualité. Ils font beaucoup de films qui font rêver. C’est en réalité ce que recherchent aujourd’hui les Africains : du rêve. Je vous donne un exemple : quelqu’un me disait « lorsque je vais voir un film africain, je me trouve trop dans ma réalité. Parfois, j’ai besoin de rêver. » Je suis d’accord pour que l’on propose des films qui sont notre réalité, notre vécu, mais proposons aussi des films qui puissent permettrent aux Africains, à l’Afrique de rêver ! Car c’est aussi dans le rêve qu’on peut s’exprimer, donner une autre dimension de soi-même. Il faut permettre aux gens de rêver. Les Américains le font dans leurs films. Ils font rêver tout le monde de l’Amérique. Nous allons faire rêver d’Afrique ! Nous allons faire aimer l’Afrique. Il faut aimer ce continent. C’est par les images des réalisateurs sur l’Afrique qu’on va aimer l’Afrique et en rêver !
Vous ouvrez là une question qui est celle de la sélection : il y a depuis toujours une tension entre ce qu’on appellerait un cinéma « d’auteur » et un cinéma « populaire ». Au Burkina-Faso, vous constatez l’émergence de cinéastes qui rencontrent un grand succès, comme Boubacar Diallo (en compétition au dernier FESPACO). Avez-vous envie de marquer une option fondamentale pour un certain type de cinéma (celui qu’on appelle de « qualité ») par rapport à l’énorme émergence du cinéma populaire dans certains pays d’Afrique aujourd’hui ? Au niveau de la sélection, c’est une question qui se pose chaque année, et qui va se poser de façon accrue encore…
Il me semble que la question est posée et que nous devons trouver ensemble des réponses. Comme je l’ai dit, il n’y en a pas qu’une. Je crois qu’il faut aujourd’hui prendre le projet du cinéma numérique comme un projet global. Il est vrai que le débat cinéma d’auteur/cinéma populaire n’est pas seulement lancé en Afrique ; il l’est aussi en Europe. Que faut-il faire aujourd’hui ? Nous disons que ce projet doit être global. Actuellement, la production peut se faire dans des conditions à moindre coût. Or, ce n’est pas le cas des moyens de diffusion en ce qui concerne les nouvelles technologies. Il faudrait que nous ayons des projets communs, car aujourd’hui la production est plus aisée avec le numérique. En France, les festivals ont tout de suite ouvert la compétition au numérique, cela n’a pas posé de problème.
Vous maintenez le critère 35 mm pour la compétition ?
Vous savez, nous ne restons pas statiques. Nous ne sommes pas figés. Nous allons évoluer, mais il faut évoluer intelligemment à travers un projet. On voit même aujourd’hui qu’à Cannes, on est dans l’expérimentation. Ne demandez pas à un festival dont les salles sont équipées soit en 16, soit en 35 de tout transformer d’un coup ! Est-ce que les conditions techniques sont actuellement réunies pour que nous puissions projeter du numérique sans trop de difficulté ? C’est la première question. Sommes-nous en mesure d’équiper toutes nos salles de supports de diffusion numérique ? Ce sont ces questions qu’il faut résoudre en premier lieu. Si nous y arrivons, la question de l’ouverture ne va plus se poser. Nous ne sommes pas opposés à l’ouverture dans la compétition, mais il faut nous en donner les moyens ! Il faut nous accorder un temps d’évolution qui va nous permettre d’évoluer au même rythme, en réflexion avec les réalisateurs, les producteurs et les organisateurs du festival. On verra alors ce qu’il faut faire dans l’intérêt du cinéma africain et du FESPACO. Cela est très important : le FESPACO n’est pas un festival isolé, c’est un festival dans des festivals. Il faudrait effectivement qu’il ait une image dynamique mais, sans démarche dynamique, il y a lieu à mon sens d’être prudent à cette étape, tout en ouvrant la réflexion.
Maria Coletti – Comme je travaille à la Cinémathèque Nationale d’Italie, à Rome, je m’intéresse à la question de la mémoire du cinéma africain, de sa conservation etc. Je me suis rendue au FESPACO en 1999, et je me rappelle y avoir vu le projet de la Cinémathèque. Quel est le rapport entre le FESPACO, la Cinémathèque et les écoles de cinéma à Ouagadougou qui vont poursuivre ce travail ? Y a-t-il un réseau qui commence à se former ?
Concernant la Cinémathèque, c’est une structure qui fait partie du FESPACO. La Cinémathèque africaine de Ouagadougou est une structure qui doit se développer, et qui est en train de se développer. La première pierre a été posée en 1996 par le ministre français de la Culture de l’époque, Jacques Toubon. Aujourd’hui, elle a besoin du soutien des uns et des autres. La question de la numérisation de nos archives, de leur conservation, est cruciale, mais cela coûte très cher. La Cinémathèque de Ouagadougou est un véritable trésor du film africain. Nous avons des rushes de la période coloniale que nous ne pourrions peut-être même pas retrouver aujourd’hui en France ! Il faut travailler dans ce sens, faire en sorte que la Cinémathèque se renforce, qu’elle ait les moyens techniques de la numérisation, de la conservation et de la restauration. Mais tout cela est très cher. L’Etat burkinabé seul ne peut pas financer la Cinémathèque. Il faut des apports extérieurs. Une mission du CNC français est prévue du 19 au 25 mai pour un projet de restauration et de conservation des films qui concerne le Burkina, le Maroc, le Sénégal et le Mali. Nous allons aller dans cette dynamique du partenariat pour donner à la Cinémathèque de Ouagadougou toute sa force et toute sa raison d’être. Car si on ne conserve pas le patrimoine, celui-ci va disparaître. La conservation nécessaire de ce patrimoine nous coûte excessivement cher : la Cinémathèque est immense, le nombre de données filmiques est immense. Il faut travailler à conserver cela. Concernant les écoles, il est vrai qu’au niveau du Burkina et de l’Afrique en général, plusieurs commencent à se développer. Mais nous devons continuer : le cinéma africain ne gagnera en qualité que s’il y a une bonne formation. Je souhaite qu’elle puisse se faire au maximum en Afrique, dans les conditions africaines, avec un perfectionnement éventuel en France, en Belgique ou aux Etats-Unis. Le réalisateur africain qui a bénéficié d’une formation en Afrique et a donc une réflexion à partir de l’Afrique, va donner un peu de ce rêve et un peu de réalité aux Africains. Les gens du monde entier ont aussi besoin de découvrir le rêve que l’Afrique peut représenter pour eux ; pas seulement en Afrique mais dans le monde également ! Nous devons faire rêver l’Afrique.
Hassouna Mansouri – Ça va être votre première édition en tant que délégué général du FESPACO, et en même temps son 40ème anniversaire. Une question de génération se pose alors : le FESPACO ne peut pas continuer à travailler, à fonctionner avec une génération « moins jeune » de cinéastes… Quelle sera la place donnée aux plus jeunes cinéastes lors de l’édition 2009 du FESPACO ?
Il est vrai qu’il faut marquer la différence entre les générations. Mais dans notre métier, les générations doivent être complémentaires. Il n’y a pas, comme on dit, de « génération spontanée ». Il y a une ancienne génération, une génération intermédiaire et une nouvelle génération. Mais celle-ci, dans dix ans, connaîtra une autre jeune génération. À mon sens, il faut travailler davantage à ce que ça se fasse comme un relais, sans nécessairement opposer les générations. Si on fait cela, c’est le cinéma africain qui va en souffrir. Or, je pense qu’il faut un relais entre générations. La première génération a fait quelque chose. Que peut-elle faire aujourd’hui pour que la jeune génération soit mieux outillée et ne commette pas les mêmes erreurs ? Je crois que c’est ce dialogue qu’il faut engager entre les générations. L’avantage des premiers, c’est qu’ils ont commis des fautes qu’ils ne vont plus commettre. S’ils ne partagent pas leur expérience avec la jeune génération, celle-ci commettra les mêmes fautes et le cinéma africain ne pourra pas avancer. On fera du sur-place ! Ce que nous souhaitons, c’est un dialogue entre les générations. Les anciens, en disant aux jeunes qu’il faut aller dans tel sens, les conseillent pour mieux faire. C’est comme cela que le cinéma africain va grandir, et non pas dans le choc des générations.
Hassouna Mansouri – Le FESPACO a toujours fonctionné en tandem avec la FEPACI. L’histoire de la FEPACI a connu un tournant avec le déplacement en Afrique du Sud et toute la polémique qui a eu lieu en 2005. Y a-t-il une stratégie de travail, de révision du rôle de la FEPACI en collaboration avec le FESPACO ?
Pour ma part, les choses doivent être claires entre la FEPACI et le FESPACO. Vous avez évoqué tout à l’heure la question des générations : je pense que ce débat doit d’abord être géré au sein de la FEPACI, qui peut travailler à cultiver un dialogue des générations. C’est ça, le rôle de la FEPACI ! Nous avons une autre position. Notre mission est de travailler à la promotion du cinéma africain et de la diaspora. Ne confondons pas les missions : la FEPACI aux réalisateurs ; le FESPACO à l’ensemble des cinéastes africains. Que vous soyez réalisateur, comédien… Quel que soit votre métier dans le cinéma, le FESPACO est le creuset de tout cet ensemble. La FEPACI a une mission précise. Il me semble que nous devons déjà travailler en tandem sur le thème du FESPACO au colloque organisé à la FEPACI. C’est nous qui définissons ce thème et la FEPACI travaille sur le colloque.
Quel sera le thème 2009 du FESPACO ?
Le prochain thème sera « Cinéma africain et tourisme comme valorisation du patrimoine africain ». Nous demandons donc qu’il y ait une production intellectuelle à part entière. La FEPACI, en tant qu’association regroupant tous les réalisateurs africains, est le creuset de cette réflexion intellectuelle. Nous créons un cadre où la FEPACI peut s’exprimer, comme les autres maillons du cinéma africain.
Hassouna Mansouri – Il y a une autre institution avec laquelle le FESPACO a toujours composé, pour ce qui concerne les Tunisiens : les Journées Cinématographiques de Carthage. Comment concevez-vous cette relation avec le FESPACO ? Comment va-t-elle évoluer ? La question de transformer les deux festivals en festivals annuels portait sur cette alternance… Va-t-elle se poursuivre ? Y aura-t-il une coordination sur la sélection, les thèmes traités, les rencontres professionnelles ?
Olivier Barlet – Une distance assez forte s’est tout de même installée entre ces deux institutions ces dernières années… Pensez-vous retravailler là-dessus ?

Je n’ai pas encore rencontré les responsables du festival de Carthage. Lorsque cela se fera, nous essaierons ensemble de voir ce que nous pouvons faire. Mais dans l’absolu, on reste dans un esprit de continuité ; pas pour faire du sur-place mais pour améliorer, créer une autre dynamique. Je pense que nous allons procéder dossier par dossier, et lorsque nous nous rencontrerons nous verrons, dans le cadre d’un partenariat, quelles priorités nous pourrons définir dans nos intérêts respectifs. Il est très important que les festivals se parlent, qu’ils entretiennent un dialogue. Nous le faisons très bien avec Namur, avec Vues d’Afrique, avec Amiens… Il faut un dialogue à la fois entre les générations et les festivals ! Et ce dialogue, il nous faut travailler à le créer. Il doit être permanent, nous devons pouvoir nous consulter, discuter et travailler ensemble car les festivals commencent à avoir les mêmes réalités. L’autofinancement, le numérique, ce sont des problèmes d’aujourd’hui qu’un seul festival ne peut parvenir à résoudre. Les festivals doivent se pencher sur toutes ces questions ! C’est ensemble que nous parviendrons à une dynamique capable de répondre à tous les défis posés au cinéma africain.
Hassouna Mansouri – Nous évoquions tout à l’heure les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies au niveau de la production. À votre avis, pour ce qui est de la sélection, cela va-t-il permettre d’avoir plus de films (donc davantage de choix), ou bien y aura-t-il toujours l’éternel problème de l’indigence de la production africaine ?
De mon point de vue, en matière de compétition, la sélection doit être rigoureuse. Il doit y avoir des sélections de qualité, quel que soit le support sur lequel les films ont été réalisés. Il nous faut travailler en ce sens. C’est le défi fondamental du Festival.
Olivier Barlet – Vous maintenez le nombre de films en sélection ? Il y en a tout de même beaucoup !
Nous sommes en train d’y réfléchir ! En effet, sur sept jours, nous proposons une sélection assez importante. Je pense que nous allons voir s’il ne faut pas diminuer quelque peu le nombre de films en compétition. Comme je l’ai dit, nous n’instaurerons pas des critères mais nous aurons le souci d’être plus efficaces. On demande au jury de voir 22 films en sept jours, alors qu’à Cannes, c’est 22 films en quinze jours ! Je pense qu’il serait raisonnable d’avoir une sélection de l’ordre de 15 ou 16 films… Ne sélectionnons pas non plus pour sélectionner ! Il y a d’autres raisons. Il faut être courageux et mener une réflexion pour axer la sélection davantage sur la qualité, la technicité plutôt que sur les quotas, qui mènent souvent à une sélection pléthorique incluant des films de moindre qualité. Nous allons trouver le juste milieu pour le festival afin de lui faire gagner en crédibilité et en dignité.
Olivier Barlet – Excusez-moi de poser encore une dernière question. Hassouna Mansouri et moi-même, mais avec Clément Tapsoba, Baba Diop, Thierno Ibrahima Dia, nous avons animé au dernier FESPACO un atelier de journalistes qui a duré une quinzaine de jours. Il y avait donc au préalable une semaine de formation très intense à la connaissance du cinéma en général, pour une vingtaine de journalistes issus de huit pays de la sous-région. Six Burkinabés se sont ajoutés et nous avons produit, durant le festival, un bulletin Africiné que vous avez peut-être eu l’occasion de lire. C’était vraiment la première fois que des critiques africains éditaient véritablement un bulletin de grande qualité au FESPACO. En 2009, le FESPACO souhaiterait-il se raccrocher à cette expérience ? Il n’était pas très impliqué la dernière fois… Cette formation des journalistes vous paraît-elle importante pour l’aspect promotion dont vous parliez tout à l’heure ?
C’est très important ! Vous verrez qu’au prochain festival, nous avons décidé de voir comment nous pourrions former les journalistes. En effet, la critique des films peut aider à améliorer leur qualité. Je pense que certains journalistes qui allument des films ne sont pas en mesure d’expliquer de façon journalistique la raison de leur critique. Ils n’ont pas un regard critique ou professionnel, mais un regard de cinéphile. Or, pour que la critique du film soit bonne, le regard doit être plus professionnel afin de permettre au réalisateur d’en comprendre la justesse. Cela lui permet d’améliorer son travail. Si la critique est biaisée, elle tue peu à peu le cinéma africain. Or, celui-ci doit gagner en qualité, et cela passe aussi par une critique de qualité. Nous allons encourager tout ce qui relève de la formation. Au prochain festival, nous allons accorder davantage d’importance aux journalistes. Comme je l’ai dit, nous allons les mettre dans les conditions les meilleures, mais eux-mêmes doivent aussi nous aider à mieux nous occuper d’eux. Qu’ils se signalent, qu’ils s’organisent mieux, qu’ils aient des repères qui nous permettent de discuter ensemble. Je souhaite pour ma part créer un cadre de rencontre pour les journalistes afin de pouvoir discuter de nombreuses questions. En effet, les critiques nous aident aussi à améliorer le festival. Je pense donc que toute proposition de formation à destination des journalistes nous intéresse, et nous allons nous engager à soutenir toute initiative dans ce sens. La critique africaine doit être renforcée par une bonne formation des journalistes dans le domaine de la critique cinématographique. Si nous n’y parvenons pas, nous n’aurons pas ensuite une bonne production cinématographique.

Transcription : Thibaud Faguer-Redig///Article N° : 7638

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