« J’interpelle le peuple pour qu’il soit vigilant »

Entretien d'Yvette Mbogo avec Gérard Essomba à propos de L'Enfant peau rouge

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Comédien camerounais de renom, Gérard Essomba a passé environ plusieurs mois à Yaoundé dans le cadre du tournage de son premier film, un court métrage intitulé L’Enfant peau rouge. Il parle ici de la situation politique et culturelle de son pays, et bien sûr de son film.

Vous êtes à Yaoundé au Cameroun votre pays natal, comment vous sentez-vous ?
Perdu. J’arrive à Yaoundé, il n’y a plus de cinéma. Une capitale sans cinéma, sans théâtre, quelle honte ! Nous avons un ministère de la culture qui devrait regarder ces choses plutôt que de s’accaparer des fonds alloués à l’art. Depuis que je suis arrivé, j’ai vu beaucoup d’artistes mourir dans le dénuement total. Notez, un grand homme comme Ahmadou Kourouma m’a dit quand il a vécu ici en exil au Cameroun :  » Gérard, j’adore deux pays, le Cameroun et la Côte-d’Ivoire. Ton pays est la sœur jumelle de la Côte-d’Ivoire « . Et regardez, c’est la désolation totale ; les Camerounais ne savent plus qui ils sont. Notre pays n’existe pas à l’extérieur ; combien de grands artistes avons-nous en exil ? Le décor des télévisions camerounaises est affreux. Ce sont les fesses qu’on montre à l’écran. En six mois, j’ai fait une seule émission de télévision à la Cameroon radio television (Crtv). La Stv, Canal 2, font semblant d’ignorer ma présence au Cameroun. Pourtant avec un seul film, j’ai obtenu sept prix d’interprétation. Les autres ne veulent pas reconnaître ma valeur, peut-être faudrait-il que je remue les fesses comme les autres alors que la télévision camerounaise a toujours été considérée comme la première de la zone francophone !
Pourquoi ce séjour au Cameroun ?
Je suis venu réaliser un film que j’ai intitulé L’Enfant peau rouge.
Vous voilà en train de passer de l’autre côté de la caméra comme réalisateur : pour quelles raisons ?
En fait, j’ai été plus homme de théâtre qu’acteur de cinéma, mais pour le cas spécifique, c’est un vieux rêve, une obsession que j’ai longtemps gardée au fond de moi. Je voulais me convaincre moi-même avant de le faire avec les autres. Le cinéma en tant que réalisateur, c’est quelque chose qui germe en tout comédien. Et pour cela, j’ai décidé de réaliser mon premier court métrage au Cameroun. C’est une autre façon de s’exprimer et de dire qu’on peut faire le cinéma sur le tas.
De quoi parle L’Enfant peau rouge ?
C’est l’histoire d’un enfant né dans une monarchie de l’Ouest Cameroun qui s’est retrouvé seul, abandonné par les siens. La princesse Amogbé est violée une nuit par un inconnu. Neuf mois plus tard, elle donne naissance à  » un rubicond « . Malheureusement, le roi refuse qu’il porte son nom et demande à la reine-mère d’aller en exil avec lui. Cet enfant n’a jamais dormi dans le palais et couche à la cuisine. Il vit comme ça, tel un laissé pour compte ; à l’école, ses camarades le surnomment L’Enfant peau rouge. Puis un jour, la reine-mère, qui veut se débarrasser de ce lourd secret, pousse sa fille au suicide…
Qu’est-ce qui vous a motivé ?
La situation dramatique de l’albinos dans la société africaine.
Avec qui avez-vous tourné ?
J’ai travaillé avec Arthur Si Bita, comme conseiller à la réalisation, et j’ai bénéficié de l’assistance de Georges Biyong ainsi que de la collaboration de Mélanie Ayissi à la régie. Le sultan Mbombo Njoya m’a ouvert les portes de son palais pour mon hébergement ainsi que de toute mon équipe.
Un gros budget ?
25 millions de Fcfa. Le ministère de la culture camerounais m’a donné 7 millions et c’est la première fois que je touche de l’argent de l’Etat camerounais. Charles Siewe de Amaya Production m’a donné 8 millions en nature, c’est-à-dire le matériel.
En tant que réalisateur, avez-vous un projet de film dans l’immédiat ?
Oui, un long métrage que j’ai intitulé Edou le député pour aborder un sujet qui fait couler beaucoup d’encre au Cameroun : la corruption. Je ne suis pas d’un nationalisme bête, mais j’interpelle le peuple pour qu’il soit vigilant. Les autochtones sont devenus étrangers sur leurs terres, les mœurs sont perverties, tout est  » essam seglé « , voilà pourquoi pour moi, il s’appellera Zambigo.

///Article N° : 4560

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