Journée de commémoration particulière pour le Mémorial de Nantes

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Diverses démonstrations en l’honneur de la Commémoration de l’abolition de l’esclavage ont eu lieu le jeudi 10 mai 2012, dans plusieurs grandes villes françaises. Nantes, qui fut la première ville négrière de France, cette journée est d’autant plus importante qu’elle se déroule dans un lieu spécialement créé à cet effet : le [Mémorial de l’abolition de l’esclavage], inauguré le 25 mars 2012.

« Les mémoires qui ne sont pas portées sont vouées à disparaître » a souligné Fatima Besnaci-Lancou, présidente de [l’association Harkis et Droits de l’Homme], lors de la rencontre organisée par le [Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage] (CPMHE) et le Sénat le mercredi 9 mai 2012, sur le thème des « Mémoires Croisées ». Cette mémoire semble avoir du mal à se construire et se frayer un chemin dans notre histoire française. Pourtant, dans certaines villes portuaires de France telles que Nantes ou même Bordeaux, des lieux dédiés à l’histoire de l’esclavage prennent vie. Le Mémorial de l’Abolition de l’Esclavage en est un exemple. « Il a fallu quatorze ans pour concrétiser ce projet, on peut donc dire que c’est le combat d’une vie, explique Octave Cestor, conseiller municipal de Nantes délégué aux relations entre Nantes, l’Afrique et les Caraïbes. Avec l’ampleur de l’exposition les [Anneaux de la Mémoire] au début des années quatre-vingt-dix, la ville pensait avoir fait son travail de mémoire, mais ce n’était pas assez. Quand on connaît l’histoire de l’esclavage, la question du recueillement demeure prédominante. Ces esclaves dont on parle, où sont-ils enterrés ? Ils ont le droit d’avoir une sépulture. » Un hommage à ces esclaves déshumanisés dont il ne reste que très peu de traces, mais aussi à la mémoire comme fondement identitaire. « Nous avons besoin d’un lien avec les ancêtres, reprend-il, nous avons besoin d’un passé, d’une histoire, afin de savoir d’où l’on vient et où l’on va. Certains de mes compatriotes ne savent pas qu’ils sont noirs. Pour ma part, c’est le racisme qui m’a fait prendre conscience de cette identité que j’avais complètement ignorée. »
Un Mémorial et après ?
Avec ses deux mille plaques commémoratives portant le nom de chaque navire de traite au départ de ports français et sa salle d’expositions de 40 m2, le Mémorial ne fait pourtant pas l’unanimité. Patricia Beauchamps, chef de projet de [l’association France Afrique pour le Développement et l’Entraide] regrette que ce projet ne soit pas assez informatif : « Nous n’avions pas pensé à un mémorial mais à quelque chose de plus pédagogique, un musée par exemple. Néanmoins, nous ne nions pas le fait que l’édification d’un tel monument est un acte important. » La transmission de cette histoire complexe et douloureuse est donc bien plus difficile qu’elle n’y paraît. Plutôt que des échanges et des rencontres culturels, certains auraient préféré un lieu de découverte et de connaissance, car nul ne doute que l’ignorance est palpable lorsque l’on évoque l’esclavage. « Le projet d’un musée est dépassé, assène Frédéric Lazorthes, secrétaire général du CPMHE. Le Mémorial est unique en France et en Europe. C’est un endroit nécessaire puisqu’il permet une dynamique avec des rencontres régulières et une connaissance réelle des lieux importants de l’histoire de la traite des esclaves en France. Notre objectif n’est pas de cloisonner mais de décloisonner pour ne rien oublier et pour ce faire, le développement d’un réseau de lieux de mémoire et d’histoire s’impose. »
Toutefois, si le reproche peut être fait à l’égard de bien des villes françaises, à l’hexagone comme aux DOM-TOM, Nantes ne fait pas figure de mauvais élève : une grande place est accordée à l’histoire des Noirs au Musée d’histoire de Nantes situé dans le très célèbre [Château des ducs de Bretagne].
Qu’en est-il de Paris ? « Le Mémorial de Nantes est un début. Il est évident que la création d’un musée sur les colonisations, pas seulement sur l’esclavage, constate Françoise Vergès, présidente du CPMHE. Toutes les histoires des colonisations sont liées et il nous faut les réunir dans un même endroit afin de créer une histoire commune. »

///Article N° : 10739

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