La Sueur des palmiers

De Radwan El-Kashef

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La première image est fulgurante : un homme court dans le désert que la caméra centre au pied de ce qui pourrait être une montagne sacrée. Il suit une odeur, celle du lieu d’où il provient.  » Si tu ne suis pas ton odeur, tu en meurs étouffé « , lui dira l’esclave noire, mémoire du grand-père et gardienne de l’ordre des choses, qui l’attend depuis des décennies.
Tout est déjà dit : ce film est à sentir par le nez comme par le coeur. Il a l’odeur du désert et des cultures populaires du sud de l’Egypte, à 1000 km du Caire. Il a le coeur de l’engagement pour la mémoire et de l’inquiétude du temps présent.
Une caravane surréaliste arrive, mercedes et plastique. Une voix s’élève qui promet monts et merveilles aux démunis. C’est l’exode. Comme dans les années 70 qui ont vu partir des millions d’Egyptiens, les hommes émigrent et les femmes restent. Ahmed reste aussi car il rêve d’autre chose : escalader le palmier géant pour récolter les dattes blanches dont l’arack (alcool fermenté) rendra à tous extase et bonheur…
Ahmed découvrira le monde des femmes, partagera sensualité et douleurs, et aimera Salma (l’admirable Sherihan), défiant l’éclatement du village et la désolation. Il mourra finalement sous le coup de la jalousie des hommes qui reviennent et ne supportent pas l’humiliation de l’échec.
Epique et lyrique, ce superbe film joue les oppositions des bleus de la nuit et des ocres du sable pour marquer les contingences des normes qui pousseront Salima à avorter (pour faire  » comme si de rien n’était « …) ou Shéfa à s’immoler par le feu. Il ose le symbole et la fable pour interroger en profondeur la perte de mémoire et de valeurs qu’entraîne l’émigration. Il fait confiance au spectateur pour ne pas folkloriser son message et lui offre ainsi une poignante méditation sur l’autodestruction de la mémoire d’un peuple.

1998, 110 min, 35 mm, Egypte. Avec : Sherihan, Mohamed Nagati, Fayza Amasaib, Abla Kamel. Image : Tarek El-Telmessani. Distr. Misr international films. ///Article N° : 969

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