Comment identifier, comprendre et mettre en perspective trois notions ici rassemblées : 1. la politique publique ; 2. l’économie de l’Art et Essai ; 3. la circulation des longs métrages inédits en provenance des pays du Maghreb dans les salles de cinéma en France ?
Le corpus de notre intervention concernera uniquement les « inédits », des longs métrages de fiction ou documentaires, sous mandat avec un distributeur français, sortant pour la première fois commercialement sur les écrans, entre 1990 et 2008 (1). Ce corpus, construit spécifiquement, s’inscrit dans celui, plus large, qui fonde nos recherches depuis trois ans, à savoir les films inédits en provenance des pays du Sud (2) distribués en France, soit environ 800 titres de 1990 à 2008 (3).
Dans un premier temps, après sélection et définition des champs théoriques nécessaires à notre réflexion, nous identifierons et questionnerons ces processus qui conduisent ou non les films au seuil d’une sortie en France. En confrontant l’origine de la provenance des films, et plus particulièrement du Maghreb, avec les spécificités du marché français des films en salles, notamment sur son segment Art et Essai, nous nous efforcerons d’apporter une contribution à une meilleure connaissance des films tunisiens, algériens, marocains effectivement distribués entre 1990 et 2008.
En terme d’inédits en provenance du Maghreb, et dans une approche comparative de ces films avec des inédits de d’autres régions du Monde sortis en France, de quoi parlons-nous ?
De 1996 à 2002 (4), sont sortis en France cinq films en provenance d’Algérie, neuf films du Maroc, cinq films de Tunisie ; sortaient aussi, de pays du Sud, huit films d’Égypte, quatre films du Liban, deux films de l’Autorité Palestinienne, et de pays européens intégrés à l’Union Européenne, quatre films de la République Tchèque, cinq films de Hongrie, quatre films de Pologne. Cette mise en parallèle, sur un critère de volume d’uvres – tant de films des pays du Sud que de films de pays européens intégrés au marché de l’Union, dans un processus conduisant ou non certains films étrangers jusqu’au seuil d’une sortie commerciale en France – relativise d’emblée l’importance de l’origine géographique de l’uvre. Elle modélise peut-être la conception et la mise en production et en coproduction en amont, mais détermine peu en aval les chances d’entrer ou non sur le marché français qui reste polarisé entre les films nationaux (à capitaux 100 % français et de coproductions agréées) et les films américains, avec une place plus réduite mais réelle laissée aux films d’Europe occidentale (5).
Ces processus n’en restent pas moins les objets à questionner pour le thème de notre intervention. Ce questionnement est strictement contemporain, de 1990 à 2008. Il convoque plusieurs champs d’investigation qu’il nous paraît utile de mentionner.
Importer et exporter des films au-delà des frontières naît en même temps que le cinéma et l’émergence de marchés et d’industries dans certaines régions du monde. Dans la France des années trente – période où la politique publique se concentrait sur la censure, la veille des bonnes murs, la sécurité de l’accueil du public en salles, la fiscalité – les entrepreneurs, producteurs et distributeurs avaient surtout le souci d’une réciprocité d’échanges commerciaux, conditionnés par la préexistence de deux marchés structurés s’il s’agissait de pays indépendants (6). Les « recettes°salles » issues du marché domestique et des marchés extérieurs composaient alors le socle de l’édifice des ressources de la conception des films et de leur mise en production. Cela motivait la recherche d’une symétrie des marchés d’échanges ou d’un bénéfice à l’avantage des productions françaises. La période se focalisait surtout sur la dualité entre les États-Unis/Production et Industrie nationales et le moyen de limiter le nombre d’inédits américains, par une élaboration toujours renouvelée du système des quotas. À la marge certes, on importait néanmoins des films d’Europe occidentale (7), parfois d’Amérique Latine (8) si ces pays acceptaient et respectaient les exportations des films français.
La politique publique s’étoffe à partir de 1946 du Centre National de la Cinématographie, sous tutelle du Ministère de l’Industrie. Cette politique publique incarnée par le CNC a pour premier fondement rassembleur des intérêts entrepreneuriaux divergents, une décision de retenir à la source de la billetterie une part des recettes de tous les films, quelle que soit leur nationalité, en vue d’une redistribution différée, sur un mode automatique aux seuls entrepreneurs français (9). La politique publique élargit alors son intervention en créant un instrument normatif visant cette symétrie de marchés de pays différents jusqu’alors laissée à la seule appréciation des entrepreneurs : l’accord bipartite d’État à État de coproduction, d’accessibilité aux deux marchés et aux ressources publiques existantes des deux pays selon des critères prédéfinis (10). Ce nouvel instrument de la politique publique gagne en ampleur sous la convergence de mouvements simultanés : l’un, volontariste, lié au lancement de la Ve République, à la création du ministère des Affaires culturelles, à la personnalité du Ministre, la longévité de son mandat ; l’autre, de l’ordre géopolitique et de ses conséquences sur une autre répartition de la régionalisation économique du Monde, ce mouvement des Indépendances et de l’hégémonie des États-Unis qui ouvrent une nouvelle ère de la Diplomatie culturelle française. Cette diplomatie se décline à la fois en stratégie d’influence, voire d’hégémonie et en stratégie de coopération visant dans le concert de la fondation d’instances multilatérales (11) à renforcer « le rôle de la France », notamment à destination des pays issus des Indépendances et des anciennes zones d’influence directe au Proche et Moyen-Orient. Ces enjeux d’ensemble traversent le champ du cinéma et influent, au gré du rythme changeant des outils de la diplomatie culturelle, sur les processus d’importation et d’exportation des films, notamment avec les pays du Sud de la zone de l’Afrique subsaharienne et des pays du Maghreb. Dans la période contemporaine, l’interaction entre la diplomatie culturelle et la coopération avec la circulation des films de cinéma des pays du Sud se complexifie par l’ajout à l’échelon national d’un échelon européen de plus en plus intégré et normatif (12).
La partie de ces processus que nous avons décrits détermine quels films parviennent ou non au seuil d’une sortie commerciale en France (13). Tous ne le franchissent pas, (14) car le marché français a la particularité depuis les années soixante de faire coexister deux axes :
– une politique publique d’incitation en faveur de la diffusion de films différents du cinéma dominant ; celle-ci repose sur des aides financières à destination des distributeurs et des salles de cinéma ; (2) – le jeu du seul rapport de marché et de ses rapports de force cherchant les succès les plus importants au box-office. Globalement nommée Art et Essai, cette politique publique détermine indéniablement les critères d’entrée d’un film dans un processus de sortie d’un film. À partir des années quatre-vingt-dix et encore plus à partir des années 2000, elle se transforme en un véritable segment du marché désormais organisé prioritairement pour la survie des entrepreneurs (15) » par les films » et non plus prioritairement une politique d’incitation « en faveur des films ».
Au départ, nous pourrions considérer l’ancrage initial de l’Art et Essai dans un champ, « plus vaste » ou « moins normatif et plus mouvant », celui de l’action culturelle. Des années vingt à nos jours, les quatre notions qui ont été travaillées, questionnées, permettant d’être considérées comme un socle définitoire de ce champ sont le film, le spectateur, la salle et leurs différents statuts, configurés par la notion de « médiation », soit cette rencontre entre le film et le spectateur dans l’espace et le temps déterminés de la salle et de la projection, avec l’introduction d’un nouvel élément, la présence d’une personne physique « spécialisée » (16). Les statuts donnés au film, au spectateur, à la salle et le choix de l’organisation de la mise en contact des trois par cette notion de « médiation » ont été construits et modélisés tant par les initiatives privées que par ce que nous nommerons les initiatives militantes, pour ces dernières, dans la période des années trente et surtout dans l’immédiate après-guerre jusqu’aux années soixante-dix. À titre d’exemple, la Ligue de l’enseignement – initiative militante qui perdure encore aujourd’hui, dont nous avons ici un témoignage dans le cadre de ce colloque par l’intervention de Mahjouba Aït Bennasser (17) du festival de Fameck en Lorraine – était considérée sous le Front populaire comme la plus grande organisation culturelle de gauche. Leur idée – partagée et travaillée simultanément par d’autres initiatives – était certes d’attribuer un statut d’uvre au film mais aussi un statut de « public » aux spectateurs qui ne forment plus uniquement la « clientèle d’une salle », mais composent un public fait d’individualités, de citoyens responsables. La salle était le « lieu et temps » de ce que nous nommerons l’expérience sensible entre le film et le public. Leur autre apport est ce recours à la circulation des films par la décentralisation des outils, des ressources, des équipements et de leur organisation pour aller « au plus près » des lieux de vie du public potentiel.
Soixante-dix années après, la Ligue de l’enseignement se compose d’établissements cinématographiques fixes, dont certains classés Art et Essai, de circuits itinérants, de dispositifs d’éducation à l’image.
Ce que Michel Serceau (18) évoquait ce matin avec les actions d’Aflam (19) est un exemple de la continuité contemporaine de ce que nous nommons « les initiatives militantes » conduites autour des films, des spectateurs, des lieux et temps de la projection et de leurs statuts.
Née pour partie de ce champ de l’action culturelle, dont elle a repris à son propre compte nombre de conceptions et de pratiques (20), la politique publique Art et Essai, la plus volumineuse et la plus influente dans la sphère des films, des spectateurs, des salles, de leurs statuts autour de la notion de médiation, est cependant très vite devenue le projet de « construire un véritable autre marché à l’intérieur même du marché général et de l’industrie ». Dès les années soixante, les initiatives des exploitants privés ont rencontré un écho favorable auprès de la politique publique pour construire des mesures incitatrices, d’abord pour les exploitants (21), puis pour les distributeurs (22) pour favoriser la sortie et l’exploitation de films différents de ceux dominant le marché et créer ainsi de véritables recettes incitant les producteurs à accompagner la création de tels films. La redistribution financière a pour objectif d’organiser un véritable marché tant au niveau de l’offre (les films, leur mise en production, la décision de les distribuer) que de la demande (des salles incitées à les programmer pour créer des recettes d’exploitation bénéficiant à toute la chaîne « du film »). La convergence entre les initiatives d’entrepreneurs privés et les incitations de la politique publique autour de cet objectif fait appel, au sein de commissions sélectives à « l’évaluation des capacités » des exploitants et des distributeurs à travailler différemment les statuts du film, du spectateur, de la médiation entre les deux dans l’espace et le temps de la projection en salle. Après évaluation de ces capacités, la politique publique « distingue » une salle des autres salles, en la « classant », en la « labellisant ». Les distributeurs indépendants, eux, reçoivent en amont de leur année d’activité une aide à la structure, sur présentation d’un programme éditorial composé de films plus difficiles à sortir, et/ou une aide au film par film, et/ou une aide pour les films relevant des « cinématographies peu diffusées » selon la conception du CNC de cette notion (23).
Dans ce contexte y aurait-il eu un « eldorado » pour les films du Sud en France, et plus spécifiquement pour les films en provenance du Maghreb ?
Nous serions tentés de répondre par la négative. Quel que soit leur pays d’origine, hors des États-Unis, de quelques pays de l’Europe Occidentale, les films doivent souvent exister dans le segment Art et Essai du marché général. Dès les années quatre-vingt-dix, ce segment est très prisé en offre d’inédits et devient fortement concurrentiel, quel que soit le pays d’origine des titres, certains films français inclus. Ces deux caractéristiques ne feront que croître lors des deux dernières décennies. La restructuration du secteur de l’exploitation et de la distribution entraîne une hausse de tous les indicateurs : offre en écrans, en fauteuils, en films, en nombre de copies par films. La rotation accrue de la programmation tout au long des deux décennies ne rencontre pas une hausse de ce segment de spectateurs à qui cette offre toujours plus importante de films différents du cinéma dominant est pourtant destinée. Ce sont les spectateurs communément nommés « cinéphiles » ou « public assidu » dans la méthodologie d’enquête du CNC, soit ces spectateurs allant plus d’une fois par semaine au cinéma. Augmentant sur ses segments de « public régulier » – allant au moins une fois par mois au cinéma – et de « public occasionnel » – allant au moins une fois par an au cinéma – la fréquentation en France a révélé une rigidité dans sa structuration sur ce versant des « assidus » ou « cinéphiles ». Au début des années 1990, les individus composant ce segment étaient au nombre de 1,2 millions. Ils réalisaient à l’époque 30 % des 120 millions d’entrées, soit 36 millions d’entrées dans un environnement où l’offre annuelle ne dépassait pas 400 inédits. Dès 2001, et de manière plus prononcée en 2008, cette part du public représente toujours environ 1,2 million d’individus. Même s’ils réalisent une moyenne de 45 millions d’entrées – une hausse de 25 % par rapport au début des années quatre-vingt-dix – soit ¼ des entrées annuelles d’aujourd’hui, elle n’est pas proportionnelle à un environnement qui atteint jusqu’à 580 inédits par an
Au début des années quatre-vingt-dix, l’offre moyenne annuelle de 400 titres se répartissait entre 120 films américains, 160 films français ou agréés d’initiative française, 80 films européens et une petite quarantaine de films « autres nationalités ». À la fin des années 2000, l’offre moyenne annuelle de 580 titres se répartit entre 160 films américains, 240 films français ou agréés d’initiative française, 100 films européens et 80 films « autres nationalités ».
Le critère déclencheur d’une sortie en France pour ces films « autres nationalités » varie selon les pays d’origine. Pour l’Afrique subsaharienne et les pays du Maghreb, une approche comparative de cette « origine de provenance » nous indique comme élément déterminant le fait d’avoir dès le processus de conception et de production du film, une société coproductrice située sur le territoire français. En prenant une autre zone située au Sud, l’Amérique Latine, ce critère est beaucoup moins important. En effet, de 1995 à 2007, 44 longs métrages en lien avec l’Afrique subsaharienne ont été distribués en France dont 34 de ces films ont fait l’objet d’une coproduction avec la France en amont, soit 77 % des sorties. Durant la même période, 56 films en lien avec le Maghreb ont été distribués dont 47 coproduits avec la France, soit 84 % des sorties. Lorsque l’on observe les films d’Amérique Latine, on constate que sur les 137 films distribués, 45 seulement ont été l’objet d’une coproduction en amont avec la France, soit 32 % des sorties.
Nous n’avons pas jusqu’alors pris en compte un angle d’observation pourtant nécessaire à cette partie de notre intervention qui fait appel « à des chiffres » modélisés au sein des différentes bases de données que nous construisons depuis trois ans. Il s’agit de mettre en relation la provenance géographique des films, le degré de structuration et le volume des marchés et industries intérieurs de ces zones avec le nombre effectif de titres « exportés » ou « importés ». Les sources disponibles pour cette intervention étant partielles et incomplètes, nous ne pourrons parler que « d’estimations ». Selon l’Observatoire audiovisuel européen qui fabrique chaque année un recensement des « tendances du marché mondial du film » (24) la Tunisie, le Maroc et l’Algérie forment une région cinématographique comptant 77 millions d’habitants pour une moyenne de 3,3 millions d’entrées annuelles en salles (25), ce simple nombre signalant à la fois (sans en expliquer les causes car ce n’est pas notre propos aujourd’hui) la faiblesse de l’équipement de ces pays et la pratique marginale de fréquentation des salles existantes. Sur le nombre très estimatif de 30 à 40 longs métrages produits par an dans cette zone, environ 3 à 4 d’entre eux sont distribués en France (26) soitune moyenne de 10 %.
L’Égypte est un pays comptant 76 millions d’habitants pour une moyenne de 25 millions d’entrées annuelles en salles traduisant un équipement et une pratique de fréquentation des salles plus importants que l’exemple précédent. Pour une estimation de 35 longs métrages produits par an (27), seuls 1 ou 2 longs métrages égyptiens sont distribués annuellement en France soit 5 % (28).
L’Amérique Latine – prise dans son ensemble, car il existe de fortes disparités entre les trois pays aux marchés cinématographiques « moteurs » comme le Mexique, l’Argentine, le Brésil et les autres pays (29)- forme une zone au marché et à l’industrie intérieurs plus étoffés que nos deux exemples précédents. Pour une population de 466 millions d’habitants, la fréquentation annuelle avoisine les 367 millions d’entrées (30). Sur les 286 longs métrages estimés produits en Amérique Latine et sortis dans les salles des marchés intérieurs, une moyenne de 23 d’entre eux est distribuée en France annuellement soit 8 % (31).
A priori, l’Amérique Latine nous indiquerait que la structuration d’un marché et d’une industrie intérieurs pourrait être à l’origine de ces 8 % des titres annuels produits et d’abord sortis dans la zone, et distribués ensuite en France. Lorsque la zone est moins structurée en termes de marché et d’industrie, comme le Maghreb, l’entrée « en amont » d’une société coproductrice située en France, jouerait au final (pallierait ce manque de structuration du marché intérieur ?) le même rôle dans la proportion des films qui sont au final distribués en France.
L’exemple de l’Égypte, elle, montre la limite des champs disciplinaires que nous avons sélectionnés pour construire notre intervention : moins de deux films égyptiens annuels sont distribués en France alors que la production annuelle atteint trente-cinq titres, soit a priori un marché et une industrie de provenance plus structurés. Ce constat appellerait un complément théorique dans la compréhension et l’analyse des processus d’entrée des films en distribution en France par d’autres champs des Sciences humaines et sociales, se consacrant aux « contenus » thématiques, esthétiques et culturels des films pris non plus dans « un ensemble », mais de manière individuelle, singulière, spécifique, au « film par film ».
Néanmoins, pour conclure, selon la méthodologie et la sélection des apports théoriques qui ont accompagné la construction de cette intervention, nous pouvons contribuer à une connaissance plus précise des films en provenance du Maghreb, effectivement distribués en France sur une période relativement longue, compte tenu de la batterie de sources et de critères qu’il est nécessaire de croiser pour obtenir de telles informations au « film par film » : provenance géographique, coproduction éventuelle en amont, date de sortie, distributeur concerné, équation de sortie et de fréquentation.
De 1990 à 2008, 68 longs-métrages des trois pays du Maghreb ont été distribués, réalisant un total de 2,41 millions d’entrées. Sans évoquer ici « l’histoire intérieure » de chaque pays sur cette période – et de son impact sur les politiques culturelles menées ou non, et la production des films – mais plutôt celle de la France dans le seul domaine audiovisuel et cinématographique, il y a un « avant » et un « après », avec comme date charnière, l’année 2001. C’est l’année où la restructuration complète du secteur s’achève. Elle permet un retour à un niveau de fréquentation perdu depuis 1984, une fréquentation moyenne de 180 millions d’entrées annuelles avec pour corollaire la croissance de l’offre d’inédits proposés par les distributeurs, de toutes nationalités confondues. La tendance de cette croissance générale de l’offre concerne aussi les inédits en provenance du Maghreb. De 1990 à 2000, 25 longs métrages sont distribués dont 7 d’Algérie, 12 de Tunisie et 6 du Maroc ; de 2001 à 2008, 43 longs métrages sont distribués, 14 de Tunisie, 13 du Maroc. Les films du Maghreb traduisent les mêmes tendances de fond que les films d’autres nationalités. Ces tendances structurent le marché à chaque période : de 1990 à 2000, une offre plus restreinte comptabilisant 1 million d’entrées ; de 2001 à 2008, une offre qui a augmenté de 70 % – on passe donc de 25 à 43 titres – pour une augmentation des entrées uniquement de 40 % – on passe de 1 million à 1,41 million d’entrées. Comme pour les films d’autres nationalités, les entrées de chaque période se concentrent sur un nombre réduit d’inédits proposés. En proportion, les deux périodes paraissent identiques : de 1990 à 2000, 1,2 % de l’offre de films du Maghreb – 3 films – réunit 66 % des entrées (32) ; de 2001 à 2008, 1,4 % de l’offre – 6 films – réunit 53 % des entrées. Néanmoins, au film par film – et c’est l’avantage de déconstruire les statistiques modélisées par les différentes institutions – la seconde période, si la croissance des entrées ne se répartit pas, loin de là, entre tous les films proposés aux spectateurs, la tendance de fond qui structure désormais le marché permet à 6 longs métrages (33) en provenance du Maghreb, soit le double de la période précédente, de dépasser les 100 000 entrées.
1. Dans les usages du marché français, le terme « commercialement » en salles renvoie ici à la réunion de deux critères : sortie du film inédit au mercredi ; dans le cadre strict d’une billetterie « CNC » avec l’édition de bordereaux de recettes. Ces critères excluent les autres types de « première exploitation » ou « de première diffusion du film » en France, notamment dans les festivals ou autre projection hors billetterie CNC.
2. Pays de l’Afrique subsaharienne, des Caraïbes et du Pacifique, du Maghreb, du Proche et Moyen Orient hors Israël, de l’Asie hors Japon, Taïwan, Singapour, Hong Kong, La Corée du Sud, l’Amérique Latine
3. Base de données de l’auteur
4. Source : Observatoire européen de l’audiovisuel.
5. En moyenne sur les 550 films inédits distribués en France annuellement, 40% sont français ou d’initiative française, 30% américains, 20% européens et 10% de d’autres nationalités.
6. Les pays colonisés étant considérés comme une « continuité de l’Etat français et du marché cinématographique français », les recettes de ces pays situés en Afrique Subsaharienne, au Maghreb et en Asie du Sud Est étaient comptabilisées comme des recettes d’exploitation du « marché intérieur français ». Jusqu’aux indépendances, les pays colonisés sont des régions cinématographiques comme celles de l’hexagone et présentées comme telles dans les bilans, bulletins du CNC.
7. Majoritairement Italie, Grande Bretagne, Allemagne, Espagne.
8. Le Brésil et le Mexique
9. D’abord les producteurs, qui étaient les premiers exposés aux faillites, les distributeurs et les exploitants pouvant invariablement distribuer et exploiter des films français ou des films américains, même s’il existait une hiérarchie dans l’accessibilité aux films, dont le regroupement par « ententes de programmation » pour les exploitants était une forme de réponse pour pallier cette faiblesse, réponse inadaptée à la profession de producteur. La redistribution automatique s’élargira progressivement aux exploitants et aux distributeurs.
10. De 1945 à 1975, 22 accords signés dont 4 avec des pays du Sud, l’Argentine, le Brésil, le Mexique, la Tunisie. À ce jour, une soixantaine d’accords. Maroc, 1977. Algérie, 2007.
11. L’Organisation internationale de la Francophonie a par exemple été créée en 1970.
12. Par exemple, le dernier né, le programme Media Mundus.
13. Quelques films du Maroc, de Tunisie aidés par le Fonds Sud ne sont par exemple jamais sortis en France.
14. Et les films en provenance des pays du Maghreb au stade de leur conception, de leur mise en production n’échappent pas à cette réalité au stade de la distribution commerciale en France.
15. Prioritairement les exploitants. Les distributeurs indépendants également.
16. D’origine socio professionnelle diverse – membre d’un ciné club, critique, réalisateur (trice) du film, programmateur (trice) animateur (trice) de la salle, membre d’une association – et nommé de multiples façons – intervenant, médiateur, animateur.
17. Mahjouba Aït Bennasser (Festival de Fameck) cherche depuis vingt ans à impliquer les jeunes des quartiers pour découvrir la richesse cinématographique du monde arabe en travaillant avec la Ligue de l’enseignement. Différents projets tout au long de l’année permettent un contact de proximité avec une soixantaine de salles du département, et des actions auprès des scolaires permettent de toucher 2000 enfants.
18. « Marseille a 830 000 habitants dont au moins 150 000 d’origine maghrébine, mais sans que les films maghrébins y soient montrés. Comme le rappelait Michel Serceau, Aflam organise des cycles thématiques depuis près de dix ans, relais de la Biennale des cinémas arabes de l’IMA au départ, avec une caravane des cinémas arabes dans la région. Une convention est passée avec une salle privée mais aussi avec des salles associatives, tandis que des rencontres professionnelles et des séances scolaires viennent compléter ce travail. La collaboration avec des associations (notamment l’Union des femmes musulmanes) permet de toucher les publics des quartiers, mais « un public se construit : il ne vient pas de lui-même, c’est un travail constant ! » » Olivier Barlet « Les Cinémas du Maghreb et leurs publics dans un contexte arabo-africain : conception, perception, réception Colloque international aux Journées cinématographiques de Carthage 2010 ». Africultures. 2010. africultures.com.
19. Ces initiatives militantes sont peu à peu entrées dans la sphère de la politique publique. Aflam est notamment soutenue par les acteurs suivants de la politique publique : CNC, Ministère de la Culture, Direction régionale des Affaires culturelles ; Collectivités locales et territoriales avec la région PACA, le Conseil général des Bouches du Rhône, la ville de Marseille
20. Il y a une circulation des personnes entre les deux champs, celui de l’action culturelle sur son versant d’initiative militante et celui de l’Art et Essai sur son versant de « marché à l’intérieur du marché général », les parcours d’engagements et professionnels montrant souvent des responsabilités dans les deux champs.
21. Le classement Art et Essai des salles
22. Des aides financières accordées pour un certain type de films
23. « Cette aide a pour objectif de contribuer à la découverte et à la diffusion commerciale d’uvres de qualité qui concourent à la diversité culturelle notamment en raison de leur nationalité et qui présentent des difficultés très particulières de distribution. Il s’agit en effet de films qui ne peuvent bénéficier d’aides accordées aux films français (soutien automatique à la distribution, contribution Canal +) ou d’aides européennes et qui sont par ailleurs des uvres d’auteurs émergents. Peuvent être écartés certains réalisateurs dont une précédente uvre aurait atteint plus de 50 000 entrées France » /www.cnc.fr
24. Nous avons consulté les années 2005, 2006, 2007, 2008. Il faut savoir que les données concernant la Tunisie sont incomplètes, celles concernant l’Afrique Subsaharienne totalement absentes si ce n’est pour le Sénégal et l’Afrique du Sud ; cela nous a amené à intégrer l’Egypte dans cette partie de notre intervention.
25. Fréquentation : Algérie, 0,03 millions d’entrée en 2009 – Maroc, 3 millions d’entrées – Tunisie, 0,3 millions d’entrées en 2006. Nombre de films produits : Tunisie, 11 en 2005, 10 en 2006, 21 en 2007, 10 en 2008 (estimation) – Maroc, 8 en 2005, 10 en 2006, 12 en 2007, 15 en 2007 (ATTENTION, beaucoup plus de films produits en MA qu’en TN. Si tu as d’autres chiffres qui te semblent plus fiables, change les. Je me suis fiée aux collectes de l’observatoire audiovisuel européen). Algérie, chiffres non disponibles. Focus Tendances du marché mondial du film. Observatoire Européen de l’Audiovisuel, Strasbourg. Edition 2008 p.54. Edition 2010, p. 65
26. Base de données de l’auteur
27. Tendances du marché mondial du film. Observatoire Européen de l’Audiovisuel, Strasbourg. Edition 2009, p.65
28. Base de données de l’auteur
29. Soit neuf pays, Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Mexique, Pérou, Uruguay, Venezuela Focus – Tendances du marché mondial du film. Observatoire Européen de l’Audiovisuel, Strasbourg. Edition 2010, p.51
30. Argentine : 40 millions d’habitants, 33 millions d’entrées, 85 films produits et sortis – Bolivie : 10 millions d’habitants, 2,9 millions d’entrées – Brésil : 194 millions d’habitants, 112 millions d’entrées, 79 films produits et sortis – Chili : 17 millions d’habitants 12 millions d’entrées, 24 films produits et sortis – Colombie : 49 millions d’habitants, 27 millions d’entrées, 17 films produits et sortis – Mexique : 107 millions d’habitants, 178 millions d’entrées, 46 films produits et sortis – Pérou : 29 millions d’habitants, 18 millions d’entrées, 15 films produits et sortis – Uruguay : 3 millions d’habitants, 2, 4 millions d’entrées, 10 films produits et sortis – Venezuela : 28 millions d’habitants 22 millions d’entrées, 10 films produits et sortis.
Focus – Tendances du marché mondial du film. Observatoire européen de l’audiovisuel, Strasbourg. Edition 2010, p.51.
31. Base de données de l’auteur
32. Halfaouine, l’enfant des terrasses de Férid Boughedir, Tunisie, distribué par Les Films du Losange en 1990, 279 000 entrées ; Les Silences du Palais de Moufida Tlatfi, Tunisie, distribué par Amorce Films en 1994, 204 000 entrées ; Un été à la Goulette de Férid Boughedir, Tunisie, distribué par Les Films du Losange en 1996, 174 000 entrées.
33. Ali Zaoua, Prince de la Rue de Nabil Ayouch, Maroc, distribué par Océan Films en 2001, 110 000 entrées ; La Saison des hommes de Moufida Tlatli, Tunisie, distribué par Les Films du Losange en 2002, 106 000 entrées ; Satin rouge de Raja Amari, Tunisie, distribué en 2002 par Diaphana, 109 000 entrées ; Viva Ladjérie de Nadir Moknèche, Algérie, distribué par Les Films du Losange en 2004, 192 000 entrées ; Rachida de Yamina Bachir-Chouikh, Algérie, distribué par Les Films du Paradoxe en 2005, 124 000 entrées ; Marock de Leila Mairakchi, Maroc, distribué par La Fabrique des Films en 2006, 108 000 entrées.///Article N° : 11177