Le culte des auctoritates. L’Aethiopia et la pensée médiévale tardive à l’épreuve de l’imaginaire antique

Université de Paris IV-Sorbonne(C.R.L.V.) / Middlebury College (Vermont)

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L’érection par Bartolomeu Dias d’un padrão à la pointe de l’Afrique et la prise de possession symbolique du lieu par sa nomination constituent un événement capital. (1) Sur le plan géographique, un cap vient d’être franchi : désormais l’Océan indien s’ouvre au Portugal. Sur le plan historique, une page est tournée : toute une conception pluriséculaire du monde est en passe de devenir caduque. Mais les savants et lettrés de ce temps ignorent que le monde vient brusquement de changer de configuration parce que le savoir qu’ils prodiguent et entretiennent est celui des anciens. Grâce au remarquable essor que connaît l’imprimerie dans ces grands centres européens du livre que sont Lis-bonne, Vicence, Bologne, Rome, Venise, Francfort, Ulm, Nuremberg, Cologne, Strasbourg, et via le latin, les écrits d’Aristote, de Pline, Pomponius Mela, Solin, Ptolémée, Origène, Augustin, sont désormais diffusés à l’échelle européenne et pratiqués par un lectorat plus important. (2) Un irréfragable désir de redécouvrir le monde et les hommes s’empare des lettrés et savants de l’Europe entière dans les deux dernières décennies du quinzième siècle ainsi que l’attestent les nombreuses compilations et encyclopédies qui sont imprimées et réimprimées. Georges Gusdorf l’a bien vu : « la découverte de l’antiquité est la première en date des Grandes Découvertes. »  (3) Le savoir relatif à l’espace africain et à ses habitants est quantitativement peu important chez les anciens. Il se trouve en effet disséminé dans les chapitres des géographies et cosmographies consacrés à la configuration du monde, aux zones climatiques, aux terres habitables, aux races monstrueuses. Les contacts avec les populations africaines étant rares et limités à la partie romaine du continent, les auteurs antiques ont, d’une part, décrit des êtres en se fondant sur leurs propres observations ou en accordant foi à des relations orales, et d’autre part, inventé d’autres êtres pour combler le vide correspondant à l’étendue de la terra nondum cognita. La peur aidant, ces représentations ont rapidement fait l’objet d’une corporalisation dans l’imaginaire collectif et constitué, en termes de savoir, une doxa. Aussi, dans l’imaginaire collectif occidental de la fin du quinzième siècle, si les populations africaines sont perçues comme monstrueuses, c’est parce que les anciens et les pères en ont livré d’éloquentes descriptions et que celles-ci sont reprises par les compilateurs, les encyclopédistes et les vulgarisateurs et lues, commentées et véhiculées par les érudits et les lettrés au sein de sphères savantes. (4)
L’héritage antique des savoirs sur les populations africaines dans la pensée médiévale tardive
La notion d’Africae extremitas est étrangère aux autorités antiques dont les œuvres sont réimprimées ou traduites à la fin du quinzième siècle (5). Elle apparaît et ne prend son sens qu’avec le contournement de l’Afrique par Bartolomeu Dias. Ainsi le savoir livré par les anciens sur les populations africaines est-il d’abord perçu comme un savoir global. C’est un savoir éminemment spéculatif assujetti à la théorie des climats qui pose l’existence d’un climat méridional en tous points opposé au climat septentrional. (6) Les Africains des confins méditerranéens sont l’Ethiopien, le Libyen ou le Nubien. Ils sont noirs. Passés les déserts et parce que le climat sous lequel ils végètent misérablement est horrible et débilitant, les êtres qui peuplent les zones torrides ne peuvent qu’être affreux, sales, paresseux, méchants, inaptes à penser et à agir. Dans son De Natura deorum, Cicéron écrit : « Licet videre acutiora ingenia et ad intellegendum aptiora eorum qui terras incolant eas in quibus aer sit purus ac tenuis quam illorum qui utantur crasso caelo atque concreto. » (7) Pour lui comme pour ses contemporains les êtres qui peuplent les confins africains sont des monstres (8).
Les passages que Ctésias de Cnide, dont un abrégé des écrits a été transmis par Photios, Hérodote, Aristote, Pomponius Mela, Strabon, Pline, dont l’Historiae Naturalis consiste en une description des merveilles de la nature, ou Ptolémée consacrent à l' »Aethiopia », à la « Libya » ou à la « Nubia » abondent en monstres : Monoculi, Blemyes, Sciopodes, Troglodytes, Garamantes, Nasamons… La logique qui gouverne la pensée des anciens est attributive. A chaque population correspond une qualité que glose son nom. Plus que l’observation ethnographique, c’est l’imagination qui préside aux appellations Elle est aussi cumulative, chaque population participant de la construction mentale de l’espace africain. Elle est également et enfin productive dans le sens où l’autre fait écrire et fait croire. Prendre position pour infirmer ou confirmer l’existence d’une population, c’est fustiger ou avaliser un savoir, c’est-à-dire favoriser son extinction ou assurer sa vitalité. A la fin du quinzième siècle donc, dans les œuvres des anciens, la vérité de l’écriture ne réside pas, pour l’autre africain, dans l’autopsie mais dans la vitalité d’un savoir procédant d’une logique attributive, cumulative et productive. L’Afrique est peuplée d’hommes noirs et de quantités formidables de monstres. C’est vrai parce que les anciens l’ont écrit. Leurs savoirs ne sauraient être contestés.
Les Pères de l’Eglise et la transmission du savoir antique : les représentations des populations africaines dans la tradition patristique
En termes d’anthropopoiésis, la logique qui gouverne la pensée des Pères de l’Eglise est identique à celle qui anime la pensée des autorités antiques. Pour les Pères comme pour les philosophes, les naturalistes et les géographes, l’Afrique est une terre remplie d’hommes noirs et de monstres. Ce sont les écrivains patristiques de l’antiquité tardive qui assurent la transmission des connaissances gréco-latines relatives à l’Afrique et à ses habitants aux auteurs du Moyen Age ainsi que les données générales léguées par le savoir antique et dont le continent africain ne constitue qu’une part infime. Isidore de Séville a accordé un intérêt peu commun pour l’époque aux sources païennes, les privilégiant parfois au détriment des sources chrétiennes. Cela est particulièrement remarquable dans le sixième livre de ses Etymologies. (9) Augustin emprunte quant à lui à Pline son catalogue de merveilles pour traiter des races monstrueuses localisées en Afrique dans son De Civitate Dei : « Quaeritur etiam, utrum ex filiis Noe vel potius ex illo uno homine, unde etiam ipsi extiterunt, propagataesse credendum sit quaedam monstrosa hominum genera, quae gentium narrat historia, sicut per hibentur quidam unum habere oculum in parte media, quibusdam plantas versas esse post crura, quibusdam utriusque sexus esse naturam et dextram mammam virilem, sinistram muliebrem, vicibusque inter se cœundo et gignere et parere ; aliis ora non esse eosque per nares tantummodo habitu vivere. » (10) Dans la tradition patristique, seul Origène se risque à livrer une interprétation allégorique de la noirceur éthiopienne en reversant la question de la couleur sur le plan de l’âme et en posant que l’homme blanc est parfois spirituellement plus noir que l’homme le plus noir de peau (11). Erreurs, idées reçues, préjugés, omissions, fantasmes, choix littéraires, opinions philosophiques, pensées religieuses participent de la conversion des savoirs à laquelle se livrent les lecteurs et commentateurs des auctoritates. A l’instar d’Aristote, de Pline, de Pomponius Mela, de Galien, de Ptolémée, Origène, Augustin et les Pères de l’Eglise sont abondamment lus et commentés à la fin du quinzième siècle. Mais l’autre est toujours projeté ou inventé avant d’être découvert et décrit. De l’Africae extremitas et de ses habitants les hommes du Moyen Age tardif ont une connaissance savante qui n’est pas le fruit de l’expérience : leur savoir est d’ordre cartographique, iconographique et livresque.
La fabrication de l’Africain dans les travaux des encyclopédistes, des compila-teurs et des vulgarisateurs
L’Afrique est une terre profondément et quasi originellement mythopoiétique. De ses habitants, les encyclopédistes, les compilateurs et les vulgarisateurs livrent une image éthérée puisée dans le pléthorique répertoire de monstres, prodiges et merveilles, hérité de la tradition antique et relayé par la tradition patristique (12). Féru de curiosa et fervent lecteur de Pline et de Solin, l’encyclopédiste Barthélémy l’Anglais écrit dans son Liber de Proprietatibus rerum :
« […] plurimas habens gentes diverso vultu et monstruosa facie horribiles, ferarum quoque et serpentum multidudine est referta. Illic quoque rinocerata bestia cameleon et basiliscus dracones ingentes ex quorum cerebro gemme extrahuntur. Jacinctus et crisoprassus ac topasius et alie gomme plurime in illis partibus reperiuntur et cynamomum ibi colligitur. » (13)
Le De Proprietatibus rerum n’est pas un ouvrage d’érudition mais une œuvre de vulgarisation. Barthélémy l’Anglais cherche à intéresser un vaste public sur des sujets divers. Aussi le De Proprietatibus rerum consiste-t-il en un exposé du savoir humain accessible à des curieux et non pas seulement réservé à des savants et des lettrés. Si Barthélémy l’Anglais émet parfois des réserves à l’égard de ses sources en faisant précéder ses informations des formules « dicuntur » ou « traduntur », Vincent de Beauvais reprend sans énoncer la moindre critique les schémas éthiques de Solin. Les mœurs littéralement inhumaines des populations africaines recensées dans les encyclopédies participent de la moralisation du monde chrétien. C’est pour mieux exorciser ses hantises que l’Occident chrétien reverse ses fantasmes sur les populations monstrueuses – les abjects Garamantes, les luxurieux Satyres, les repoussants Monoculi… –, projetant son image inversée sur l’Afrique païenne. L’Afrique est l’empire des dérèglements : animaux, végétaux, et minéraux obéissent à une nature désordonnée et excessive. Dans son Imago Mundi, qui s’affirme à la fin du quinzième siècle comme la vulgate sur le continent africain (14), Pierre d’Ailly décrit en ces termes l’action exercée par la nature sur les êtres peuplant les régions extrêmes :
« Ex premissio etiam mani festum et ex parte cause generalis supradicte quatuor extremitates terre etiam inter lineas climatum constitute non sunt bene habitabiles, specialiter due extremitates quas una et usus meridie alia vers septentrionem. Et sicut dicunt Ptholome, Haly, alii antiqui actores qui in hiis duabus extremitatibus sunt homines siluestres comedentes humanas carnes, qui habent facies corruptas, horribiles. Causa est secundum distemperantia illarum regionum in caliditate, frigiditate. Propter quam corpora sunt inordinate complexionis, male, turpis compositionis. Ideo sunt malorum morum, siluestris conversationis. Unde discerni si sunt homines uel bestie sicut recitat beatus Augustin. »  (15)
Ce type de discours n’est pas l’apanage de Pierre d’Ailly. On le retrouve chez bon nombre d’écrivains de son temps. L’encyclopédiste cherche à transmettre un savoir exhaustif. N’évaluant, ne classant ni ne hiérarchisant ses sources, il privilégie à l’exactitude de l’information l’efficace du montage littéraire et l’ampleur de la construction érudite. L’encyclopédiste spécule sur la géographie. Il n’intègre pas les connaissances réunies par les voyageurs. Comme Pierre d’Ailly, c’est en puisant chez Ptolémée, Pline, Aristote et les autres autorités qu’il construit son savoir. Aussi celui-ci revêt-il fréquemment la forme d’une succession d’anecdotes et d’un agrégat de connaissances contradictoires. La vérité de ce mode d’écriture réside dans l’accumulation et non dans la critique, la réévaluation, l’invalidation ou le renouvellement des savoirs. L’Ecole de Chartres et les grands scolastiques, Albert le Grand, Roger Bacon, procèdent à un essai de rationalisation du savoir mais les connaissances relatives aux popula-tions africaines n’en bénéficient pas, faisant seulement l’objet d’exercices purement rhétoriques et de tentatives infructueuses de réévaluation de la tradition. Bien qu’ils juxtaposent ou conjuguent des traditions différentes, un savoir pré-scientifique s’élabore lentement sous leur plume, parce qu’ils font l’effort de s’intéresser aux progrès de la géographie. Mais si Roger Bacon écrit que les Ethiopiens Troglodytes vivent sous terre, se repaissent de serpents, sont meilleurs que les chevaux à la course et crient parce qu’ils ne sont pas doués de la parole, c’est parce que parmi ses sources figurent les encyclopédistes, dont l’information est principalement tirée des autorités antiques, et l’Historiae Naturalis. Tout en réaffirmant leur volonté de renouveler le savoir, les scolastiques se révèlent incapables de rompre avec les savoirs hérités des autorités antiques et les con-naissances issues de ces mêmes autorités reprises et diffusées par les encyclopédistes. (16) Rompant avec les complexités et ambiguïtés de la méthode encyclopédiste, les vulgarisateurs privilégient la représentation visuelle, livrant au public une représen-tation éloquente et concrète de l’Afrique. C’est en ces termes que Gossouin de Metz décrit les confins de l’Afrique : « Ethyope siet vers la fin d’Aufrique, et prend la fin. En cel pays a une genz qui sont plus noir que poiz ne arrement. Car il fait si chaut cele part qu’il samble que la terre y arde. Dela Ethyope n’a rien fors que deserz et terre sanz nul bien, plainne de vermine et de bestes sauvages. Et se termine vers le grant mer. » (17)
Parmi les matériaux issus des catalogues antiques des races monstrueuses et des encyclopédies, les vulgarisateurs choisissent les plus éloquents : aussi lit-on fréquemment que les Monoculi n’ont qu’un œil, que les Troglodytes poussent des cris, que les Garamantes s’entredévorent, que les Satyres s’abandonnent à la débauche… (18) Parce que les sommes des vulgarisateurs sont imprimées en langue vulgaire, les représentations des monstrueuses populations africaines deviennent accessibles à un lectorat qui ne se compose plus exclusivement de clercs et d’érudits mais comprend désormais des curieux. Les ouvrages de vulgarisation et les traductions françaises des encyclopédies latines ne renouvellent pas le savoir (19). Ils contribuent au contraire à véhiculer et enraciner dans l’imaginaire collectif des représentations d’autant plus efficaces qu’elles sont frappantes. Par delà les modes d’écriture propres à la nature et à la somme des savoirs qu’ils sont désireux de réunir et de transmettre, les encyclopédistes, les scolastiques, les vulgarisateurs et les compilateurs ont en commun de décrire le continent africain comme un univers dans lequel les êtres, les animaux, les végétaux et les minéraux sont parfaitement en accord. C’est parce que cet univers est déréglé que les êtres qui le peuplent se distinguent par d’exceptionnelles qualités physiques : puissants, démesurés, vifs, habiles à la chasse, rapides à la course, mais surtout, que les monstres de tous acabits, Troglodytes, Blemyes, Sciopodes, Nasamons, Garamantes et autres Monoculi y évoluent en de si extraordinaires quantités.
La perception des populations africaines dans les relations de voyages : l’épreuve de l’autopsie
Les localisations des populations africaines sont encore aléatoires du fait de la rareté et de l’intermittence des contacts (20). Les préjugés mentaux résistent à l’épreuve de l’autopsie : le regard que les voyageurs, les missionnaires, et les marchands portent sur les populations qu’ils rencontrent le long des côtes africaines est un regard réificateur pétri de préjugés. Aussi les connaissances relatives à ces populations et consécutives à leur rencontre intègrent-elles péniblement la culture savante de la fin du quinzième siècle. Si les Portugais, grâce à leurs navigateurs, et les Catalans, au contact des Arabes, améliorent de manière remarquable leurs cartes et tracés du continent et des côtes africaines, les cartographes du reste de l’Europe continuent d’extraire leurs principales sources d’informations des recueils antiques et des encyclopédies. Les cartes plus que les textes encore sont éloquents qui donnent littéralement à voir, revêtus d’une stupéfiante enveloppe corporelle, les Sciopodes, Troglodytes et autres Monoculi… Elles demeurent des constructions de l’esprit dépendantes du savoir prodigué par les autorités antiques et relayées par les encyclopédistes : continuellement ressassé ou converti, le savoir des anciens est un savoir éminemment fécond. Et c’est parce que le monde situé dans les marges de l’œkoumène leur demeure inaccessible que les cartographes et les géographes français, bataves et allemands ne sont pas en mesure de les corriger et de décrire des réalités nouvelles. Chez les voyageurs, si la part du merveilleux est plus réduite que chez les encyclopédistes, elle n’en demeure pas moins présente. Quand elles ne sont pas monstrueuses, les populations africaines sont affreuses. Ainsi Marco Polo tient-il les Noirs de Zanzibar pour la plus horrible chose à voir au monde tant ils sont hideux et laids. Il écrit : « […] il sunt si gros e si membru qu’ils semblent jeant […], desmesure-ment fort. Il sunt tuit noir et vont nus fort qe il se couvrent lor nature […]. Il ont si grand boche et les nés si rebufes e les levres et les iaus si gros qe sunt a veoir mot orible cousse, car qui le veises en autre contrée, l’en diroit qu’ils fuissent diables. » (21) Ainsi Jean de Mandeville fait-il évoluer dans une géographie aléatoire repliant l’Afrique sur l’Inde des géants noirs et laids aux sexes rendus démesurés par la chaleur. Les voyageurs intrépides ne manquent pas à l’époque médiévale. Parmi ceux qui parcourent les confins de l’Asie ou qui s’aventurent sur les côtes orientales de l’Afrique, nombreux sont ceux qui s’enquièrent des merveilles des contrées qu’ils visitent et qui, à leur retour, consignent leurs souvenirs à destination d’un public lettré ou narrent leur périple à un auditoire avide d’ailleurs. Mais les rencontres consécutives aux progressions enregistrées par les navigateurs portugais sur les côtes occidentales africaines ou par les pilotes arabes sur les côtes orientales du continent ne remettent pas en question les savoirs des compilateurs, des encyclopédistes et des vulgarisateurs (22). Les voyageurs repoussent à l’intérieur des terres la localisation des populations monstrueuses et consignent dans leurs récits leur déception de ne rencontrer que des hommes.
Sur l’Afrique et les Africains, les hommes du Moyen âge tardif ont donc une connaissance géographiquement et mentalement limitée. Les voyages sont encore épisodiques, les contacts noués avec les populations établies aux confins des zones désertiques sont intermittents et leur influence sur les représentations est nulle. Les encyclopédistes appréhendent la question du savoir sur l’autre et l’ailleurs en termes de conservation et non en termes de découverte (23). S’arc-boutant sur leurs sources et ne tirant aucun fruit de la présence musulmane sur le continent africain, ils ont recours à la fabulation et au remplissage littéraire pour pallier les lacunes objectives de leur savoir. (24) Dans les deux dernières décennies du quinzième siècle, la dépendance des compilateurs, des imprimeurs et des lettrés à l’égard des auteurs anciens, des vulgarisateurs et des encyclopédistes accentue les retards, décalages et anachronismes perdurant entre les savoirs fabriqués et compilés durant des siècles et les connaissances issues d’observations consécutives aux découvertes consignées en l’espace de quelques années seulement. Conséquence de ce décalage : l’Africain, qu’il s’agisse du Garamante ou du Troglodyte, est tantôt assimilé à une variété particulière de l’espèce humaine, tantôt à un être en marge de l’humanité soumis aux désordres de son environnement : il est affreux, son visage n’a rien d’humain, son parler est inintelligible, ses membres sont démesurés, ses capa-cités physiques exceptionnelles, ses mœurs inhumaines… et c’est dans ce riche réceptacle intégré par l’imaginaire collectif que les voyageurs, les historiens et les géographes de cabinet vont trouver matière à entretenir les peurs et fantasmes reversés par l’Europe sur l’Afrique.

1. Cet événement ne va devenir véritablement mémorable que des décennies plus tard dans les écrits des grands historiens portugais et dont le De Rebus Emmanuellis de Jerónimo Osório constitue un exemple. Jerónimo Osório, De Rebus Emmanuellis regis Lusitaniae inuictissimi uirtute et auspicio, annis sex ac viginti, domi forisque gestis, libri duodecim […], Olysipone, apud Antonium Gondisalum Typographum, 1571.
2. Aristote, Parva naturalia, cum commentariis Averrois, Patavi, Laurentii Canozii impresse, 1474 ; De Animalibus, Theodori Gazae interprete, Venetiis, per Johannem de Colonia et Johannem Manthem de Gherrezem, 1476 ; Pline l’Ancien, Historiae naturalis libri XXXVII, Venetiis, 1487 ; Pomponius Mela, Cosmographi geographia. Prisciani quoque ex Dionysio Thessalonicensi de situ orbis interpretatio, Venetiis, Erhardus Ratdolt, 1482. Marginalia de Peiresc ; Solin, De Situ orbis terrarum et memorabilibus quae mundi ambitu continentur liber, Venetiis, per Nicolai Jenson, 1473 ; Ptolémée, Cosmographia, Vicentiae, ab Hermanno Levilapide, 1475 Rééd. : Romae, Conrad Schweiheim imp., 1478 ; Boloniae, opera Dominici de Lapis, 1478 ; Ulm, per Leonardum Hol., 1482 ; Origène, Homiliae, Coloniae, Bernhard de Unckel, 1475 ; Saint Augustin, De Civitate Dei, cum commento Thomae Walleis et Nicolai Triveth, Lovanii, Johannes de Westphalia, 1488.
3. Sur la redécouverte des philosophes, des géographes et des naturalistes antiques au tournant des quinzième et seizième siècles : Georges Gusdorf, Les Origines des sciences humaines. Antiquité, Moyen Age, Renaissance, Paris, Payot, 1967, p.335 ; Léon Robin, La Pensée grecque et les progrès de l’esprit scientifique, Paris, Albin Michel, 1973, « L’Evolution de l’humanité » ; Numa Broc, La Géographie de la Renaissance (1420-1620), Paris, Editions du C.T.H.S., 1980, « Mémoires de la section de géographie. » Rééd. : Paris, Editions du C.T.H.S., 1986, « Format », p.9-19.
4. Sur les représentations iconographiques de ces monstres : Jurgis Baltrusaitis, Le Moyen Age fantastique. Antiquité et exotisme dans l’art gothique, Paris, Armand Colin, 1955. Sur les représentations des populations africaines dans l’antiquité, le premier tome de la somme consacrée par Jean Devisse aux représentations de l’homme noir dans l’art occidental, demeure une source incontournable : Jean Devisse, L’Image du Noir dans l’antiquité, Fribourg, Office du Livre, 1979. Tome I. L’Image du Noir dans l’art occidental. Sur la perception des populations africaines dans la culture et dans la littérature arabes de l’antiquité : Willi Fischer, Farb- und Formbezeichnungen in der Sprache der altarabischen Dichtung, Wiesbaden, 1965 ; Carl Brown, « Color in Northern Africa » [in]Daedalus, n°96, 1967, p.464-482 et Bernard Lewis, Race and Color in Islam, New York, Harper and Row, 1971. Trad. fr. : Race et couleur en pays d’Islam, Paris, Payot, 1982, « Aux origines de notre temps », p.17-27. Sur les modes de description des populations africaines dans l’antiquité : Frank Martin Snowden, Blacks in Antiquity. Ethiopians in the Greco-roman experience, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1970.
5. Pomponius Mela, Pline, Macrobe, Ptolémée mais aussi les géographes arabes Abbategni et Avicenne, établissent de subtiles distinctions entre les différentes zones – zone tempé-rée, zone tempérée australe, zone torride, zone tempérée équatoriale… – mais rares sont les lecteurs du Moyen Age tardif qui prennent acte de ces complexes distinctions. Sur ce point : Pomponius Mela, De Situ orbis [in]Cosmographi geographia. Prisciani quoque ex Dionysio Thessalonicensi de situ orbis interpretatio, op.cit., I.1.9 ; Pline, Historiae Naturalis, op.cit., II.68 ; Macrobe, In Somnium Scipionis […], Saturnaliorum libri impressi Venetiis, opera et impensa Nicolai Jenson, 1482, II.6 ; Ptolémée, Cosmographia, Ulm, per Leonardum Hol., 1482, VII.3.5.
6. A la fin du quinzième siècle, les connaissances des médecins romains, grecs et arabes sont réunies dans de volumineux in-folio, constituant de véritables sommes scientifiques. Articella, seu Thesaurus operum medicorum antiquorum. Liber Johannitii qui dicitur Isagoge. Libellus de pulsibus Philareti. Libellus Theophili de urinis […], Venetiis, Baptista de Tortis, 1487.
7. Ces conclusions ne sont pas consécutives à des observations biologiques. Elles procèdent d’une survalorisation des effets de la chaleur et avalisent des idées reçues, des pré-connaissances et des préjugés raciaux puissamment ancrés dans l’imaginaire collectif méditerranéen. [« On peut se rendre compte que les esprits sont plus pénétrants et plus aptes à la réflexion chez ceux qui habitent des pays dans lesquels l’air est pur et subtil, que chez ceux qui vivent sous un ciel lourd et pesant. »] Cicéron, De Natura deorum [in]De Natura deorum, de Divinatione, de Fato, de Legibus, liber ad Hortensium, sive Academicorum liber secundus, Modesti de Disciplina militari […], Venetiis, per Vindelinum de Spira, 1471, II.16.43.
8. Aristote l’a formulé dans son De Animalibus, IV.4 : tantôt le monstre n’est qu’une créature imparfaite de cette chaîne qui mène à la créature la plus achevée de l’œuvre divine – De Animalibus, IV.4. 706 a 18, IV.4.706 b 10 –, tantôt le monstre est cette créature qui affecte une non conformité avec les autres créatures : les créatures usuelles de la nature –De Animalibus, IV.4.770 b 12 –. Ce qui fascine le lecteur de la fin du quinzième siècle dans cette classification, c’est la remarquable monstruosité des populations africaines. Ce que les lecteurs d’Aristote retiendront moins de la lecture des chapitres qu’il consacre aux monstres, c’est l’idée que la frontière entre l’humanité et la monstruosité relève moins des faits que du regard de l’observateur. Cette négligence favorisera le retour triomphal du monstre sous la forme de l’individu affligé de traits monstrueux. Par leur situation, ces êtres posent la question de l’ascendance, c’est-à-dire de la race. Toute réflexion sur la part monstrueuse de l’homme mène à une réflexion sur l’idée de race monstrueuse même. Sur ce point : Robert Lenoble, Esquisse d’une histoire de l’idée de nature, Paris, Albin Michel, 1968, « L’Evolution de l’humanité. »
9. Sur la réception d’Isidore de Séville : Jacques Fontaine, Isidore de Séville et la culture classique dans l’Espagne wisigothique, Paris, Études augustiniennes, 1959, 2 vol ; Jean de Ghellinck, Patris-tique et Moyen Age. Étude d’histoire littéraire et doctrinale, Gembloux, Duculot, 1947-1949, 2 vol.
10. « On se demande aussi si les fils de Noé, ou plutôt cet homme unique dont ils sont eux-mêmes issus, ont pu de façon crédible avoir pour descendants ces espèces monstrueuses d’hommes, dont parle l’histoire des nations. Des hommes n’ont qu’un seul œil au milieu du front. Certains ont la plante des pieds tournée à rebours. D’autres possèdent les deux sexes, ayant la mamelle droite d’un homme, celle de gauche d’une femme, et peuvent s’unir alternativement pour engendrer et enfanter. D’autres n’ont pas de bouche et vivent en respirant uniquement par les narines. » Il ajoute plus loin : « Quid dicam de Cynocephalis, quorum canina capita atque ipse latratus magis bestias quam homines confitetur ? Sed omnia genera hominum, quae dicuntur esse, credere non est necesse. Verum quiquis uspiam nascitur homo, id est animal rationale mortale, quam libet nostris inusatatam sensibus gerat corporis formam seu colorem siue notum siue sonum siue qualibet ui, qualibet parte, qualibet qualitate naturam : ex illo uno protoplasto uirginem ducerre nullus fidelium dubitauerit. Apparet tamen quid in pluribus natura obtineruit et quid sit ipsa raritate mirabile. » [« Que dire des cynocéphales que leur tête de chien et leurs aboiements font plutôt prendre pour des bêtes que pour des hommes ? Mais il n’est pas nécessaire de croire à l’existence de tous ces genres d’hommes. Quel que soit l’endroit où naît un homme, c’est-à-dire un être animé raisonnable et mortel, même s’il possède un corps étrange pour nos sens, par sa forme, sa couleur, ses mouvements, sa voix, quels que soient la force, les éléments et les qualités de sa nature, aucun fidèle ne doit douter qu’il tire son origine du seul premier homme. On voit bien cependant ce qui, dans l’ensemble, vient de la nature et qui est étonnant par sa rareté même. »] Saint Augustin, De Civitate Dei, cum commento Thomae Walleis et Nicolai Triveth, op.cit., XVI,8. Trad. : Saint Augustin, Œuvres, II, Paris, Gallimard, 2000, « Bibliothèque de la Pléiade. » Édition établie par Lucien Jerphagnon, p. 660-661.
11. Augustin reprend dans ses Ennarationes in Psalmos le procédé allégorique utilisé par Origène dans ses Homiliae mais la postérité retiendra surtout le huitième chapitre du seizième livre du De Civitate Dei. Origène, Homiliae, op.cit. ; Saint Augustin, Enarrationes in Psalmos, op.cit., LXX,3. L’influence de Saint Augustin sur les conceptions du savoir antique est capitale. Henri-Irénée Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture anti-que, Paris, De Boccard, 1958.
12. Cet imaginaire connaîtra une remarquable fortune en dépit des progrès accomplis par les cartographes. En atteste la carte de l’Afrique insérée par Sebastian Münster dans sa Cosmographiae Universalis, sur laquelle figure, non loin des sauvages Garamantes, un monstre de la race des Monoculi, et la mappemonde anonyme insérée dans une édition considérablement augmentée du Novus Orbis regionum de Simon Grynaeus, sur laquelle se promènent des Cannibales. Sebastian Münster, Cosmographiae Universalis […], Basileae, apud Henricum Petri, 1540. Simon Grynaeus, Novus Orbis regionum […], Basileae, apud Julium Hervagiummense, 1555. Sur cet étonnant retard : Numa Broc, La Géographie de la Renaissance (1420-1620), op.cit., p.29-31.
13. « Les peuples, écrit Barthélémy l’Anglais, sont très nombreux et de types différents et ils ont des visages monstrueux, et elle [L’Aethiopia] est pleine de bêtes sauvages et de serpents. Là vivent également l’animal féroce que l’on nomme caméléon, le basilic et les grands dragons ; et l’on tire du cerveau de ces dragons des pierres précieuses qui s’y trouvent en quantités considérables : le rubis, le chrysoprase, le topaze et autres gemmes, on y récolte également le cynamome. » Barthélémy l’Anglais, Liber de Proprietatibus rerum fratris Bartholomaei Anglici, de Ordine fratrum […], Lugduni, Nicolaus Philippi et Marcus Reinhart, 1480.
14. Pierre d’Ailly tire l’essentiel de son information de la traduction de la Cosmographia élaborée par Angelus, de l’Historiae naturalis et du De Civitate Dei. Pierre d’Ailly achève son ouvrage en 1410. A la fin du quinzième siècle, l’édition de l’Imago Mundi qui fait autorité est celle que Johann de Westphal a imprimée à Louvain. Pierre d’Ailly, Imago Mundi […], Louvain, Johann de Westphal, 1480.
15. « On peut conclure de ce qui précède que par suite de la circonstance générale susdite il y a quatre régions extrêmes situées dans les limites des régions qui sont habitables, et principalement deux de ces régions dont l’une regarde le midi et l’autre le septentrion. C’est pourquoi Ptolémée, Haly et d’autres Anciens prétendent que dans ces deux régions extrêmes il y a des hommes sauvages anthropophages, au visage difforme et horrible. Haly attribue ce fait à l’inégale répartition de la chaleur et du froid dans ces régions, cause des complexions anormales et des déformations hideuses, cause aussi de la perversion des mœurs et de la grossièreté du langage : ce sont des êtres dont il est difficile de dire s’ils sont des hommes ou des bêtes selon l’expression du bienheureux Augustin. » Trad. : Pierre d’Ailly, Imago Mundi. Gembloux, Duculot, 1930. Texte latin et traduction française des quatre traités cosmographiques de d’Ailly et des notes marginales de Christophe Colomb par Edmond Buron, 3 vol. Cit. p.240-241.
16. Les images résistent à la connaissance expérimentale y compris dans les sphères savantes. Sur les procédés d’écriture des scolastiques : Jean-Thomas Welter, L’Exemplum dans la littérature religieuse et didactique du Moyen âge, Paris / Toulouse, Guitard, 1927. Sur les travaux de Roger Bacon : Jacques Hoffmans, « L’expérience chez Roger Bacon » [in]Revue Néoscolastique, 1925, p.170-190 ; Guy Meyer, « En quel sens peut-on parler de méthode scientifique chez Roger Bacon ? » [in]Bulletin de Littérature Ecclésiastique, n°3, 1952, p.3-25 et p.77-98.
17. Gossouin de Metz, Mirouer du monde, Genève, Jean Vivian, 1517. Il s’agit là de la plus ancienne édition conservée à la Bibliothèque nationale de France. Le Département des manuscrits compte en revanche plusieurs manuscrits de cet ouvrage aussi connu sous le titre d’Ymage du monde. B.n.F, Département des Manuscrits, Fr. 574. Roumanz mestre Gossouin, qui est apelez Ymage du monde […] translatez de latin en roumanz. Vélin, miniatures, lettres ornées. XIVe siècle. (Anc. 7070) Brunetto Latini est avec Gossouin de Metz l’un des vulgarisateurs parmi les plus prisés de la fin du quinzième siècle. Le Département des Manuscrits compte de nombreuses éditions de son Trésor. B.n.F, Département des Manuscrits, Fr. 191. Tresor [de Brunet Latin]. Vélin, miniatures, lettres ornées. XVe siècle. (Anc. 6851)
18. Nombreuses sont les représentations de l’espace africain dont les vides sont remplis par des monstres, Monoculi, Garamantes, Troglodytes et autres Satyres. Catherine Bousquet-Bressolier, « L’œil du cartographe ou réflexions sur un monde vu de près » [in]Catherine Bousquet-Bressolier, dir., L’Œil du cartographe et la représentation géographique du Moyen Age à nos jours, Paris, Editions du C.T.H.S., 1995, « Mémoires de la section de géographie physique et humaine », p.7-16 et Numa Broc, La Géographie de la Renaissance (1420-1620), op.cit., p.19.
19. Curieux, savants, érudits : ceux qui se montrent sceptiques à l’égard de ces savoirs sont rares. Les compilateurs étant représentatifs de ces milieux, leurs œuvres rendent compte de la posture qu’ils ont choisi d’adopter par rapport aux matériaux en leur possession ou à leur disposition. C’est la raison pour laquelle certains plus que d’autres se sont appliqués à réduire de manière considérable le volume des merveilles et de faire passer pour étranges à des lecteurs critiques des populations connues comme monstrueuses. Sur ce point : Michel Lemoine, « L’œuvre encyclopédique de Vincent de Beauvais » [in]Cahiers d’Histoire Mondiale, n°IX-3, 1966, p.567-579 et Vulgariser la science : les encyclopédies médiévales. Cahiers de Recherches Médiévales (XIIe-XVe siècle), vol.6, 1999.
20. Les Portugais ont recherché des décennies durant le royaume du Prêtre Jean. Ils ont longtemps cru qu’il était situé à l’extrémité de l’Afrique. Jacques Paviot signale l’existence d’une petite mappemonde dessinée à l’intérieur de la lettre initiale O d’un manuscrit de la Cosmographia de Pomponius Mela ayant appartenu au cardinal Guillaume Fillastre et datant de 1417. Ce manuscrit est conservé à la Bibliothèque municipale de Reims. B.m. de Reims, ms.1321, Cosmographia, f(13. « L’Afrique y a grossièrement la forme d’un cadrant, note Jacques Paviot : la courbe de l’arc – c’est-à-dire pour les Portugais la Guinée – y est indiquée comme « terra incognita » et à son extrémité sud se trouve l’inscription « India Presbiteri Johannis. » Jacques Paviot, « L’imaginaire des découvertes au XVe siècle » [in]Jean Aubin, dir., La Découverte, le Portugal et l’Europe, op.cit., p.141-158. Sur le royaume du Prêtre Jean : Vsevolod Slessarev, Prester John. The Letter and the legend, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1959 ; Domingos Maurício, « A « Carta do Preste João » das Indias e seu reflexo nos descobrimentos do Infante Dom Henrique » [in]Brotéria, n(71, 1960, p.213-244 et « Ainda a « Carta do Preste João » das Indias » [in]Brotéria, n(72, 1961, p.285-303 ; Francis Rogers, The Quest for Eastern Christians. Travels and Rumor in the age of discovery, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1962.
21. Marc Paul, Le Livre des Merveilles du monde […], Lyon, L’Imprimeur du Grand Alanfranc, 1480. In-fol. À la fin : « Cy est finy le livre intitulé le livre des merveilles du monde. » sign. […], car goth. Un exemplaire de cet ouvrage est conservé dans la réserve de la Bibliothèque nationale de France. BnF. Rés-G-695. Sur le regard porté par Marco Polo sur les nègres de Zanzibar : Michel Simonin, « Silhouettes de la Négritude aux XVIe et XVIIe siècles » [in]Images du Noir dans la littérature occidentale, du Moyen âge à la conquête coloniale. Notre Librairie. Afrique noire, Maghreb, Caraïbes, Océan Indien, n°90, octobre-décembre 1987, p.18-24.
22. Jacques Le Goff rappelle que l’antiquité et le Moyen Age ont également produit une image positive des populations africaines. Les Ethiopiens sont chez Homère les « Parfaits » chez qui Zeus descend festoyer. Les Ethiopiens Macrobes sont décrits par Hérodote comme beaux, grands, justes, droits, vivant cent vingt ans. Dans la poésie romanesque courtoise du treizième siècle, Wolfram d’Eschenbach célèbre dans son Parzival un prince noir, païen mais courtois, Feirefiz. C’est précisément parce qu’il est puissant et son que son âme est pure qu’il peut affronter Parzival. Le culte de saint Maurice, le chevalier noir, est à apogée à la même époque tandis qu’apparaît dans l’iconographie le roi mage noir Balthazar dans la culture germanique. Jacques Le Goff, « Préface » [in]François Medeiros, L’Occident et l’Afrique, op.cit., p.5-13. Bernard Lewis livre des observations semblables concernant la culture arabe à l’époque médiévale en rappelant que les poètes ont célébré l’homme noir. Bernard Lewis, « A la gloire des noirs » [in]Race et couleur en pays d’Islam, op.cit., p.35-39.
23. Ils s’appliquent principalement à recenser les connaissances disponibles sur divers sujets pour leurs contemporains. C’est la raison pour laquelle leurs représentations des popula-tions africaines sont aussi factices et statiques. L’imaginaire joue un rôle prépondérant dans la fabrication des savoirs – y compris à l’heure des premiers grands voyages effectués par les navigateurs portugais le long des côtes occidentales africaines – « non seulement, ainsi que le note François Medeiros, comme un élément de réponse aux questions demeurées insolubles dans une culture pré-scientifique, mais encore sur le plan éthique et psychique, comme un moyen pédagogique et un exutoire efficace pour se débarrasser de phantasmes innombrables. » François de Medeiros, L’Occident et l’Afrique (XIIIe-XVe siècle), op.cit., p.267.
24. Jean Céard a montré la remarquable vitalité des merveilles pliniennes et autres prodiges tout au long du seizième siècle dans un ouvrage aujourd’hui classique : Jean Céard, La Nature et ses prodiges. L’insolite au XVIe siècle, Genève, Droz, 1977, « Travaux d’Humanisme et de Renaissance. » Rééd. : Genève, Droz, 1996, « Titre courant ».
///Article N° : 4013

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