Le festival Cinémas d’Afrique d’Angers

Ou comment promouvoir la diversité ?

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Le festival Cinémas d’Afrique est né de l’envie de faire connaître les richesses du continent africain. C’est au départ une initiative de l’association Tohu Bohu, fondée en 1987 par un groupe de personnes passionnées d’Afrique et de cinéma. À partir de 1992, la ville d’Angers a commencé à soutenir le festival, et Tohu Bohu a alors fait place à l’association Cinémas d’Afrique Angers. Le maire de l’époque, Jean Monnier était très impliqué dans le jumelage entre Angers et Bamako. Apporter un soutien au festival entrait dans cette dynamique de relations d’échanges avec l’Afrique.

L’objectif de l’association était et est toujours de faire connaître les cultures d’Afrique et les cinémas du continent. Le principal outil est le festival, qui a fait sa place au niveau national à force d’opiniâtreté, recevant des soutiens au niveau local de la ville d’Angers, au niveau départemental du conseil général de Maine et Loire, au niveau régional du conseil régional, de la DRAC Pays de la Loire, mais également au niveau de différentes structures nationales, comme la FASILD devenue l’Acsé (l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances), et le ministère des Affaires étrangères jusqu’en 2011. Aujourd’hui le festival est soutenu également par des fonds privés comme la Fondation Mécènes et Loire en 2009, Crédit mutuel en 2011, etc.
Outre le festival, d’autres activités ont été créées à l’année, afin d’être en phase avec l’évolution du contexte à Angers, une ville, qui, à la création du festival comptait peu de personnes d’origine africaine, et qui est aujourd’hui multiculturelle. L’enjeu autour des cultures d’Afrique est d’autant plus fort. Ainsi l’association a développé un travail en profondeur autour de plusieurs axes :
– des rendez-vous réguliers autour des cinémas d’Afrique ont lieu au cinéma Les 400 coups ou à l’université d’Angers. Projections suivies de débats et d’échanges, de rencontres avec les réalisateurs lorsqu’il s’agit d’accompagner la sortie d’un film en salle.
– un [centre de ressource] avec des documents sur les arts et les cultures d’Afrique : photos, livres, vidéos… consultables sur place.

Le Centre de ressources comporte également des expositions itinérantes. Sept expositions ont été créées en collaboration étroite avec des artistes et des professionnels africains à l’occasion de différents festivals. Elles rendent compte de la vitalité et de la richesse des cultures, comme par exemple, l’habitat nomade et sédentaire au Mali, le tissage, la terre, etc. Elles sont aujourd’hui conditionnées pour circuler dans la France entière. Faute de financements, il n’y a plus de création d’expositions depuis 2003.
L’association propose [des conférences] pour mieux connaître les Cultures d’Afrique en faisant intervenir des spécialistes des questions traitées.
Des modules [de formation] « Initiations aux cultures d’Afrique » sur une durée de 2 jours destinés aux professionnels de l’éducation, aux travailleurs sociaux ont été créés depuis 2006. Il s’agit d’apporter une initiation à ces professionnels, de leur donner des repères et des clés de compréhension sur des faits de culture propres à l’Afrique (Maghreb et Afrique Noire), dans le but de faciliter les relations avec les personnes qui ont des origines africaines.
L’association Cinémas et Cultures d’Afrique a lancé en mars 2008 un appel à Projet « Bled » à destination des jeunes (16-30 ans), en particulier des jeunes issus de l’immigration africaine. Il s’agit de leur donner l’opportunité de s’exprimer sur leur rapport à l’Afrique, leur rapport au « Bled ». Cet appel à projet a été relancé en mars 2010. L’association mène tout un travail d’accompagnement des jeunes qui répondent à cet appel.

Enfin, l’association s’intéresse à la question de [la diffusion des films] en Afrique, en lien avec des professionnels du cinéma du continent. Depuis la fin 2009, elle participe à la mise en place [d’un réseau de professionnels] d’Afrique de l’Oues. Ce projet de « mise en réseau de distributeurs et de diffuseurs sur le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal et la France » est mis en œuvre avec le soutien du Programme ACP Films financé par l’Union européenne.
Si bien que l’association fonctionne aujourd’hui toute l’année, avec une équipe permanente composée de trois salariés, de volontaires, de stagiaires et de bénévoles. La vie associative est très importante dans la mise en place des actions. Faire connaître les cultures d’Afrique c’est aussi travailler à plusieurs autour de cet objectif. Les contours du festival sont définis par le conseil d’administration et mis en place par des groupes de travail thématiques. Toute personne qui le souhaite peut s’investir dans l’association.
Le festival Cinémas d’Afrique
Le festival Cinémas d’Afrique se tient au printemps, à Angers, les années impaires, pendant six jours. La 13e édition du festival a ainsi eu lieu du 12 au 17 avril 2011. La 14e aura lieu du 16 au 21 avril 2013.
Le festival propose une programmation de films réalisés par des cinéastes d’Afrique des deux dernières années (long-métrage, court-métrage, documentaire, fiction, animation, 35 mm, numérique). En moyenne une vingtaine de films sont présentés. La sélection se fait pendant les grands festivals africains (JCC de Tunis, Fespaco), par un comité de sélection qui est composé d’une bénévole et de deux salariées. Un travail permanent de veille assure au festival une programmation originale, avec des films qui, pour certains, ne sont vus nulle part en France et en Europe. Par exemple, le film Victimes de nos richesses de Kal Touré a pu rencontrer son public. Après le festival en 2009, il a été programmé dans bien d’autres lieux. Le film Où vas-tu Moshé par Hassan Benjelloun en 2009 a été suivi d’une rencontre mémorable entre le réalisateur et les membres de l’Aptira (Association pour la promotion et l’intégration dans la région d’Angers). Il s’agit de montrer et de se nourrir de la diversité des regards. Les cinémas d’Afrique sont porteurs de sensibilités, d’esthétiques, d’imaginaires qui prennent leurs racines dans des cultures spécifiques. Peu connus, ils constituent pourtant de vraies richesses qui participent à la complexité du monde. Le festival invite à la curiosité envers ces autres regards, il offre aux publics l’accès à des cinématographies pour la plupart non diffusées en France.
Les projections des films en compétition ont lieu à partir de 11 h 30 du mercredi au samedi dans les salles du cinéma Gaumont Variétés en centre-ville. Ouverture et clôture se tiennent au Centre de congrès d’Angers, une salle de 1 250 places, les mardis et samedi de la semaine du festival.
Pour chaque film, le réalisateur est invité pour toute la durée du festival. Des conférences et des rencontres publiques ont lieu tous les jours, dans un Espace rencontre permanent en centre-ville, à la salle Chemellier aménagée pour l’occasion.
Le public tient une place centrale puisque les spectateurs détenteurs du passeport – environ 200 personnes – sont invités à décerner trois prix : le prix du public pour le long-métrage, pour le film documentaire et pour le court-métrage. En 2011 Téza de Hailé Gerima (Éthiopie) a reçu le prix du public pour le long-métrage, Koukan Kourcia de Sani Elhadji Magori (Niger) celui du film documentaire, et Tiraillements de Najwa Slama (Tunisie) celui du court-métrage. Des moments festifs et conviviaux sont organisés tout au long du festival afin de permettre l’échange, la rencontre, ainsi que pour décloisonner les regards et faciliter le développement de relations.
Un festival riche qui a su se pérenniser depuis 1987 et attirer un public toujours plus nombreux et varié. La 13e édition en avril 2011 a attiré plus de 15 500 festivaliers. Des professionnels de toute l’Europe se déplacent à Angers pour venir voir des films et rencontrer les professionnels d’Afrique invités au festival.
Le festival acteur social
À travers ses spécificités, ses intentions, ce festival de cinéma se veut aussi acteur local : participer au tissage des liens sociaux. Des dizaines de bénévoles de toutes origines sociales et culturelles travaillent ensemble sur un projet commun, pour créer des relations là ou elles n’existeraient que difficilement par ailleurs. En 2011 le festival a compté une centaine de bénévoles.
Les contours du festival ont été définis de manière à encourager un mélange des publics. Par exemple, les lieux du festival sont tous des lieux centraux de la ville (Centre de congrès, cinémas les Variétés), lieux que nombre de spectateurs du festival ne fréquenteraient pas sans cet événement. Cette mixité des publics est rendue possible également par un travail étroit avec un ensemble de partenaires (maisons de quartier, charte culture et solidarité, associations, université, bibliothèque municipale, etc.).
Depuis l’édition 2009, un accent plus particulier a été mis sur les actions en direction de la jeunesse.Des projections sont organisées tous les matins à destination des publics scolaires. Deux séances sont proposées. En 2011, un programme était articulé autour du conte avec La Moisson magique d’Anis Lassoued (Tunisie), L’Oeuf, de Moustafa Dao (Burkina Faso) et l’intervention de deux conteurs. Pour les enfants à partir de la cinquième (12 ans), les films Le Fleuve Niger se meurt de Kandine Adam Aborak (Niger) et Mascarades de Lyes Salem (Algérie) étaient proposés. Ces séances ont fait l’objet d’un travail de préparation avec les enseignants en amont, et d’un partenariat avec le Centre Départemental de Documentation Pédagogique (CDDP) de Maine et Loire. Des temps du conte étaient également proposés au jeune public. En tout, ce sont 3 100 scolaires qui ont participé au festival.
Le festival et le jeune public
Un jury jeune a été mis en place. Il est composé d’une vingtaine de jeunes de tous parcours, de tous horizons, sélectionné sur la base du volontariat et de la motivation. Ce jury décerne un prix du meilleur long-métrage et un prix pour le meilleur court-métrage. Il est accompagné par un journaliste critique de cinéma. Des séances de préparation du jury ont lieu en amont afin de travailler sur une grille d’analyse et de critères. Lors de la dernière édition, le jury a sélectionné le film Tiraillements de Najwa Slama (Tunisie) comme meilleur court-métrage et le film Le Poids du serment de Kollo Daniel Sanou (Burkina Faso) comme meilleur long-métrage
Le suivi et la valorisation des projets Bled, initiatives jeunes, sont une autre action en direction d’un public jeune. Tout au long de l’année précédant le festival, dix groupes de jeunes montent des projets d’expression artistique à partir d’une réflexion sur leur rapport aux cultures d’Afrique, leur rapport au Bled. Le résultat de ces projets est présenté durant le festival avec des temps d’échanges. Ces temps sont des lieux privilégiés de débats pendant lesquels les jeunes peuvent parler des liens à l’Afrique. Ils offrent ainsi une occasion de rencontre, de confrontation d’idées, de points de vue avec d’autres jeunes porteurs de projets Bled, des invités du festival, l’entourage du jeune et le tout public. Par exemple, en 2011 Fatima Abbou a proposé une vidéo de 16 minutes intitulée Mes parents, mon histoire : « Il s’agit d’un film témoignage de trois enfants issus de l’immigration : Fatima, Rachid et Abdel Rahmene. Leurs points communs est d’avoir des parents ayant quitté leurs pays d’origine pour diverses raisons. Je les ai tous les trois rencontrés afin qu’ils nous racontent l’arrivée en France de leurs parents et les débuts dans ce pays. Ils expliquent comment ils se sont construits avec cette histoire ».
Avec le festival, il s’agit de susciter la curiosité, la joie de la rencontre et le désir d’explorer un univers culturel différent. L’Afrique peut ainsi être appréhendée dans sa diversité et sa complexité. Par le cinéma, le festival contribue à la défense de la diversité culturelle. Les films apportent un nouveau regard sur le continent, ils permettent une ouverture d’esprit et une autre approchedes différences culturelles. Faire vivre la diversité culturelle permet à chacun de prendre sa place dans la société, de se construire. Pour la population africaine, un festival de films d’Afrique, réalisés par des cinéastes africains témoigne de l’importance et de la reconnaissance qui leur sont portées. Les artistes et intervenants d’Afrique qui viennent au festival font figure d’ambassadeurs et constituent de véritables modèles. Le festival est un événement destiné à favoriser les relations entre les populations de différentes origines et de différentes générations.

///Article N° : 11194

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