Le Festival National du Film de Tanger offre une rare opportunité de penser les enjeux d’un cinéma national à partir d’un portrait exhaustif de la production. Si l’augmentation du nombre de films au Maroc révèle un éventail assez large de préoccupations, le mal-être et le désir d’émigrer en demeurent les motifs dominants. D’un cinéma grand public à un cinéma de recherche, les représentations de l’impasse en sont très diverses
le cinéma marocain a-t-il reposé les termes des questions qui s’imposent à lui ?
Compte-rendu de la 13e édition du Festival national du film marocain de Tanger qui s’est déroulée du 12 au 21 janvier 2012.
Tanger, les soirées sont fraîches à la mi-janvier, la nuit tombe tôt, mais l’atmosphère sagement bouillonnante des festivals est là. Le projecteur fait feu sur l’entrée du Roxy, prêt à saisir des visages connus, ceux des cinéastes, des acteurs et actrices qui se fraient un chemin parmi les spectateurs. Les barrières destinées à canaliser les publics longent l’avenue et séparent les passants curieux sur le trottoir opposé ; des festivaliers font la queue, film après film, tandis qu’après chaque projection les taxis descendent la rue Mansour Dahbi, guettant les spectateurs qui se dispersent
Un jeune homme, coupe de cheveux très tendance, tente à chaque séance de passer le barrage de la sécurité. Refoulé aussi régulièrement que le ressort d’une boîte à musique, il plaide, argumente, hausse les épaules
tandis que les agents de la sécurité, écouteur à l’oreille, campés à l’entrée dans leur costume sombre et pardessus, veillent.
S’il est un cinéma qui atteste que la dimension nationale du cinéma n’est pas obsolète, c’est effectivement le cinéma marocain ! Alors même que le monde entier s’interroge sur le devenir de cet art, le Maroc défiant les lois de l’économie, produit pour des publics nationaux et internationaux environ 20 longs-métrages et 80 courts-métrages par an. Avec 50 cinémas et près de 70 écrans, un film marocain peut attirer 300 000 spectateurs au Maroc. Certains films, comme Les Bandits de Saïd Naciri (2003), Marock (2005) de Leila Marrakchi, Casanegra (2007) de Nour-Eddine Lakhmari ou Amours voilées (2007) d’Aziz Salmy sont parvenus à conquérir le grand public et ont caracolé en tête du box-office national, même si les deux dernières années marquent un repli. Le Festival national du film de Tanger est le lieu privilégié de mise en valeur de cette activité cinématographique intense, une opportunité rare, pour tous les participants du Maroc et d’ailleurs, de voir un éventail complet de la production actuelle.
Le cinéma marocain est organisé par une institution, le Centre Cinématographique Marocain (CCM) dirigé depuis 2003 par Nour-Eddine Sail. Le CCM organise, à la manière du CNC en France, l’industrie du cinéma marocain et gère un fonds d’aide devenu avance sur recettes, des équipements (laboratoire et auditorium), une cinémathèque. Il est ainsi l’organisateur de ce festival, et l’importance accordée, pendant ces quelques jours, à la refonte du site dont la nouvelle interface devait être dévoilée lors d’une grande réception, atteste de l’importance de cet outil de communication. Cette vitrine factuelle régulièrement documentée des rouages de la production, de l’état de la distribution et de l’exploitation, constitue une mine pour les experts et les amateurs, d’où qu’ils soient, puisqu’elle permet de réintégrer une connaissance le plus souvent très parcellaire, quelques films rencontrés au hasard d’un festival dans le contexte plus large de la production, de la distribution et de l’exploitation au niveau national
Elle constitue un portrait exhaustif d’une cinématographie nationale.
Îlots de sociabilité parachutés autour d’un ensemble de films l’espace de quelques jours, dans un lieu que tout un chacun s’approprie au fur et à mesure des projections et des rencontres, les festivals constituent des micro-sociétés tissées autour des conversations dans le lobby d’un hôtel dans les files d’attente avant les projections, et les cafés environnants. Autant de liens qui se font et se défont au gré des échanges, des discussions vives qui suivent chaque séance, des amitiés retrouvées, mais aussi des rapports de pouvoir et de concurrence qui traversent tout grand raout comme celui-ci. Dans une économie du cinéma fondée sur la croyance partagée en l’artiste faisant uvre, chaque projet de film est un éternel recommencement, le lieu d’une concurrence sans merci pour l’obtention d’un financement institutionnel, gage de qualité et de fiabilité souvent nécessaire à l’obtention d’autres fonds, et l’horizon d’un emploi pour les personnels qui y sont associés. La précarité étant la norme, la capacité à promouvoir son travail et sa compétence – ce qui pour les uns revient à être « cooptable » dans les projets à venir, ou pour les autres à rallier des personnes qui contribueront à la notoriété d’un film – devient aussi essentielle que le talent lui-même. Sous les atours d’une gaîté contagieuse, un festival n’en reste pas moins un lieu d’observation et de tractations dont les enjeux ne sont ni plus ni moins que la survie du petit monde ainsi constitué sur les croyances qui le fondent.
Le Festival National du Film Marocain était jusqu’en 2005 itinérant et bisannuel, il s’est depuis lors fixé à Tanger pour devenir annuel en 2007, l’augmentation de la production justifiant cette plus grande fréquence.
Le FNF, ce sont deux salles, le Proxy, environ 700 places divisées entre un parterre et un balcon, dans une architecture des années trente, des dorures refaites à neuf, des fauteuils d’un velours rouge foncé un peu usés. C’est le poumon gauche du festival, celui où les réalisateurs et leurs équipes présentent le film avant chaque projection. C’est aussi la belle salle de la Cinémathèque qui projette les mêmes programmes avec vingt-quatre heures de décalage pour un public plus discret. Le poumon droit, c’est enfin l’hôtel Chellah, son lobby et la salle des conférences de presse. Du jardin jusqu’à la salle informatique au 5e étage, on parle, on y parle inlassablement cinéma, tournage, scénario, personnages, acteurs, montage, mise en scène, financements, etc.
Aucune billetterie pour le festival qui édite près de 2800 badges (plus quelques dizaines d’entrées supplémentaires pour chaque projection), distribués à des invités, des critiques, des organisateurs d’événements, des professionnels, aux équipes des films présentés, aux membres des jurys et à des Tangérois également très demandeurs. Le jury de la compétition des longs-métrages était cette année présidé par Edgar Morin, sociologue reconnu et auteur de deux ouvrages qui ont marqué la réflexion sur le cinéma, Le Cinéma ou l’Homme imaginaire (1956) – l’édito du catalogue nous rappelle d’ailleurs que le cinéma « fermente toutes les virtualités de l’esprit humain » – et Les Stars (1957). Morin est également coréalisateur avec Jean Rouch, de Chronique d’un été (1961), un portrait saisissant d’une société française en métropole au regard de la Guerre d’Indépendance de l’Algérie. Un tel choix montre que le Festival tient à afficher une démarche intellectuelle dans cette manifestation qui est avant tout un événement professionnel pour la promotion des films de l’année. Des conférences de presse le matin sur les films en compétition puis trois projections par jour, un court-métrage précède chaque long-métrage. Avec 23 longs-métrages et autant de courts, le programme qui suit un fil thématique est chargé.
Cette manifestation, c’est d’abord un grand nombre de propositions (1).
L’émigration clandestine était très présente, l’histoire, la violence sexuelle, la misère sociale et l’islamisme aussi, les représentations des femmes par des réalisatrices qui montrent au passage que nous sommes sortis de certains clichés commerciaux ou des trames convenues d’un certain cinéma social.
Le mal-être social et le désir d’émigrer ont sans doute constitué le fil d’Ariane de cette édition, une préoccupation qui n’est pas nouvelle, mais qui déborde largement du cadre strict du cinéma social et populaire. Elle est abordée à travers la comédie et dans un cinéma d’auteur qui révèle un questionnement des formes. En outre, l’histoire au cinéma, les films réalisés par les femmes ont fait l’objet d’une journée de projection
sans oublier quelques démarches personnelles sur les enjeux politiques de la représentation au cinéma.
a) Le récit de l’impasse sociale du cinéma populaire au cinéma d’auteur
Désir d’émigrer et corruption sont au cur d’Andalousie, mon amour de Mohamed Nadif, acteur reconnu du cinéma marocain venu à la réalisation. Nadif tient, dans ce film, le rôle de l’instituteur à la longue-vue rivée sur la mer, personnage anachronique, assez poltron et amoral, qui se sait à la remorque d’un monde dans lequel le savoir n’a guère valeur marchande au regard de la débrouille. S’étant fait voler un stock de haschisch qu’il aurait dû revendre pour compléter ses revenus, il en vient à envoyer les deux jeunes sur un rafiot sans espoir pour récupérer l’argent qu’il doit
Les jeunes font naufrage et sont séparés dans un récit ponctué de belles idées, la reconstitution de l’Espagne en particulier, l’opposition entre un ici et un là-bas. Mais celles-ci sont un peu trop appuyées, voire répétitives, tant et si bien que le film s’essouffle dans un dénouement qui n’en finit pas sur une corruption généralisée. Mains rudes de Mohamed Asli, campe ainsi deux personnages qui ne peuvent que se rejoindre : un coiffeur analphabète et avisé au service d’un ministre grabataire, et qui, pour arrondir ses revenus, négocie avec la femme de ce dernier, visas, certificats et autres documents administratifs nécessaires aux aspirations de ses nombreux voisins et clients, et Zakia une institutrice qui veut rejoindre son fiancé en Espagne mais qui doit prouver qu’elle a déjà travaillé dans les champs et qu’elle a des enfants. Il lui faut donc des papiers. La trame centrale de l’intrigue est assez bien construite, les personnages sont beaux et les acteurs qui les incarnent justes, mais le récit un peu trop prévisible culmine dans une séquence d’un mariage féerique un peu kitsch
dénouement intentionnel d’une intrigue au final un peu trop convenu, explorant les interactions sociales dans un monde qui reste sans issue. En particulier, on peut regretter que le personnage en retrait un peu étrange de l’assistant du coiffeur ne soit jamais vraiment élucidé alors même que c’était lui, la tête couverte d’une capuche noire, qui ouvrait le film attablé à une terrasse et surplombant la ville par un tour de la caméra à 360º. C’est encore lui qui fait le tour à mobylette d’autres clients, une allusion à tout un autre trafic parallèle laissé en plan
Au final très consensuel, ce film a d’ailleurs obtenu l’adhésion des quelques jeunes présents aux conférences de presse et qui se faisaient les chantres d’un cinéma national hautement moral contre ce qu’ils perçoivent comme les dérives de certaines recherches. Dans ce contexte, où situer Androman
de sang et de charbon de Azlarabe Alaoui, film étonnant qui a su emprunter au film de genre une intrigue bien construite autour de personnages forts ? Situé dans l’Atlas, au temps des légendes, le film conte l’histoire d’un village qui pour survivre, passe son temps à tromper la surveillance d’un garde-chasse corrompu, afin de ramasser du bois et de braconner. Le village se divise sur la question du droit des femmes à l’héritage, un dilemme vu à travers les péripéties d’une jeune fille élevée comme un garçon par un père rustre à cause de la promesse faite au grand-père mourant. La représentation d’un univers rupestre est par les personnages, les costumes et la couleur très réussie. Menée tambour battant à travers une bande originale un peu trop présente, cette aventure aux maints rebondissements est marquante. Peut-on oublier le plan en contre-plongée de la fillette sur la branche, au réveil du père ? Celle d’Androman tirée du puits ? Des préoccupations déjà explorées au cinéma demeurent, des images passent, celles d’un monde en lente mutation dans une imagerie renouvelée avec le potentiel de toucher un plus large public.
b) Les formes du mal-être dans le cinéma de recherche et d’auteur
Mort à vendre de Fawzi Bensaïdi, Prix spécial du Jury, est tout entier dévolu à la construction filmique d’une amitié entre trois jeunes hommes sans avenir qui survivent par le vol à la tire tout en rêvant de sortir de l’impasse. Dans Tétouan, à la fois territoire autonome et dédale qu’ils maîtrisent mais dont ils ne peuvent sortir, cette amitié est créée formellement par la présence centrée des trois figures en équilibre fragile dans l’espace du plan ou par la construction centrée de leur absence lorsque le spectateur les sait hors champ, comme par exemple le jeu des bouteilles sur le terrain vague. Le scénario met cette relation à l’épreuve à travers la relation passionnelle de Malik pour une prostituée et par le refuge que Soufiane trouve dans un groupe islamiste après un vol raté ayant viré au règlement de compte. Le film est-il au final, comme a pu le suggérer Hamadi Guerroum, « un film sur rien », vidé de son contenu, parce que Fawzi Bensaïdi en a fait un problème de cinéma ? Le cinéaste affirme que représenter la conversion à l’islamisme ne l’intéresse pas, c’est « de l’anecdotique ». Son objectif est de comprendre ce qui se passe entre les trois protagonistes, les gestes, l’exploration de ce que « ces jeunes portent
et qu’ils n’ont pas la force d’affronter ». Certes, ce film ne nous apprend rien sur l’islamisme ni sur le désespoir social, mais il donne une dimension tragique de cette situation sans issue. S’étant détourné déjà d’un cinéma « arabe social à vocation humaniste » (2), le film est une exploration cinématographique de la façon dont des personnages condamnés en arrivent à des situations paroxystiques, exprimées à travers une forme de mysticisme pour Soufiane, une passion dévorante pour Malik, dans un scénario très bien mené, une construction formelle parfaitement maîtrisée et avec d’excellents acteurs. Campé en quelques plans, le personnage de la sur de Malik, employée du textile et maîtresse d’un homme qu’on ne voit pas constitue aussi, au détour du scénario, un destin fort. Rêves ardents d’Hakim Bellabes est un périple dans le traumatisme irréversible de la séparation liée à l’émigration clandestine. Comment saisir par l’image le rapport des êtres au monde ? Dans les plans sur les visages des enfants ou de la femme qui attendent, Hakim Bellabes brouille à dessein ce qui relèverait d’une réalité narrative et ce qui relève du songe, on perd le sens du temps, on ne sait plus si ce que nous voyons est effectivement arrivé, on ne saura pas qui est le corps à la morgue. Le film alterne ainsi l’attente de la femme et de ses enfants, cet appel téléphonique qui ne vient pas, et le périple de l’homme à pied à travers le pays. Mais le film reste toujours en deçà de l’histoire, s’attachant davantage à l’exploration des dimensions psychiques et matérielles de la séparation. La vulnérabilité de la femme sans plus un sou est perceptible, l’éviction du logement représentée par une série d’aller-retour dans une cour, le grand-père fragile qui déterre vigoureusement des plans de patates douces, qui on le devine ne lui appartiennent pas. Ces plans en disent long sur la violence de la dislocation qui accompagne l’hémorragie humaine engendrée par l’émigration, sur l’isolement des êtres livrés à des forces brutes entraînant leurs proches dans la chute. Plus convaincant lorsqu’il explore l’attente que le périple du clandestin – une représentation peut-être parasitée par les nombreuses images qu’une telle expérience a déjà engendrées – dans les plans de ce temps suspendu, l’image acquiert une autonomie, elle est en soi et pour soi le lieu d’une rencontre avec une figure qui est corps et émotion plus que personnage. Peu disert, Hakim Bellabes réalise une uvre expérimentale et donc inégale qui explore la façon dont transmettre un ressenti à travers l’image au-delà d’un récit qui ne ferait que le figer. Brouillant constamment la frontière entre fiction et documentaire, une distinction dont il ne cesse d’interroger la pertinence, il intègre des témoignages de candidats à l’émigration clandestine.
C’est Sur la planche de Leïla Kilani qui a remporté le Grand Prix de ce festival, une superbe fiction centrée sur deux jeunes filles, nouvellement arrivées à Tanger, qui ont trouvé du travail dans une usine de conditionnement de crevettes et qui se livrent à la délinquance en dehors. Comme le note Olivier Barlet qui en a très bien décrit la fulgurance, le film éradique tous les clichés cartes postales que l’on pourrait encore avoir sur Tanger. Cette fiction s’établit sur une opposition des couleurs et des distances : le blanc stérile de l’usine éclairée au néon, vaste espace capturé par un plan d’ensemble en légère plongée, écrase la masse des ouvrières et contraste avec la nuit tangéroise, celle des petites combines, du vol et de la prostitution. Filmée très serrée, caméra à l’épaule, la nuit rapproche de façon presque étouffante le spectateur de cette protagoniste, Badia incarnée par Soufia Issami remarquable, nous faisant ainsi toucher la pression intérieure sous laquelle elle agit. Prisonnière d’un système d’exploitation et d’elle-même, elle se savonne rageusement pour se débarrasser de l’odeur tenace des crevettes qu’elle compte frénétiquement, jour après jour, de l’odeur d’un lit qui n’est pas le sien, de l’odeur d’essence. Chaque nuit devient ainsi une lutte avec soi-même dans une course effrénée pour faire reculer coûte que coûte un horizon bouché. Une histoire forte et troublante de filles sans avenir qui le savent bien et qui pourtant foncent sans se retourner vers le précipice. Sur la planche ! Des héroïnes d’une dimension nouvelle qui sont d’autant plus tragiques qu’elles conservent une lucidité presque instinctive de leurs limites.
L’histoire, celle de la colonisation, de la décolonisation et de la condition postcoloniale et diasporique, était aussi au cur de cette édition. Si L’Enfant Cheikh de Hamid Bénani était très attendu, l’aura de l’auteur de Wachma (1970) planant sur cette réalisation, les rumeurs qui circulaient sur les difficultés de la production et du tournage du film, en particulier l’absence des scènes de combat faute de moyens, ont considérablement conditionné le regard porté sur celui-ci. Le récit est certes parcellaire, mais il pose néanmoins la question fondamentale du point de vue à partir duquel l’histoire se construit, et constitue une réflexion sur l’enjeu du pouvoir à travers une exploration des relations amoureuses et familiales dans le destin d’une communauté. Pourtant, la controverse risque d’enterrer le film si tant est que le film historique ait encore un public potentiel. Opérant en contrepoint, les inserts de documents d’archives n’ont été vus que palliant l’absence des scènes de combat. Mais ils rappellent également la façon dont les images qui construisent la mémoire officielle sont avant tout celles des forces colonisatrices tandis que les images lacunaires de cette histoire filmée du point de vue de la famille du Cheikh posent la question justement de l’enjeu d’un cinéma historique et patrimonial aujourd’hui. Dans quels termes produire des images de soi ? Étant donné les rapports des publics au cinéma d’action à grand spectacle, la fresque historique est-elle encore compatible avec un cinéma d’auteur à bas budget ? Sanaa Mouziane y est juste, et elle n’a, en outre, pas hésité à rétablir les termes du débat pendant la conférence de presse alors qu’Hamid Bénani avait été accusé de porter atteinte à l’histoire du Maroc et au cinéma marocain.
Déjà distribué sur les écrans en France où il a fait 170 000 entrées, Les Hommes libres d’Ismaël Ferroukhi, dans une belle mise en scène, reste un peu engoncé dans l’apprêt d’un film d’époque sur le Paris occupé, d’ailleurs très bien rendu. Évoquant la participation de travailleurs immigrés maghrébins en France à la lutte pour sauver des Juifs de la déportation, dans une intrigue située dans la mosquée de Paris – une enclave dont le Recteur doit sans cesse négocier l’autonomie – le scénario est centré sur la transformation d’un personnage incarné par Tahar Rahim qui, malgré sa détermination à rester en dehors d’un combat qui n’est pas le sien, se retrouve indicateur pour la police. Son regard taciturne s’éclaire furtivement, au contact de la réalité telle qu’il la saisit au fil de l’engagement de son cousin, de sa proximité grandissante avec le Recteur, d’une relation amoureuse naissante avec une militante, et de l’amitié qu’il développe pour un juif sépharade algérien dont l’amour pour la musique et la vie l’étonne, autant de destins qui l’obligent à sortir de lui-même. Une exploration du rapport entre un « ici » et « là-bas » dont la dimension n’est plus tant géographique que politique et morale.
Même s’il est une production largement québécoise plutôt que marocaine, Pour une Nouvelle Séville par Kathy Wazana, dont nous pourrions regretter le titre anglais plus évocateur They were promised the sea (On leur avait promis la mer), fut un des rares documentaires de cette sélection nationale. Poétique, accordant une importance à la musique comme lieu utopique de réconciliation possible entre les communautés divisées, ce long-métrage documente l’histoire, au fil de rencontres de la réalisatrice au Maroc, en Israël et aux États-Unis, du départ en masse des Juifs marocains vers Israël en 1963, une ambition qui nous renvoie bien sûr au film d’Hassan Benjelloun Où vas-tu Moshé ? (2006). À la différence du film, le documentaire explore la difficulté qu’ont encore aujourd’hui les communautés concernées à retrouver leurs racines et à s’intégrer dans une société israélienne qui ne leur a jamais accordé de vraie place. Un des enfants de cet exode dira d’ailleurs que la logique d’un tel déplacement de population était mathématique, remplacer les Palestiniens qui avaient été repoussés au-delà des frontières de ce nouvel état par les Juifs du Maroc. Dans un cadre historique largement fondé sur la contribution de Simon Levy, Directeur du Musée du Judaïsme à Casablanca, décédé récemment, à qui le film est d’ailleurs dédié, ce documentaire explore le sens qu’ont des individus de leur héritage et de leur culture. S’attachant à quelques personnages, en particulier Shira Ohayon qui milite pour un État binational en Israël, la caméra saisit en quelques plans l’écart entre la vigueur un discours politique et intellectuel porté avec conviction et l’expérience déconcertante que représente le Maroc dont elle avait tant rêvé. Tissant le ressenti de quelques subjectivités, le documentaire s’expose aux critiques, pourquoi avoir choisi un témoin de cette histoire plus qu’un autre ? Au-delà des positionnements politiques des uns et des autres, le documentaire est à son plus fort lorsqu’il rend compte des expériences intimes qui ne peuvent s’accommoder des catégories habituelles de la construction d’une réalité politique
Le Festival fut aussi l’occasion rare de voir quelques démarches tout à fait singulières
Au carrefour de l’histoire et de l’expérimental, Regarde le roi dans la lune de Nabyl Lahlou traite de la répression des artistes à travers la figure d’un créateur torturé Fettah Aberkane, qui rêve le film qu’il aurait aimé faire alors qu’il agonise. Dans un tourbillon de tableaux soignés, parfois dans des décors étonnants, qui couvrent presque un siècle d’histoire, Lahlou recourt à la fiction dans la fiction, une mise en abyme au symbolisme puissant qui étonne autant qu’elle écrase les figures par une bande-son qui hurle aux oreilles des spectateurs le parti pris de la liberté de la création. « Le théâtre est un combat, le cinéma est un combat
». Le public fut ainsi maintenu pendant 118 minutes à une distance très brechtienne. Tout en comprenant la force du message dans le contexte des révolutions qui traversent le monde arabe actuellement, promouvoir le rôle de l’artiste, de l’individu dans la lutte politique à travers des tableaux faisant appel à une construction largement symbolique est un défi très honorable autant que risqué. Démarche qui relève de la modernité, celle d’un spectateur actif et engagé, Lahlou choisit de faire aujourd’hui un film ignorant les termes de la mobilisation possible des publics par le cinéma.
Inclassable par rapport à l’ensemble des productions montrées au festival, la démarche de Lahcen Zinoun reste également isolée. Après La Beauté éparpillée, histoire d’une esclave à qui son maître décide d’enseigner la musique, Femme écrite, est une enquête policière sur le meurtre d’Adjou, la maîtresse d’un anthropologue alors qu’il fait des recherches sur Mririda, une prostituée poète à laquelle Adjou ressemblait étrangement. uvre poétique difficile, structurée en cinq chapitres, et un épilogue, Femme écrite explore le rapport libre d’une femme à son corps dans une relation amoureuse dont elle impose les termes. Avec ses tatouages, Mririda porte sur elle l’écrit du chemin au plaisir. Parant aux questions et critiques sur la représentation du corps nu et sur le fait que le tatouage n’est pas une langue, Lahcen Zinoun, lors de la conférence de presse, a ancré son cheminement dans l’autobiographique. « Quand j’étais enfant, j’ai vu ma mère se tatouer, je ne comprenais pas pourquoi, j’ai vu ma tante ôter ses tatouages
je ne comprenais pas pourquoi ». Resituant le rapport des êtres à l’histoire dans un rapport au corps, il présente le tatouage comme le lieu d’une réflexion pour les peuples dont la mémoire n’est pas écrite. Ce film lent construit autour d’une série de tableaux sur la représentation du corps, du désir et de la passion amoureuse à l’image – à travers lesquels transparaît l’importance qu’attache Lahcen Zinoun à la danse – se perd à certains moments dans le dédale d’une enquête policière et dans l’auto-référentialité confuse du film dans le film. À ce titre, il paraît étonnant qu’on récompense un tel film pour le scénario alors même que sa recherche tient bien davantage à la mise en scène, au jeu des personnages, à la composition de l’image, à la lumière
Ce sont au contraire les tropes de l’enquête policière et du film dans le film qui réinscrivent dans une vision genrée conventionnelle du dispositif cinématographique, la convergence du regard des hommes sur une femme dont l’énigme est son corps, une énigme à élucider ou à éliminer, Mririda et Adjou, et dont la liberté est ainsi contenue.
Nous avons déjà mentionné les films de Kathy Wazana qui s’attache à l’histoire et de Leïla Kilani. Figure familière du cinéma marocain, auteur de trois longs-métrages et de téléfilms, Narjiss Nejjar présentait L’Amante du Rif, une réécriture cinématographique du mythe de Carmen, le cheminement d’une femme que la passion amoureuse pour un homme du milieu, conduit à la prostitution, à la drogue et à la prison. Se détournant d’un réalisme social, ce film est bien davantage celui du jeu dans un récit tragique aux couleurs vives, celui d’une femme qui, dans la poursuite du rêve d’un grand amour, choisit de s’enchaîner à une attirance. Les personnages de la mère surtout, Nadia Niazi, Prix du meilleur second rôle féminin, surprennent, celui de l’héroïne, Nadia Kounda, et de son frère, Fahd Benchemsi encore, sont justes. Les scènes dans la cour de la prison sont une évocation d’un univers féminin dur mais solidaire. Dans la recherche d’une voix qui ne soit pas tracée, la métaphore de Carmen pèse trop lourdement sur le récit et enferre les personnages dans une histoire qu’ils auraient sans doute pu dépasser. S’écartant résolument de certains stéréotypes sur l’émancipation des femmes, la protagoniste revendique un désir. Est-il aliénation ou liberté totale ? Enfin, Khadija Leclère présentait son premier long-métrage, Le Sac de farine, une uvre plus classique centrée sur une orpheline élevée chez les surs en France, ramenée de force au pays par son père qui l’y laisse alors que la résistance locale à l’Armée française s’organise dans ce village reculé. La représentation de la guerre d’indépendance demeure un arrière-plan flou à un récit d’éducation, celui de l’adaptation permanente de la fillette qui devient adulte à son environnement, tiraillée entre les codes liés à sa première éducation et ceux d’une communauté qui devient la sienne sans le devenir jamais vraiment. À travers les uvres présentées ici, les protagonistes des films réalisés par des femmes sont des femmes dans des films qui tournent le dos à un cinéma social. Si Le Sac de farine s’en rapprocherait davantage, le film est l’histoire d’une migration forcée, celle d’une fillette éduquée devenue adulte qui ne trouve pas vraiment sa place dans sa famille alors même que son éducation lui permet de sortir la famille du besoin par le travail des femmes.
La comédie est un ressort important du cinéma marocain, Elle est diabétique, hypertendue et refuse de crever de Hakim Noury (2000) et sa suite furent de gros succès populaires. Un tel ressort s’essouffle dans les gags usés d’Un Marocain à Paris de Saïd Naciri, qui pourtant offrait un beau sujet. Le jour où il est né, la lumière s’est éteinte par Mohamed Karrat, qui a déjà trouvé la faveur du public en salles au Maroc, représente une forme plus nouvelle de la comédie à travers la construction de personnages loufoques campés d’entrée dans un monde doucement drôle répondant à ses propres logiques, ici celles d’un monde vu à travers des verres de lunettes épais et déformants. Né du coup de foudre entre un homme et une femme très myopes et tous deux plus intéressés par les nouvelles technologies que par le bonheur d’un quotidien domestique, le bambin livré à lui-même crée le chaos et se retrouve vite orphelin. Le récit du film dérive ensuite vers le dédoublement de personnalité du protagoniste entre un surmoi brillant et parfaitement intégré au monde professionnel et qui a réussi au sacrifice de sa vie personnelle, tandis que son alter ego ne cesse d’interférer et de compromettre l’ordre établi
Le film perd vite de sa drôlerie : si l’idée que le « ça » et le « surmoi » doivent parvenir à cohabiter dans un moi réconcilié avec lui-même, l’ordre social et sexué qui est rudoyé, n’est pas clairement défini. Un tel film montre bien la porosité du cinéma aux recettes de l’audiovisuel. Lors de la conférence de presse, Mohamed Karrat qui considère qu’un film doit répondre aux attentes du public, a indiqué avoir fondé cette réalisation sur une étude de marché, son but étant de séduire les enfants prescripteurs et d’attirer des familles dans les salles.
Les courts-métrages permettent une incursion largement spéculative dans le devenir du cinéma, puisqu’ils sont le moyen de pressentir le vivier d’où sortiront les futurs cinéastes, techniciens et acteurs. Si les mutations technologique, culturelle et économique en cours nous laissent augurer que nous sommes à un tournant de l’histoire du cinéma, et que donc la culture qui avait contribué à son développement doit être repensée, à quelques exceptions près, la sélection présentée à Tanger manque de souffle. Déjà montré dans des festivals, le très fort Sur la route du paradis d’Uda Benyamina, Grand Prix du court-métrage, fait partie des exceptions. Servi par une excellente distribution, il nous amène dans le quotidien des sans papiers, une mère, ses deux enfants et une amie trans, échoués dans un bidonville en France et qui tentent de passer en Grande-Bretagne. Le regard de la fillette sur la déchéance progressive de la famille donne une vraie force à ce film social dont la réalisatrice indiquait que sa motivation première avait toujours été l’injustice. Les belles images de Mokhtar d’Halima Ouardiri séduisent dans la façon qu’elles ont de capter le rapport d’un enfant à l’ordre familial et à l’ordre social à travers son attachement à une chouette blessée. S’attachant à l’apprentissage de l’enfant par le deuil, le récit confère à cette histoire une dimension intemporelle, contournant ainsi le piège de l’exotisme d’une tradition oppressante et superstitieuse. L’étrange En héritage de Réda Mustafa relève aussi de l’écriture cinématographique. Le récit de cet héritage que transmet un père à son fils absent, reste assez elliptique et la véritable motivation d’un tel acte demeure floue. La représentation du docteur au petit-déjeuner face à une figure de femme, qui emprunte presque à l’esthétique du jeu vidéo, contraste avec les autres personnages et contribue à créer un monde étrange dans lequel les personnages, enfermés dans la bulle de leurs propres préoccupations, ne se rencontrent pas. De la même façon, La Main gauche de Fadil Chouika est un film sensible sur une longue série de brimades et de corrections infligées par les figures éducatives à un enfant gaucher dans un ordre social qui ne laisse aucun espace à la différence. Le rapport de la caméra au regard sombre et déterminé de l’enfant compte pour beaucoup dans la réussite de ce film, même si l’attentat amène ensuite le film vers une chute assez pesante. Trente secondes, premier court-métrage de Galia Qissi, narre avec une force un peu maladroite le passage à l’au-delà d’un jeune persuadé d’avoir accompli sa mission. Les Murmures des cimes de Cherqui Ameur, un des rares documentaires de cette sélection. Les témoignages forts des poètes rassemblés nous laissent entrevoir de belles visions du monde, qui en l’absence de toute contextualisation demeurent inaccessibles à un public plus large. À noter également, l’univers étrange d’Hicham Lasri dans Androïd une sorte de collage tiré tout droit de la collusion entre la réalité, plus exactement la matérialité et le virtuel, un monde qui emprunte à l’esthétique de la science-fiction et de la Série B.
Le silence des acteurs, pourtant présents aux conférences de presse contribue à ancrer fermement les films dans la vision que des réalisateurs ont du cinéma, une conception résolument auteuriste et idéalisée du cinéma. Il semble pourtant dommage de ne pas accorder une attention plus grande à ces derniers qui sont un des grands atouts du cinéma marocain. Des présences fortes à l’écran telles que celles de Soufia Issami dans Sur la planche, de Majdouline Idrissi dans Sur la route du paradis, de Jalila Tlemsi dans Androman
de sang et de charbon qui d’ailleurs a remporté le prix d’interprétation féminine, etc., constituent des moments forts de ce festival. Ces quelques exemples ne constituent pas une liste exhaustive d’autant que l’ensemble des acteurs peuvent contribuer à la réussite d’une mise en scène, comme dans Mort à Vendre par exemple. Ce manque d’attention est aussi accentué par les divers regards portés sur les films lorsque ceux-ci circulent au-delà des frontières. À l’étranger, les publics n’ont le plus souvent accès qu’à un nombre très limité de films, beaucoup trop peu pour repérer des acteurs ou pour saisir les fertilisations croisées entre le théâtre, la musique, le cinéma ou la télévision. En outre, les questionnements privilégiés étant liés le plus souvent aux cultures représentées, l’histoire des formes, les questions ayant trait à la formation des acteurs et à leur jeu passent le plus souvent à la trappe.
Le cinéma marocain est en pleine expansion, on peut voir aujourd’hui le résultat d’un volontarisme qui quantitativement et qualitativement a, d’une certaine manière, porté ses fruits. Reste des sujets d’inquiétude, l’érosion du box-office même si les multiplexes ont permis d’endiguer partiellement la chute du nombre des spectateurs en maintenant une offre diversifiée, mais chère et donc élitiste. L’exploitation avec, entre autres, le projet d’ouverture d’un multiplexe à Rabat constituera justement, selon Tarik Khalami, chef de la Division Promotion et Coopération au CCM, un des prochains chantiers du CCM. Autre étonnement, malgré une volonté de renouveau stylistique et thématique, une sélection de courts-métrages peu enthousiasmante, si ce ne sont quelques films dont la force ne s’accommode guère d’une certaine fadeur.
Reste aussi un point aveugle ! Le survol de toute la production met en évidence la récurrence de thématiques déjà explorées les années précédentes, l’émigration clandestine, le mal-être social et économique, l’absence de perspective d’êtres livrés à eux-mêmes et face à un mur ! Un cinéma politique, tout entier traversé par la conscience de cette impasse. Devenons-nous en déduire qu’en l’absence de tout autre horizon, il ne reste que l’exploration des formes filmiques pour rendre compte de ce mal-être ? Si d’un côté, un spectateur pose la question à Lahcen Zinoun de la nécessité ou non d’un cinéma de recherche – Pour qui ? Pourquoi ? – lorsque le cinéma marocain « ne compte que 45 salles », la communauté rassemblée pour cette manifestation symbolique importante était implicitement unanime pour défendre la liberté des créateurs. Sans vouloir rapporter ce constat à la distinction structurante et trop réductrice culture populaire contre culture d’élite, les démarches présentées ici révèlent des cheminements très différents. D’une part, une approche plus consensuelle réinscrit les dimensions économiques, sociale et intime de l’impasse dans des trames narratives du cinéma accessibles à un large public. Des cinéastes tentent ainsi de reformuler les questions à partir du cinéma, puisant dans des formes filmiques et culturelles pour des résolutions qui passent par la réappropriation de mythes, L’Amante du Rif emprunte à la mythologie populaire, ou par des tropes du cinéma de genre. Les symboles les plus forts en sont sans doute le consensus qui entoure quelques cavernes de Platon, le paradis espagnol, camp de fortune dans une crique isolée créée de toutes pièces dans lequel tout est contrefaçon d’Andalousie mon amour, ou le cortège d’un mariage dans une décapotable rouge des Mains rudes ! Le recours à la comédie tend à suggérer que pour les êtres enfermés dans des situations sans issue, il ne reste pour survivre que la croyance en des paradis factices qu’ils se sont eux-mêmes créés ! D’autre part, des approches exploratoires fondées sur l’autonomie de l’art avec de fortes exigences vis-à-vis des spectateurs, sont résolument ancrées dans une conception du cinéma issue de la modernité. Sans doute est-il encore trop tôt pour entrevoir au cinéma la façon dont les mouvements populaires sous différentes formes et dans différents lieux vont affecter ou non la façon dont les individus imaginent leur rapport au groupe, le sens qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur capacité d’agir et donc leur rapport au cinéma. À ce titre, le festival nous a laissés entrevoir certaines pistes, Mort à vendre traduit ainsi une impasse sociale en tragédie dont les termes sont filmiques tandis que Rêves ardents déplace la focale vers d’autres dimensions de l’humain. Le Grand Prix attribué à Sur la Planche récompense certainement l’une des voies les plus abouties, celle des formes qui font corps avec le mal-être, nous permettant ainsi de saisir l’irréversibilité d’une chute !
1. Ce compte-rendu n’intègre pas les quatre premières projections auxquelles nous n’avons pas assisté.
2. Une expression tirée d’un entretien avec Fawzi Bensaidi et reprise dans de nombreux textes promotionnels.///Article N° : 10619