Le Mariage d’Alex

De Jean-Marie Teno

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Le prêtre convoqué hors de l’Eglise (puisqu’il s’agit de polygamie en milieu catholique) prévient les deux femmes et l’homme dont la vie s’unit par le mariage : « Vous êtes appelés à conjuguer ce verbe : supporter »… C’est bien à une comédie dramatique qu’il nous est donné d’assister et elle laisse en définitive au spectateur une profonde tristesse. Coutume et fausses-apparences concourent à l’unisson à faire considérer cette alliance explosive comme une bonne chose. Mais si l’homme est a priori gagnant, il doit en fait partager les frustrations de chacune de ses épouses. Car le coup est dur pour Elise, la première épouse : « Comment peut-on avaler tout en voulant vomir ? » lâche-t-elle. Et Joséphine, la seconde, devra elle aussi tenir compte d’un équilibre impossible.
Teno retrouve ici son regard scrutateur et cette juste distance où il s’implique par son commentaire mais sait se faire spectateur et témoin d’un processus qu’il lui est donné de saisir sans qu’il l’ait organisé. Comme dans Chef ! ou Voyage au pays, il attrape la réalité au vol, agrippe la chance qui le fait témoin comme un reporter sait déclencher sa caméra quand il flaire le sujet.
En vieux militant, il s’intéresse aux structures d’intérêt, aux règles socio-économiques : dans l’ouest du Cameroun, les femmes ne possèdent pas la terre et ne deviennent copropriétaires qu’en se mariant. Même et surtout en polygamie, on ne se marie pas par amour mais pour acquérir un titre foncier, une assurance-vie. La deuxième épouse modifie le rapport de force et redonne du pouvoir à la mère d’Alex, appelée à arbitrer et régir.
Parti d’une simple invitation à filmer le mariage d’un ami, Teno construit ainsi un véritable réquisitoire contre l’hypocrisie et l’inégalité entre hommes et femme. D’une simple anecdote en pays bamiléké, son film devient ainsi une passionnante et édifiante initiation.

2002, tourné en DV Cam, coul., 45 min, France/Cameroun, VOST français, 35 mm. Prod. Les Films du Raphia.///Article N° : 2737

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