Le phénomène Odoutan

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Barbecue Pejo (Africultures 24), Djib (Afr. 32), Mama Aloko (Afr. 44, avec un entretien), bientôt La valse des gros derrières : il fait des longs métrages avec des budgets de courts métrages mais à la chaîne, un ou deux par an !

Alors que tous les cinéastes africains peinent des années à produire leur film, il a le culot nécessaire pour sortir des films mal fagotés mais pleins de vie qui ont fini par séduire une certaine critique : Libération et même les Cahiers du Cinéma louangent ce réalisateur béninois pour sa gouaille et sa vivacité toute banlieusarde. De l’énergie, il en a à revendre : dans la vie comme dans ses films, il distribue à tous vents ses prospectus, fait la retape aux terrasses des bistrots, est présent partout. Seul il ne serait rien mais voilà : le gang Odoutan est comme la bande Guédigian, un cercle d’amis fidèles qui se donnent à fond pour que les films existent, sans doute sans grands salaires. Cette bande métissée s’est adjointe une actrice remarquable, Laurentine Milebo, qui puise dans son passé d’animatrice de veillées funéraires et de théâtre improvisé à Pointe Noire une bonne dose de présence et d’épaisseur humaine. Lui-même acteur étonnant quand il ne force pas trop sur le burlesque, il émeut par son côté mi-tendre mi-grincheux et par des répliques taillées au couteau.
C’est sa propre histoire qu’il nous conte à sa manière, celle d’un enfant de la DASS qui a dû batailler dans les banlieues de Paris. C’est cet aspect village qui touche, ce petit théâtre où chacun crie plus fort que l’autre en des disputes répétées, des frustrations, des réconciliations. Même, l’improvisation voire l’amateurisme qui suinte à l’écran finit par fonctionner. On passe sur la scène ratée qui ne pouvait être recommencée faute de moyens et on s’accroche à la suivante, car ces films sont construits comme un enchaînement de saynètes imposant un rythme effréné. De ce flot émergent parfois des images superbes alors que la caméra reste étonnamment statique sur d’autres.
Les personnages secondaires sont terriblement stéréotypés mais nous en avons l’habitude avec la télé, et c’est peut-être ça qui fait la force d’Odoutan : c’est notre petite France qui apparaît, comme encadrée dans le petit écran, cette France métisse qui ne dit pas son nom mais qui transparaît comme telle quand on veut bien la voir en face. C’est comme une révélation : enfin des images de chez nous alors que la télé nous raconte des salades bien blanches et bien proprettes.
L’humour est permanent et pourtant on ne rit pas car les situations sont tragiques et extrêmes. On reste scotché, autant fasciné qu’agacé, car ce cinéma est plus sérieux qu’il n’en a l’air et Odoutan plus doué qu’il ne laisse croire.

///Article N° : 2074

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