Le romancier et nouvelliste comorien Aboubacar Said Salim, témoin d’une génération

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Membre du collectif Djando la Waandzishi, le poète Anssoufouddine Mohamed partage sa réflexion autour de trois textes consacrés du romancier et nouvelliste comorien Aboubacar Said Salim, La révolte des voyelles, Et la graine et Le Bal des mercenaires. L’occasion pour lui de revenir sur une histoire peu écrite du mouvement de gauche né en janvier 1968 sur l’archipel des îles Comores.

A la fin des années 60, les jeunes issus des quatre îles de l’Archipel des Comores devaient se retrouver inévitablement pour leur second cycle au Lycée Saïd Mohamed Cheik de Moroni, alors seul établissement de l’archipel. A ce point de rencontre se ravivaient des liens censément tissés au hasard de mots séculairement ourdis ensemble, au hasard du souvenir en laisse et des acquis en partage. Une conscience se faisait alors jour…
Janvier 1968, un aéronef s’écrasait aux abords du lycée. Fondamentalement mus d’un même élan, les jeunes lycéens se jetaient au secours des sinistrés. Mais c’était sans compter le dédain de l’autorité coloniale en place, qui qualifia ces jeunes, sans autre forme de procès, de pilleurs et de vandales. Le sursaut des élèves fut unanime : plus d’égard et plus de courtoisie à l’endroit des Comoriens ! Très vite, le mouvement gagna en revendications. Le colon fut hélé aux cris de « Mkolo nalawe ! Mkolo nalawe » ! (1) L’Archipel se secouait ainsi de sa longue léthargie. Emportement d’une jeunesse résolument casse-cou, sortir de la profonde nuit féodo-bourgeoise devint subitement chose envisageable. Près de cent trente années de domination française chancelèrent.
Césure radicale. Emergence d’une nouvelle génération. Bacheliers, ces jeunes débarquèrent en France pour leurs études. L’Association des Stagiaires et Etudiants des Comores (ASEC), qui y évoluait, fut détournée de sa fonction corporatiste. L’association s’inventa un contenu plus que jamais militant, politique. L’étendard du marxisme brandi à tous les vents, maoïsme en pôle position, entre autres choses.
Une dizaine d’années après, à coup de dialectique contrefaite et de phraséologie ingurgités de travers, au loin de l’archipel, là-bas, dans quelque morne cité universitaire d’Anthony, les camarades considérèrent avoir amassé science et pugnacité pour rebâtir le pays.
De retour dans l’arène des réalités comoriennes en 1982, ils implantèrent un parti sur tout l’archipel, y compris Mayotte. Les idées nouvelles semblaient particulièrement prendre dans le milieu des jeunes et dans les zones de grande misère comme la région de Koni et Nioumakelé. Leur cheval de bataille fut désigné, à savoir combattre les putschs gangrenant le jeune Etat, ébranler le régime Abdallah, fondé sur un féodalisme suranné, et résister contre le mercenariat.
Ironie de l’histoire, le Front Démocratique, nom dudit parti, est accusé de coup d’Etat en 1985, la majeure partie de ses membres incarcérée. A leur sortie de prison, ce sera la débandade. Virage absolu des anciens militants, revirement ahurissant. Désormais, c’est en chien de faïence que se regarderont les camarades d’hier. Des masses paysannes en qui l’on avait fait miroiter le mythe du Grand soir seront plus tard abandonnées par ces jeunes élites, laissées en rade sans jamais avoir compris ce qui s’était réellement passé.
Seul vestige de ce glorieux passé, le silence, pour ne pas dire le mutisme, comme si le reptile d’un secret collectif contorsionnait les langues. Aujourd’hui, des pans de nébulosité absolue obscurcissent encore l’histoire de ce mouvement.
Dire l’histoire d’une génération : la fiction comme paravent
Aboubacar Saïd Salim, auteur-pionnier de la littérature comorienne d’expression française, est un produit de cette génération. Ses deux longs textes publiés à ce jour, Et la graine, ainsi que Le bal des mercenaires, deux romans, recèlent bien l’intime stigmate du militantisme. Tous les deux ont été écrits en milieu carcéral, le premier texte en 1983 et le second en 1985.
Orpheline parole se cherchant interstice sur les étendues désertées du rêve, Aboubacar Said Salim n’ambitionne pas d’y faire l’autopsie d’un chantier abandonné à la sauvette. Au contraire, au milieu d’une nomenklatura déchue retranchée dans sa chape de plomb, d’une clique de camarades désabusés n’ayant plus d’autres balises que l’ultime giron d’une schizophrénie collective, Aboubacar Said Salim évoque du haut de sa fabulation les amas de matériaux lourds à porter par nos mémoires. C’est déjà une audace que d’écrire quand la mémoire est vécue comme un secret à auto-entretenir.
Quelle réponse à l’énigme laissée par cette génération faut-il d’ailleurs espérer d’un auteur de fiction, quand ce dernier inscrit son travail de création au-delà du simple rôle de communiquer, de dévoiler et de dénoncer. Le langage étant sa matière première, toute son entreprise n’est-elle pas de réinventer son monde avec des mots, de lui insuffler son ordre propre et sa logique propre. Même si ses textes se construisent autour d’événements politiques majeurs ayant singulièrement marqué cette génération, l’auteur se préserve sa liberté de créateur, emmêlant le frivole, l’amour, la digression, la fable et la dérision. Parfois ne persiste d’ailleurs qu’un écho fantasmé de l’élément sociopolitique. Il en est ainsi de ces deux amants militants de gauche, Massik, un Comorien, et France, une Française, dont les ébats charnels se transmuent en une conclusion violente du différend colonial :
« – Sale blanche prend ça ! Je vais te faire mal, je vais me venger, venger mon oncle ! Allez attrape salope.
France éprouvait de plus en plus de plaisir. Les paroles débridées de son amant et la fougue brutale de ses coups de reins, réveillaient en elle des fantasmes et des sensations jusque-là inconnus.
– Oui mon amour venge-toi contre la salope de colonialiste, frappe-moi, défonce-moi, détruis-moi. Je suis ton occident colonisateur. Venge-toi, je suis France, la France, ta France. (2) »
C’est en ce sens que dans Le Bal des mercenaires, roman d’une veine indubitablement politique, l’auteur prend ses aises avec la fabulation, promenant le lecteur au gré d’une ordinaire et banale histoire d’amour entre deux jeunes gens, Miloude et Mkaya. Et c’est par cet effet boule de neige qu’autorise si bien la fiction que sont venues s’engranger à cette intrigue de vieilles histoires claniques entre pécheurs et cultivateurs d’un paisible village comorien.
Les éléments organisés s’articulent et participent de ce qu’il y a de varié et disparate dans une vie. S’il est vrai que l’évocation du politique est récurrente, elle ne semble pas répondre d’une simple compulsion, mais semble plutôt dériver des contingences d’une vie. L’itinéraire de Miloude est d’abord celle d’une vie improvisée, riche en péripéties. Victime d’une histoire d’amour, contraint à l’exode rural, tour à tour boy, chômeur, garde présidentiel, ses yeux vont s’ouvrir sur les réalités renversantes de son pays. Il y versera son sang. En bon révolutionnaire.
Séparé de sa bien-aimée, Mkaya. L’amour presqu’idéal que lui voue cette dernière paraît antinomique au parcours de militaire et de révolutionnaire que s’est désormais imposé le jeune amant. Quand bien même, les va-et-vient et les rebondissements entre les deux histoires semblent bien couler de la même source. Le roman réussit dans sa texture, un alliage bien homogène entre les deux destins, et le réel atteint sa magnificence, quand en plein deuil des scènes surnaturelles font leur incursion. La défense de la terre se trouve ainsi élevée à toute sa sublimation. C’est en bienheureux que Miloude, tombé sous l’ire des mercenaires, rencontre sa bien-aimée dans l’au-delà. Ce dénouement est vibrant, résonne comme un hymne à la terre :
« Deux jours après le fameux procès, la nouvelle des « fuites », notamment celle de Miloude se répandit comme une traînée de poudre dans tout le pays jusqu’à Mibani. Père Mlimi et Mère Mariamou, qui avaient comme un pressentiment, ne versèrent aucune larme et portèrent dignement un deuil sans dépouille mortelle ni sépulture.(…)
Le lendemain, Mkaya se prépara à aller faire son marché. Elle mit sa belle robe de soie verte et son leso sur lequel était marqué « Mahaba mwezi kautso » : l’amour est une lune qui ne se couche jamais. Sur le sentier qui menait vers le marché de Mibani, elle crut apercevoir Miloude qui tournait dans une ruelle, elle se précipita vers cette vision en courant. Arrivée à l’angle de la rue, elle eut juste le temps d’entrevoir Miloude monter dans une voiture. Elle héla :’ Miloude !Miloude !’ Les gens dans la rue regardaient la belle jeune femme courir comme une forcenée derrière le vide et appeler Miloude que personne pourtant ne voyait. (…)
Au village de Mibani personne ne pouvant expliquer la disparition de Mkaya, on conclut qu’elle était enlevée par des djinns.
Six mois plus tard, à la suite d’un cyclone particulièrement violent, deux corps conservés miraculeusement intacts, furent repêchés sur la plage de Malé, à quelques kilomètres de Mibani. L’homme avait encore l’uniforme noir de la Garde Présidentielle et la femme, une robe verte en soie avec des roses rouges en surimpression. » (3)
Dans ce tout que constitue le roman, le fait politique vient se glisser comme par inadvertance. L’enrôlement de Miloude à la cause politique est à peine suggéré, lors d’une fortuite rencontre avec Bakari dans une partie de mshakiki/ brochettes. Cela se sent, même dans la fiction, l’auteur a du mal à se déprendre des réflexes archaïques du révolutionnaire, cultive le secret.
Fait historique non-répertorié, avec quelle marge l’auteur de fiction peut-il le magnifier?
L’influence de cette génération révoltée dans l’histoire récente de l’archipel des Comores est d’une ampleur incontestable. Elle fut la première depuis très longtemps à décrypter le monde en devenir, à nourrir une espérance de mieux-vivre, à poser une dialectique sur l’enjeu d’une transformation sociale ; la première à s’inscrire à contre-courant de la pensée ambiante, incarnée par les toges de notables et les ambitions mesurées d’une élite formatée au service du pouvoir colonial. (4)
La responsabilité de cette génération dans le démembrement actuel du pays n’est pas à négliger, non plus. Mais pour avoir partagé un destin commun au lycée Said Mohamed Cheikh, puis à l’extérieur, ces jeunes issus des quatre îles de l’archipel ont eu l’occasion de se percevoir comme semblables et de se dire clairement comoriens, d’élaborer un discours politique sur la réalité comorienne. Laminés par la dictature d’Abdallah, ces intellectuels se rabattront sur des ambitions de pouvoir plus personnelles, des années plus tard. Ils incarnent les rendez-vous manqués, aujourd’hui. Une occasion perdue (5). Depuis cette débâcle accusée dans les rangs de cette génération, il y a trente ans maintenant, le seul élément historiographique venu rompre le silence est le livre d’Ahmed OULEDI : l’Association des Stagiaires et Etudiants Des Comores (ASEC), rêves et illusions d’une génération, sorti en 2012.
Comment donc l’auteur de fiction, dans sa fonction de fabulateur et de manieur de mots, doit-il mettre en images, un fond mémoriel précaire, sujet à questionnement, perçu au jour d’aujourd’hui comme d’un grand déterminisme dans l’histoire d’un pays entier ? Sans tenir en bride ses bouffées productives, l’invention et la fantaisie étant omniprésentes dans ses textes, Aboubacar Saïd Salim a su prendre le risque d’une transfiguration outrancière du réel, d’une transfiguration du fait historique. Les pistes entre la réalité et la fiction sont à peine brouillées. Les patronymes, les prénoms et les toponymes, s’ils ne sont pas préservés de toute altération, deviennent emmêlement de lettres et de sonorités invraisemblables, faisant écho à des personnes et des lieux ayant réellement existé. Ainsi les villes de Moroni, Domoni, Sima deviendront Niorm, Onidom et Smia. L’AEK, Association des Etudiants des Kavu désignera l’ASEC, Association des Stagiaires et Etudiants des Comores. Le Congrès Démocratique (CD) désignera le Front Démocratique dans le récit, le camp de Kodoni correspondra à Kandani, chef-lieu connu des mercenaires. Des noms comme Moustoifa Si Cheikh, Jaffar Marcellie retrouvés dans Et la graine…, tout comme le ministre Zibam, le directeur de l’aviation civile, Said Ganelon Kashkash, le lieutenant Bicom, le procureur DIRHAM dans Le bal des mercenaires, font écho à des personnages réels, ayant existé dans la vraie vie.
La représentation des lieux, la description des événements, les références aux valeurs originelles, sont par leur réalisme de véritables arrêts sur images ou des fresques hantées par le souci de figer une réalité fuyante, souvent peu nommée ou mal nommée par la géographie, l’histoire et l’ethnographie.
Pour contrebalancer cette obsession de l’histoire, dans Le Bal des mercenaires, le romancier déjoue les pièges sous-tendus par un ressassement compulsif du factuel. En enchâssant l’occurrence amoureuse à l’événement politique, en enjolivant la bêtise des « anges », ainsi que les noces politiques à profusion. Il trouve là des prétextes donnant libre cours à son imagination, alors qu’y surgit une esthétique de la bêtise humaine.
Quand la fiction participe du biffage de mémoire
Malheureusement s’estompe cette conscience historique sur des questions aussi tendues que les accusations faites contre les « porte-drapeaux » du mouvement. Le pacte fictionnel n’a pas su imposer une vision détachée, par la magie de la création, suggérant les choses plutôt que d’avoir à les dire. Le pacte est vite rompu. Et la fiction se rabat sur des évidences sujettes à caution. Il en est ainsi du recours au putsch par les ‘’chefs » pour accéder au pouvoir. Ce réquisitoire, jamais admis par la classe dirigeante du mouvement, constitue, au jour d’aujourd’hui, l’un des points de discorde et de dispersion de toute une génération. La narration, plutôt que d’ouvrir les possibilités sur cette question, y compris en relayant la voix des masses paysannes abusées, s’est rabattue sur une version assez partisane des faits. La littéralisation du fait historique, surtout quand celui-ci n’est ni authentifié, ni compilé, est d’autant plus périlleuse pour l’auteur qu’il participe du biffage de mémoire. C’est bien le cas dans Le bal des mercenaires, lorsque l’auteur fait le choix de reproduire les thèses de l’élite militante, à savoir entre autres, ne jamais reconnaître, ni assumer l’existence d’un bras armé du mouvement ou l’infiltration de la Garde Présidentielle, alors au pouvoir :
« Capitaine, vous savez sans doute que le Congrès Démocratique n’est pas pour les complots, mais la lutte politique ouverte et démocratique. Il n’a rien à voir avec la mutinerie du 8 mars dans votre camp. » (6)
Le texte offre à constater qu’en aucun moment les militants ne reconnaissent, ni leur existence en tant qu’acteurs politiques, ni leur appartenance au mouvement communiste, le MCMLK. Une tendance quasi maladive à ne pas assumer les choix politiques engagés, encore bien en cours de nos jours, dans la vraie vie, trente années après les événements.
Quand le texte est indissociable du contexte
Le projet littéraire d’Aboubacar Saïd Salim est sans doute hanté par cette utopie sociopolitique, qui a galvanisé une génération entière et qui a fait revivre l’idée d’espérance en un pays. A l’heure des conformismes et autre panurgismes érigés en valeurs nationales, lire Aboubacar Saïd Salim, c’est aussi voyager dans les valeurs émancipatrices qui ont animé l’archipel des Comores deux décennies durant, des années 1970 aux années 1980. Et la graine, quant à lui, est une belle représentation d’un pays uni, où les jeunes de quelque île qu’ils proviennent, à l’unisson avec le peuple, aspirent à l’indépendance. Il est frappant de voir, en lieu et place de la déchéance actuelle, comment des adolescents, idéologiquement et politiquement indifférenciés, organisent des cours de soutiens entre eux, se réfugient dans la forêt, pour déjouer les manigances du colon en place.
En France, ces jeunes, en plein endoctrinement, se reconnaissent de fait dans les grands rassemblements de gauche :
« A l’occasion d’une manifestation unitaire contre la guerre du Vietnam, France fit la connaissance de Massik dont elle avait étudié à l’avance le caractère et suivi les agissements par le biais d’un militant trotskiste infiltré dans la FEANF. » (7)
Dans Le bal des mercenaires, il transparaît entre les lignes l’idée d’un mouvement maîtrisant la technique des luttes révolutionnaires, avec un système d’organisation extrêmement hiérarchisé sur le mode pyramidal. Le Congrès Démocratique (CD) constitue ce que l’on pourrait considérer comme la base, et le MCMLK, une forme de nomenklatura surprotégée réduite à une dizaine de membres.
Le mouvement a aussi ses doctrinaires inébranlables dans leur prétendue dialectique savante :
« Le camarade (TAWA) était un vrai mythe vivant qui symbolisait l’opposition intrinsèque à tout pouvoir (…) tel un saint au-dessus des contingences matérielles, des responsabilités salissantes aussi bien professionnelles qu’étatiques. Seule comptait à ses yeux la Révolution. On pouvait presque dire que le camarade Tawa vivait de l’amour de la Révolution et d’eau fraîche ou à peu près. » (8)
Contrairement à leurs ainés sortis des écoles coloniales, devenus serviteurs du système qui les a formés, s’affichant aux yeux du peuple comme des privilégiés, voilà de jeunes lettrés qui cherchent à s’enraciner dans la terre de l’aïeul vaincu, arme en mains. Les patriotes, épigones de Masimu, Mtsala (9), et autres héros nationaux, n’auront de cesse d’invoquer dans leur cheminement ces grandes figures de la lutte comorienne. Désormais, il va s’agir de faire des études, non pas pour s’éloigner du peuple, mais, au contraire, pour se positionner en son sein et pour lui. Ce texte d’Aboubacar Said Salim est aussi marquage des atrocités immanentes à un système. Il y est question de la torture aveugle orchestrée contre de jeunes lycéens :
« Elèves matraqués, traqués vers l’infirmerie… Et puis…Debout ! Sursaut ! Le lieutenant Walker menait les opérations. Fouilles, confiscations de ceintures, de montres et de tout élément métallique.
Et la gymnastique commença. Pompes interminables, épuisement physique, moral au plus bas, triage vers les salles de classe vides de tout mobilier, lieux familiers, temples du savoir devenu temples de la brutalité coloniale, centres d’apprentissages de la douleur, de l’impuissance, laboratoires de courage où la chaire meurtrie et le cerveau vide apprirent le seul langage véritable de la colonisation : la violence. » (10)
Toutefois, ces jeunes adolescents tiendront bon, ce bain de violence devenant ferment à l’éveil d’une conscience. L’action se poursuivra pour le triomphe des idées nouvelles. Emmêlant les histoires personnelles à celles du groupe, Aboubacar Saïd Salim rejoint ainsi l’histoire d’un pays, d’une époque, celle des mercenaires. De leur séjour en France, les lycéens de la fin des années 60, grisés au contact des idéologies de gauche, se retrouveront vingt ans après, pris dans la machine infernale des mêmes tortures. Le colonialisme devenant néocolonialisme pour eux, au travers du mercenariat.
Lire Aboubacar Saïd Salim, c’est remonter le sillage brouillé d’une génération. Ses rêves, ses travers, le mythe qu’elle a cru léguer à une postérité sans repères, le sentiment de néant qu’elle a creusé dans l’âme d’un pays. Mais quelle gageure que d’interroger les révélateurs d’une histoire dans l’œuvre de fiction ? Et à plus forte raison, lorsque cette histoire n’est pas assumée par ceux qui l’ont vécue, que son occultation paraît même convenir aux bons vieux camarades d’hier.

1. « Le colon dehors ».
2. Aboubacar Saïd Salim, Le grand soir, nouvelle in La révoltes des voyelles, Nouvelles suivies d’un roman, Editions A3 2005, p.68.
3. Aboubacar Saïd Salim, Le bal des mercenaires, roman, Komedit, 3ème édition 2009, p.156.
4. Soeuf Elbadawi, 35 ans et toujours rien, Collectif Komornet, 2010.
5. Isabelle Mohamed, Les Comores existent-elles ? Maadzishi N°3, revue, eds. Komedit.
6. Ibid., référence n°4, p.126.
7. Ibid., référence n°3, p.64.
8. Ibid., référence n°4, p.146.
9. Tous deux sacrifiés à l’autel de la colonisation.
10. Aboubacar Saïd Salim, Et la graine… Roman in La révolte des voyelles, Nouvelles suivies d’un roman, Editions A3 2005, 124.
///Article N° : 11460

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Les images de l'article
Aboubacar Said Salim, debout, au milieu d'une de ses classes de français, à Moroni. © Soeuf Elbadawi/ Washko Ink.





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