Les premières Rencontres Sobate Africadoc ont été accueillies par le CCF de Ouagadougou dans la salle du Petit Méliès, du 13 au 19 février 2010.
Rencontres Sobate en langue Bwamu, signifie rencontres pour » convaincre « . Convaincre de quoi ? Peut-être de l’intérêt d’offrir une bonne place au documentaire au Burkina ? Peut-être encore convaincre de l’intérêt du public pour le documentaire ? Ou peut-être plus simplement convaincre des jeunes de se lancer dans la réalisation ? Il semble que l’objectif ait été atteint, notamment parce qu’elles ont ouvert la porte du documentaire aux jeunes désireux de devenir documentaristes et parce que le public fut largement au rendez-vous puisque la salle du Petit Méliès fut pleine à chaque projection.
Ces premières rencontres sur le documentaire africain se sont tenues à Ouagadougou sous le thème » l’Afrique se filme « . Très peu d’aspects négatifs ressortent après cette première édition et l’organisation semble avoir répondu aux attentes, malgré quelques petits cafouillages.
Comme le rappelait Pierre Rouamba, lors de la clôture de ces premières rencontres, le documentaire de création au Burkina est un terrain vierge où tout reste à faire. Et finalement c’était bien là l’objectif de ces rencontres, faire naître l’engouement pour le documentaire de création et finalement pour le cinéma tout simplement comme le souligne Berni Goldblat, le plus burkinabé des réalisateurs suisses, auteur du très attendu Ceux de la colline.
De nombreux films furent présentés, comme Waliden, l’Enfant d’autrui de l’invitée d’honneur, Awa Traoré spécialement venue du Mali, ou encore Souvenirs encombrants d’une femme de ménage, de Dani Kouyaté, et la surprenante révolte poétique de Camille Plagnet, La tumultueuse vie d’un déflaté dont les protagonistes sont remarquables d’aisance et de philosophie tels le grand Saïdou Z Ouédraogo ou le regretté Amadou Bourou. Le documentariste sénégalais Samba Félix NDiaye, lui aussi malheureusement récemment disparu, fut à l’honneur durant ces Rencontres SOBATE.
C’est une programmation impressionnante pour une première édition, qui fut saluée par les » Koros (1) » du cinéma burkinabè, Clément Tapsoba, Pierre Rouamba et Gaston Kaboré en tête. Grâce au soutien d’Africadoc, une structure panafricaine, fédération d’antennes nationales un peu partout en Afrique, ces rencontres ont immédiatement bénéficié d’un carnet d’adresses et du prêt de films d’excellente facture.
En dehors des projections et les débats qui suivaient, on a pu assister à un master class sur l’écriture documentaire, qui s’est tenu du 13 au 15 février au siège du Fespaco. Le principal formateur, le réalisateur burkinabè Guy-Désiré Yaméogo, introduisit les bases de la technique d’écriture de scénario documentaire et de pitch (2).
Le dernier jour, le vendredi 19 mars, eut lieu un débat sur le devenir du documentaire de création au Burkina, et l’accent fut mis sur la formation et la professionnalisation, ainsi que la question des financements qui préoccupe beaucoup ces jeunes réalisateurs. Puis vint le premier pitch sur le documentaire de création au Burkina, dont l’objectif était la présentation de projets de films par des débutants, devant un public anonyme et quelques têtes connues (notamment Pierre Rouamba à l’animation, Jean-Claude Frisque, directeur de Manivelle Production, et Gaston Kaboré), afin d’échanger et de partager le ressenti. Ce pitch visait aussi la rencontre avec les producteurs locaux afin de confronter ces débutants aux exigences du métier et de permettre des prises de contact.
Ce qu’il faut souligner après ces six jours, c’est d’abord cette initiative inédite et maîtrisée, d’un groupe de jeunes cinéphiles en collaboration avec Africadoc Burkina. Des rencontres qui n’ont rien à envier aux autres festivals de films au Burkina avec une programmation vraiment digne de ce nom et le soutien des ténors du septième art au Faso.
Toutes proportions gardées, ces rencontres, gratuites, ouvertes à tous, militant pour le documentaire, enrichies par la présence de certains réalisateurs et d’historiens, et par les échanges, rappellent étrangement, l’histoire d’un autre festival militant, animé par de longs débats avec les cinéastes et organisé par un groupe de cinéphiles. Ce festival débuta il y a 41 ans. Les premières rencontres SOBATE reprennent et modernisent avec classe un style qui a déjà fait ses preuves. Et même si les SOBATE ne deviennent pas un FESPADOC (je ne sais s’il faut le leur souhaiter), c’est en tout cas un nouveau rendez-vous à inscrire dans l’agenda du cinéma au Burkina Faso, qui assurément comble un vide, et cela avec maîtrise. Affaire à suivre, et beau présage pour la capitale du cinéma en Afrique. Reste à savoir si la formule populaire gratuite pourra continuer à être viable pour un festival qui dès la première édition a visé très haut.
Hasard du calendrier, ce début d’année 2010 est la période des grandes premières avec ces SOBATE et les toutes prochaines JCFA, Journées Cinématographiques de la Femme Africaine de l’image, initiées par le Fespaco. Espérons qu’à terme, elles ne se fassent pas de l’ombre mais plutôt qu’elles permettent au cinéma de rayonner encore plus fort au Burkina Faso. Car si la multiplication des manifestations cinématographiques au Burkina est objectivement une bonne chose, le risque de disperser un peu le public est bien là. Issus de deux structures différentes, il serait regrettable pour ces deux festivals d’entrer en concurrence. Pour ce qui est de cette première édition des Rencontres SOBATE, cette proximité n’a pas été dommageable et selon le président d’Africadoc Burkina, Wabinlé Nabié, il est évident que la direction à prendre est vers la coopération efficace de sa structure avec le Fespaco (et donc les JCFA). Monsieur Nabié et les membres d’Africadoc Burkina réfléchissent déjà à la manière dont ils coopéreront, pourquoi pas en s’intégrant au Fespaco et devenant une version populaire du Côté Doc, se tenant gratuitement dans les secteurs de Ouagadougou.
La viabilité économique de ce festival tient essentiellement au soutien de la structure mère qui a fourni une bonne partie des films, les autres ayant été directement négociés avec les maisons de production, comme Sahélis. Les subventions annuelles d’Africadoc Burkina sont assez anecdotiques, bien que le ministère de la culture ait mis la main à la poche pour ces Rencontres SOBATE.
Notons que désormais, une fois par mois, Africadoc présentera une projection au CCF de Ouagadougou.
1. Koro signifie l’aîné, le plus âgé, celui qui a l’expérience.
2. Un pitch synthétise l’histoire d’un film en un court paragraphe, ici en 5 minutes à l’oral.///Article N° : 9255