Les Transparents de Ondjaki

Fresque poétique de l'Angola

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Dans une langue sublime, poétique où les personnages sont plus attachants et détonnants les uns que les autres, Ondjaki nous livre un récit puissant au coeur de Luanda, en Angola. Les Transparents est un coup de coeur éclatant de cette rentrée littéraire.

« L’Immeuble avait sept étages et respirait comme un être vivant ». Comparé non sans raison à la fresque de l’Égypte dessinée par Alaa al-Aswany dans L’Immeuble Yacoubian, les 350 pages du roman Les Transparents, prix Saramago 2013, se déroule dans cette bâtisse au coeur de Luanda, la capitale angolaise. La langue métaphorique de Ondjaki- Ndalu de Almeida de son vrai nom-, entraîne le lecteur à la rencontre de ses habitants aux noms évocateurs ; L’Aveugle, le MarchandDeCoquillages, MariaComForça (Maria la forte), le CamaradeMuet ou encore un facteur en quête déterminée d’une mobylette, Paizinho qui cherche sa mère grâce à la télévision, un homme avec une tumeur mal placée qui pourrait le rendre « célèbre ». Mais aussi GrandMereKunjikise qui entretient le dialecte umbuntu qui parcourt le roman, « on n’oublie pas la langue de son coeur. je parle umbundu pour voir si mes morts m’entendent encore ». Et puis, Odonato, qui peu à peu par un mal bien étrange devient…transparent. « Je crois que je souffre de mal-être national », dit-il. Et de cet immeuble s’ouvre un panorama de ce pays en pleine mutation ; la guerre encore proche, l’urbanisation croissante, la corruption généralisée, la quête de pétrole qui attire politiciens locaux et étrangers. Pris dans le quotidien de ces personnages, on en oublierait presque que le récit commence par un incendie et cette phrase introductive de l’Aveugle : « dis-moi quelle est la couleur du feu… » La force – et la magie – de ce roman tient dans la manière dont il entraîne et déroute le lecteur dans l’imaginaire des uns et des autres, dans leurs histoires individuelles qui s’entremêlent. Et plus encore dans tout le mystère humain, de l’ordre du transcendant. « L’occulte est comme un poème – il arrive à n’importe quel moment » écrit-il. Et dans une des « notes de l’auteur » qui s’entremêlent au récit, « c’était un immeuble, peut-être un monde, pour qu’un monde soit, il suffit qu’il y ait des êtres humains et des émotions. les émotions, pleurant à l‘intérieur des coeurs, débouchent sur des rêves. nous ne sommes peut-être rien d’autres que des rêves ambulants d’émotions diluées dans le sang circulant sous la peau de nos corps si humains. on peut donner à ce monde le nom de « vie » ». Impossible que vous ne soyez pas saisi par la Beauté de ce roman des plus poétiques de cette rentrée littéraire.
Les Transparents. Ondjaki. Traduit du portugais par Danielle Schramm. Editions Metailié. Août 2015, 21€.

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///Article N° : 13188

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