Fiche Livre
Littérature / édition, Histoire/société
ESSAI | Janvier 2001
Littérature féminine francophone d’Afrique noire, suivi d’un dictionnaire des Romancières
Pierrette Herzberger-Fofana
Edition : Harmattan (L’)
Pays d’édition : France
ISBN : 2-7384-9905-8
Pages: 470
Parution : 01 Janvier 2001

Français

Maître Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal, a décerné au
Dr. Pierrette Herzberger-Fofana, université Erlangen-Nuremberg (Allemagne) Le 30 juin 2003, le „Grand Prix du Président de la République pour les Sciences ». Dans son allocution le chef de l’état a notamment déclaré:

„Pour la première fois, les sciences sociales sont primées:
Pour la première fois, une Littéraire est à l’honneur
Pour la première fois, une femme, une Sénégalaise de la Diaspora
reçoit le Prix; c’est dire combien nous sommes fiers. »

„Notre gouvernement a pour mission de rassembler et d’orienter toutes les énergies du pays, les Sénégalais vivant au pays comme ceux de l’extérieur ».

Lors de la publication de son ouvrage, le prof. Pierrette Herzberger-Fofana avait signé son livre au salon du Livre de Paris. Elle était l’une des invitées du ministère Français des Affaires Etrangères au stand de la Libraire Africaine, sous le patronage de l’Association pour la Diffusion de la Pensée Francophone (ADPF)

Un tel ouvrage laisse apparaître les nouvelles tendances d’une littérature longtemps considérée comme marginale, une littérature des minorités: Femme et Noire.

L’auteur a divisé son travail en quatre parties. La première partie est consacrée à
L’interprétation des romans les plus importants de la littérature, devenus aujourd’hui les classiques de la littérature féminine. Ce sont les œuvres de Mariama Bâ Une si longue Lettre, » de Ken Bugul « Le baobab fou, » les romans d’Aminata Sow Fall « La Grève des Battu, » de Angèle Rawiri « Elonga, » de Nafissatou Niang Diallo « Le fort maudit » de Aoua Keita, « Femmes d’Afrique » et les romans de Calixte Beyala « C’est le Soleil qui m’a brûlée » et « Tu T’Appelleras Tanga ». Les voix féminines des autres pays d’Afrique apparaissent dans les divers exemples qui confirment la thèse. En premier lieu, l’auteur décrit les notions dans lesquelles la littérature féminine est née, les difficultés qui en résultent et elle remet surtout en cause la date de naissance de cette littérature. Le lecteur apprend ainsi que l’Ecole Normale des Jeunes Filles de Rufisque du Sénégal dès 1942 est devenue une pépinière de talents littéraires. A cette date, une jeune Togolaise publie un article sous le titre „Je suis une Africaine…J’ai vingt ans »(p. 37) qui aurait influencé quelques décennies plus tard la romancière Sénégalaise, Mariama Bâ avec son best-seller « ne si longue Lettre » (pp.38-39).

L’analyse des œuvres peut être lue comme un sociogramme, c’est-à-dire une description du rôle de la femme dans son contexte social. C’est d’ailleurs l’image que la plupart des romancières reflètent dans leurs romans. L’auteur décrit les diverses coutumes africaines qui jouent un rôle essentiel sur le destin de la plupart des protagonistes. La polygamie, le lévirat (l’obligation pour la veuve d’épouser le frère du mari) se métamorphosent sous la plume des écrivains-femmes comme un véritable frein au plein épanouissement des héroïnes littéraires. L’impact des religions sur un fond d’animisme, le recours à la sorcellerie pour résoudre les problèmes matrimoniaux semblent une constante dans toute l’Afrique si l’on se réfère aux romans analysés. Les romancières, en observatrices perspicaces, campent le portrait de personnages-types que sont la „dryanké », (Sénégal) ces femmes du monde à mi-chemin entre la courtisane et la femme d’affaires, les „deuxième bureau », synonymes de maîtresses du mari et les ravages qu’elles causent au sein des foyers, les „badjeen », les sœurs du mari qui forcent l’hospitalité, la fameuse „téranga », ces femmes qui font de l’épouse leur éternel souffre-douleur dans les romans sénégalais.

Outre les thèmes classiques, les romancières traitent à travers leurs personnages féminins des sujets en rapport avec leurs préoccupations ou modes de vie tels l’excision, la violence, la folie, la prostitution, les conflits armés et l’engagement politique. Elles n’hésitent pas à brosser le tableau de certains aspects de la vie, qui jusque-là avaient été occultés ou considérés comme tabous. Ce sont l’inceste, la prostitution enfantine et les relations parents-enfants qui ne sont pas toujours aussi idylliques que le laissent supposer maints romanciers.

Au sujet du féminisme africain qui se démarque de son homonyme occidental et de son langage agressif surtout par la primauté qu’il donne au besoin de complémentarité, l’auteur conclut que:

„ L’on assiste ces dernières années à un mouvement qui se dessine en Afrique sous le nom de „féminisme africain »ou „conscience de femme„ ou „womanism »pour les pays anglophones et où le concept de complémentarité intervient. Cette école de pensée ne rejette pas les acquis occidentaux. Elle s’inspire des cultures africaines où elle puise son inspiration, mais donne la primauté au concept de partenariat entre homme et femme. La lutte pour l’émancipation de la femme devient une lutte commune et non une confrontation. Elle n’est jamais dirigée contre l’homme, mais elle se fait avec l’homme „ (p. 348)

L’auteur souligne aussi que dès ses débuts, la lettre est le genre qui va caractériser la littérature féminine francophone et que l’autobiographie semble dominer dans les romans.

La seconde partie du travail comprend des interviews faites avec plusieurs romancières d’aires différentes, des femmes écrivains, originaires du Sénégal, Annette Mbaye d’Erneville : Le Noël du vieux chasseur; Aminata Maïga Kâ : La voie du salut suivi de Le Miroir de la vie ; Adja Ndèye Boury Ndiaye: Collier de chevilles
Mame Seck Mbacké: Le froid et le Piment ; de la Côte d’Ivoire: Tanella Boni : Une vie de crabe ; Ajoua Flore Kouamé La valse des tourments, de la Guinée: Kesso Barry Princesse Peuhle ; du Gabon: Justine Minsta. Un seul tournant Makôsu ;
du Congo: Noëlle Bizi-Bazouma : Lettre d’une mère à son fils Président d’Afrique
du Burkina – Faso: Monique Ilboudo : Le mal de peau.

La troisième partie est un Dictionnaire des Romancières listées par pays et dans l’ordre chronologique de parution de leurs œuvres illustrées à chaque fois avec la photo de la romancière et le résumé de ou des œuvres citées.

Mme Pierrette Herzberger-Fofana a fait preuve d’une force de travail extraordinaire, en effectuant seule ce dictionnaire d’habitude le fruit d’un travail collectif. Elle fait ainsi connaitre de nombreuses romancières Africaines jusque-là ignorées du grand public. Des pays comme les deux Congo (Brazza et RDC) avec Noëlle Bizi-Bazouma : Race noire: Destin de chien ; Maguy Rashidi-Kabemba: Et la Femme se re-créa ; le Rwanda avec Yolande Mukagasana: La mort ne veut pas de moi et Maguy Corêa: Tutsie ; le Bénin avec Hortense Mayaba: L’univers infernal ; le Togo avec Christiane Ekué: Le crime de la rue des notables; la Guinée avec Zeinab Koumanthio Diallo : Les épines de l’amour ; le Burkina Faso avec Marie-Simone Séri: Mon enfant mon cri ma vie; le Mali avec la regrettée Aïcha Fofana: Mariage, on copie et de jeunes romancières telles que Bessora du Gabon:53 cm; Lydie Guet, Amoi Assamala : Appelez-moi Bijou et Fibla Koné : Cache cache d’amour de la Côte d’Ivoire, Nathalie Etoké du Cameroun: Un amour sans papier ; Hanne Kadidjatou : Sous le regard des étoiles Fama Diagne Sène: Le chant des ténèbres; Abibatou Traoré:Sidagamie ; Nafissatou Dia Diouf : Retour d’un si long exil et autres nouvelles du Sénégal trouvent leur place dans cette anthologie.

La dernière partie Lexique du Français d’Afrique regroupe les termes usités dans le corpus et parfois méconnus du lecteur non–Africain.

Littérature Féminine Francophone d’Afrique Noire, suivi d’un Dictionnaire des Romancières est un ouvrage de référence qui témoigne de la capacité de son auteur et de ses connaissances profondes de la culture et de la littérature africaines dans son ensemble. Le livre est écrit dans un français limpide, agréable à lire.
L’abondance des ouvrages cités troublera peut-être certains lecteurs mais pour le chercheur, le but était surtout de présenter une littérature qui n’en est plus à ses premiers balbutiements de manière aussi complète que possible.

Cette fresque monumentale consacre et revalorise les œuvres des romancières qui sont entrées de plain-pied dans le champ littéraire. L’auteur rend ainsi un vibrant hommage à toutes celles qui manient la plume. Elle ouvre la voie à de nouvelles pistes de recherches en ne se cantonnant plus aux limites frontalières de leurs états respectifs. Elle leur confère ainsi une vision panafricaine.
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