Fiche Livre
THéâTRE | Janvier 2004
Au-delà du lac des nénuphars
Edition : Malaïka (éditeur)
Pays d’édition : Canada
ISBN : 2-9689063-9-7
Parution : 26 Janvier 2004

Français

40 ans après les indépendances, écrire et publier en Afrique demeure toujours un défi. Les écrivains africains prennent des risques énormes à dire simplement ce qui, à leurs yeux, ne fonctionne pas dans leurs sociétés. Tène Youssouf Gueye, Ken Saro-Wiwa, Norbert Zongo, morts pour leurs mots, prouvent, si besoin en était encore, qu’écrire en Afrique peut tuer. Le contexte politique des démocraties africaines dévorantes, qui fait que la plupart des dirigeants africains sont incapables de faire la distinction entre la réalité et la fiction, conduit sans procès à la mort des personnes de talent dont le seul crime aura été de penser. Le manque de liberté d’expression incite donc de nombreux écrivains à s’autocensurer quand ce ne sont pas les structures censées porter leurs paroles qui les censurent.
Gilbert Doho, dramaturge camerounais, a pris le risque de mettre en scène un épisode tragique de l’histoire politique mouvementée de son pays. Censuré par l’une des maisons pionnières en matière d’édition africaine, qui voulait « éviter d’être perçue comme une tribune d’une opposition radicale de 1990 » et ne pas, selon les termes de son directeur général, « courir le risque de sortir un ouvrage pouvant [lui]causer d’énormes ennuis avec les pouvoirs publics du Cameroun », Gilbert Doho s’est tourné vers la maison d’édition Malaïka qui, conformément à sa mission d’offrir aux écrivains africains les canaux nécessaires à la diffusion de leurs pensées, lui a ouvert ses portes. Malaïka publie dans son intégralité ce texte de Gilbert Doho censuré.
Il est fort regrettable de constater que des structures, qui devraient permettre la libre diffusion des idées et de la pensée, se fassent « collabos » des pouvoirs politiques dictatoriaux qui n’ont de cesse de museler leurs citoyens jusqu’à les tuer pour les faire taire. Mais les dictateurs qui tuent tous ceux qui rêvent d’une Afrique libre et debout ne peuvent pas tuer leurs rêves, car ces rêves, tels des flambeaux, se transmettent de génération en génération et continuent de briller dans les yeux de tous ceux qui, à l’instar de ces jeunes étudiants que met en scène Doho, ne renoncent pas à leurs idéaux. Ils entonneront jusqu’à leur mort le chant libérateur du « Parlement ».
« Malheur à ceux qui bâillonnent leurs peuples », disait un digne fils de l’Afrique, mort lui aussi pour ses idées.
Honte à ceux qui, aujourd’hui, partout en Afrique, aident au maintien de ces régimes sanguinaires dirigés par des abrutis !
Honte à ceux qui mettent leur intelligence au service de la bêtise !
L’hymne de la liberté, un jour, résonnera contre vents et marées aux quatre coins du continent, car aussi longue que soit la nuit, le jour viendra.

Au-delà du lac des nénuphars est une œuvre théâtrale qui mérite d’être lue, d’être jouée partout en Afrique et dans le monde tant son sujet est actuel, préoccupant et tragique. C’est la triste histoire du perpétuel recommencement politique de l’Afrique qui est mise ici en scène.


Angèle Bassolé, Ph. D.
Directrice des Éditions Malaïka
Ottawa, Canada
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