Mission de préfiguration du Centre de ressources et de mémoire de l’immigration :

La nécessité d'un véritable débat ?

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Au cours des différentes commissions et réunions de la Mission Toubon, les équipes de l’ACHAC ont essayé de contribuer au débat en cours. Nos différents travaux depuis la fin des années 80, ainsi que les projets récents comme Culture coloniale et Culture impériale (chez Autrement), la trilogie Le Paris noir, Le Paris arabe et Le Paris Asie (Hazan et La Découverte), l’ouvrage collectifs Zoos humains (La Découverte) ou la Gallimard-Découverte De l’indigène à l’immigré, sans parler des expositions, colloques et films que nous avons proposés font que nous nous inscrivions dans une dynamique forte sur la constitution d’une mémoire globale sur l’immigration, dans toutes ces dimensions.
Il faut le reconnaître, pour de nombreuses de raisons, sur lesquelles nous ne reviendrons pas, le débat n’a pas été véritablement possible. C’est pourquoi, quand l’échange et la parole ne « passent » pas, il est nécessaire d’écrire ce que nous aurions voulu dire. Il est nécessaire d’affirmer, alors que nous aurions voulu échanger. Il est indispensable de trancher, alors que nous voulions construire.
Au moment où un petit bout de tissu fait trembler la République, où des ministres parlent de s’attaquer aux « banlieues ethniques « , que faire de l’Histoire de l’immigration dans ce pays ? Ce parent pauvre de l’histoire contemporaine n’a toujours pas sa place dans le panthéon de la Grande histoire nationale. De toute évidence, alors que la « fracture raciale » devient un thème récurrent de notre société post-coloniale, cette construction d’une « mémoire dynamique  » de l’immigration devient un enjeu capital. Pourtant combien de Français, d’origine immigrée ou non, sont-ils informés, depuis avril 2003, des travaux de la Mission de préfiguration, qui va pourtant fixer pour les générations futures l’histoire de l’immigration dans notre pays ? Très peu. Alors que si une question est aujourd’hui au c¦ur des enjeux de la « nation », de la République, c’est bien celle-ci. Il faut écouter, entendre, croiser et mélanger les approches, les analyses, les besoins. Sinon, ce projet sera vide de sens et en dichotomie avec son temps.
Il est pourtant essentiel – malgré les difficultés de l’échange – que cette initiative puisse être soutenue, avec vigilance certes, mais aussi avec toutes les parties concernées, pour qu’elle ne se termine pas comme la précédente mission lancée par Lionel Jospin, alors Premier ministre. Dans le prolongement, on pourra enfin entreprendre le second chantier nécessaire à la construction d’une mémoire collective dans ce pays véritablement expurgé de ses tabous : un lieu consacré à l’histoire coloniale.
Certes, l’objet de cette mission, n’est pas la mise en place d’un « musée de l’immigration  » – l’idée n’est plus d’actualité –, mais un « Centre de ressources  » qui, d’ici « deux ou trois ans « , doit se mettre en place sous la conduite du Comité interministériel à l’Intégration. Programmé dans un « lieu central, à identité forte, emblématique ou chargé d’histoire « , ce « Centre  » se présente comme fédérateur des différentes attentes en la matière : archives, recherche, vie associative, exposition permanente, expositions temporaires. De fait, la Mission (de préfiguration du centre de ressources et de mémoire de l’immigration) n’a pas lésiné sur les moyens, ni sur les « experts » consultés, parmi les meilleurs spécialistes de la question en France. Mais il reste encore de nombreux points à affiner – c’est l’objet du colloque qui se tiendra à la BNF les 28 et 29 novembre – pour en faire un véritable lieu fédérateur.
En premier lieu, il faut éviter de politiser cette mission, afin qu’elle ne soit pas une simple machine à vocation pré-électorale pour le gouvernement lors de prochaines élections. De toute évidence, l’idée est sous-jacente chez certains. Pas moins de deux articles, dans Libération le 18 novembre 2003 – l’un du PS l’autre de l’UMP, tous les deux rédigés par des délégués nationaux ou départementaux d’origine maghrébine -, pour réclamer des « places » pour les prochaines élections. Une concurrence où tous les arguments sont utiles, y compris la « mémoire « . Alors sortons clairement et rapidement le projet de ce piège, où il ne résistera pas à la tempête électorale qui se prépare et aux critiques du Front national.
Il est temps, aussi, que toutes les parties concernées puissent s’exprimer, se rencontrer et véritablement dialoguer. Le rythme soutenu depuis 6 mois, certes nécessaire pour avancer, laisse de côté des questions essentielles. En ce qui concerne les associations, par exemple, elles ne peuvent véritablement s’exprimer sans prendre des risques financiers énormes, puisque les subventions – qui représentent leurs seul moyen de « survie » – sont distribuées par ceux-là mêmes qui les appellent en consultation ! Il faut en tenir compte et repenser le dialogue en cours. En ce qui concerne les universitaires et les spécialistes, il faut ouvrir le groupe initial à toutes les compétences en la matière, et pas seulement françaises. Les difficultés de dialogue constatées lors de la dernière consultation du 18 novembre, ne sont pas de bons augures pour le devenir du projet. Autant de points essentiels, qu’il faut intégrer à la veille du colloque de la BNF.
La nécessité d’un tel centre, et l’urgence de la programmation, ne doivent pas faire taire de facto les critiques justifiées et les réajustements nécessaires. Par exemple, le titre même de ce colloque est très mal perçu par une forte majorité des chercheurs et responsables associatifs : Leur histoire est notre histoire. Cela donne le sentiment que nous sommes toujours dans une situation dichotomique. Il y aurait Eux et Nous. Leur histoire/Notre histoire, cette dialectique, cette approche, est sans aucun doute à éviter dans l’avenir.
Ce titre révèle donc, de toute évidence, une posture, celle de la République et de ses « élites » face à l’immigration en France : d’un côté les « personnalités compétentes » ; de l’autre, les « représentants de l’immigration », les associations. Aux premières la définition de la construction de la mémoire et de l’histoire de l’immigration – de leur histoire –, la possibilité souveraine de juger ce qui doit ou ne doit pas faire partie de la mémoire ; aux seconds, le rôle de supplétifs, attendant silencieusement qu’un savoir leur soit, de haut, donné sur eux-mêmes. Indigènes, immigrés, même destin ?
L’organisation des consultations de la mission renvoie à ce paradigme : les responsables associatifs n’ont quasiment jamais rencontré les membres du conseil scientifique (par ailleurs composé de personnalités éminentes, là n’est pas le problème). On reproduit ici la séparation entre eux et nous, qui fait toute l’ambiguïté de la République coloniale – pour reprendre le titre d’un essai qui vient d’être publié (Albin Michel) – qui semble renaître autour du débat sans fin sur l’intégration des immigrés. Aujourd’hui, il s’agit de construire la mémoire des immigrés et de l’immigration : c’est nous qui construisons leur histoire. C’est nous qui guidons leur destin. Une sorte de fracture des mémoires s’installe. Or, on aurait dû connecter dès le départ le monde universitaire et les représentants des communautés immigrées, favoriser une réflexion commune, donner toute leur place à ces acteurs qui, souvent, construisent localement la mémoire de l’immigration, l’aide à s’ouvrir par la parole, le récit des trajectoires, bref, contribue à rassembler les sources indispensables au travail des historiens et des sociologues. Faire sens, tout en interpellant toutes les compétences, y compris muséales, scénographiques, pédagogiques.
De même, il faut arrêter de penser l’histoire de l’immigration comme une histoire spécifique, annexe ou marginale par rapport à l’histoire nationale. Malgré les effets d’annonce, c’est ce qui se passe. Cette histoire est pourtant indissociablement mêlée à l’histoire de France, elle contribue à la construire, elle en est une partie intégrante. Même si aujourd’hui ce n’est pas encore le cas dans la trame officielle de Notre histoire de France. On connaît se type de situations. Hier ce fut l’histoire de Vichy, demain ce sera l’histoire coloniale ou celle de l’esclavage, aujourd’hui la place de l’immigration. Chaque génération a ses « passés qui ne passent pas « .
De toute évidence, la place des « autres » dans l’histoire nationale pose toujours – et encore – problème. Dans nos manuels scolaires, combien de « héros » français ressemblent à nos gamins de banlieues ? Combien de Raoul Diagne, d’El Ouafi, de Koppa ou de Mimoun, pour rappeler que des générations de sportifs ont précédé la génération Zidane ? Combien de bâtisseurs du métro parisien kabyles, combien de soldats kanaks derrière l’incontournable image Banania de la Grande Guerre, combien de Marocains libérant Marseille, combien de grands résistants comme Adi Ba, combien de noms de mineurs polonais pour illustrer l’indépendance énergétique de la France, combien de ministres comme Blaise Diagne, combien de dockers italiens pour raconter le destin du port colonial de Marseille…, combien de ces histoires pour raconter l’histoire de France dans le siècle ? Aucun.
De plus, de nombreux axes et thèmes retenus posent encore question. Il faut les aborder dans toutes leurs dimensions. En effet, pourquoi décréter que l’histoire des migrations intra-Outre-mer et des Outre-mers vers la métropole est absente dans un tel centre ? Parce qu’ils sont aujourd’hui Français ? Pourquoi les migrations de la Corse vers le continent sont-elles tabous ? À cause du contexte actuel ? Pourquoi taire, pour motivations politiques et républicaines, la dimension régionale de certaines mémoires en voulant à tout prix les fédérer sur Paris – ce qu’Emile Temime perçoit comme un projet « élaboré dans un cadre parisien et par une commission presque exclusivement composée de Parisiens« .
Question plus essentielle, plus problématique aussi : pourquoi faire un lieu unique, alors que la demande, les besoins, les sources, les publics sont aujourd’hui divers et autant à Toulouse, Nantes, Strasbourg, Marseille, Lyon, Lille qu’à Paris ? Ne pourrait-on pas imaginer des « pôles relais » en province, alors que le gouvernement n’a de cesse de promouvoir la décentralisation ? Et, dans le même temps, pourquoi ne pas rassurer, clairement, le monde de la recherche et les associations, qu’un tel lieu, s’il est programmé, ne concentrera pas les subventions pendant plusieurs années et annihilera les projets en cours ? Autant de questions qui ne doivent pas être évacuées brutalement sinon le projet risque de perdre ses appuis les plus précieux. Philippe Dewitte précisait d’ailleurs, en amont, avec justesse, qu' »il suffirait sans doute de peu de choses pour que les associations se sentent exclues ou ignorées, puisqu’aussi bien, c’est souvent cette expérience-là qu’elles ont connue par le passé« .
À titre d’exemple, le débat autour de l’interaction avec l’histoire coloniale est révélateur des grandes difficultés à intégrer dans les mois à venir toutes les dimensions de ce passé. Car, pouvons-nous imaginer un tel lieu sans donner toute sa place à l’histoire coloniale comme le demandaient Philippe Bernard et Patrick Simon dans des notes internes ou à celle des « migrations » dans, vers, et depuis les actuels dom-tom ? Ce débat n’a pas été absent des tout premiers échanges du conseil scientifique. Marie-Claude Blanc-Chaléard soulignait l’importance des « problèmes d’identité des Français venus des Dom-Tom « , alors que Nancy L. Green rejetait l’histoire de certaines migrations : « Les Bretons ou les Dom-Tom ? Non. Les rapatriés d’Algérie ? Il me semble que oui. « Dans le même temps, Philippe Dewitte, secrétaire de la commission, en soulignait l’enjeu : « La présence des Domiens dans un tel lieu étant de toute évidence politiquement très sensible, il semble raisonnable de ne pas aborder la question de front, mais bien à la faveur de ce que l’on a appelé, lors de nos discussions, des « détours ». On le voit le risque est grand d’évacuer des pans entiers de cette mémoire – souvent ceux qui font d’ailleurs débats aujourd’hui au coeur de la société française – et de donner naissance à un centre vide de sens car tronqué d’une partie de sa mémoire.
Par exemple, parmi les huit thématiques retenues actuellement, la place de la « culture coloniale  » est sans conteste un peu juste. D’autres sont sans aucun doute sujettes à débats ou à re-formulations. De fait, bien que cela soit réduit (une simple sous-partie d’un thème, soit 1/25e des axes retenus), il est prévu de traiter brièvement des thèmes essentiels, comme « Civilisés et barbare » ou « Colonisation et domination« . D’autres sont réduits à des ensembles qui manquent de visibilité, sous des items comme « indigène, immigré, expositions coloniales « , « orientalisme et mythe du bon sauvage  » et « opinions et préjugés, racisme ordinaire « . Autant d’axes qu’il convient de renforcer historiquement pour éviter qu’ils soient progressivement minorés à l’aune d’enjeux politiques ou de compromis destinés à purger le projet de tous thèmes jugés « polémiques ».
Sans les associations, les chercheurs et les relais universitaires, ce futur centre est coupé de ses ressources vives. Il faut donc être extrêmement vigilant à renforcer les liens avec tous les partenaires possibles. Beaucoup de ceux-ci, lors des dernières consultations, en off des commissions, n’hésitaient pas à parler d’un centre « inadapté aux besoins réels, car surdimensionné dans ses objectifs et ne bénéficiant d’aucun moyen clairement identifié« , alors que pour le musée du Quai Branly « les milliards d’euros sont déjà disponibles « . Un universitaire expliquait, qu’avec tous les compromis, ce projet « s’érode sur bien des points et ne répond plus à aucun de ses objectifs initiaux « . Pour de nombreux responsables d’associations, « techniquement et historiquement, le projet est dans une impasse « . On le voit, les critiques sont déjà présentes dans les couloirs. De plus, cette idée de vouloir fusionner les destins et les histoires, en évitant ce(ux) qui pose(nt) encore problème – harki, rapatrié, dom-tom, artistes, engagisme, esclavage, colonisation, Savoyards, Corses, islam… -, risque de conduire à une vision édulcorée et à un projet de « musée Grévin des bons immigrés  » dixit une représentante d’une des principales institutions partenaires !
De nombreuses propositions peuvent donc, encore, améliorer la mission de préfiguration qui est dans sa phase de finalisation. On peut notamment insister sur la possibilité de création de fonds d’archives régionalisés (sur la base de partenariats locaux), d’une politique éditoriale active en parallèle du centre, d’un programme d’actions pédagogiques indispensables à destination du monde scolaire, des bourses de recherche à mettre en place dès l’année prochaine, d’une politique de soutien claire à destination des associations… Enfin, le projet doit se doubler, pour être efficace, d’engagements administratifs précis : comme une prise en compte plus large dans les manuels scolaires des questions liées à l’immigration ; la modification des programmes de première et terminale ; l’engagement à recruter dans les universités des spécialistes travaillant sur ces questions… Autant d’approches qui, dans leur globalité, sont réalistes, efficaces et mesurables en termes d’impact et permettront de légitimer le centre dans l’opinion.
De toute évidence, il faut refuser (et donc s’opposer) à une trame historique à la marge de l’histoire de France pour ces histoires de l’immigration. Elles forment un tout. Le compromis avec « l’état de l’opinion » est aujourd’hui recherché, nous pensons, au contraire, qu’il est nécessaire de provoquer un véritable choc, refuser cette posture et paxtonniser l’histoire de l’immigration comme celle de la colonisation. Une histoire de l’immigration ? Oui, mais dans la perspective d’une histoire totale. Cette rupture, comme pour la prise en compte pleine et entière de Vichy dans l’histoire contemporaine, suppose que l’on mette tout à plat, y compris les questions dérangeantes.
Or, il n’est point besoin que, pour une telle démarche positive, les futurs projets de programmation de ce « centre » s’orientent vers un retour aux scénographies spectaculaires de l’époque coloniale : restaurants-couscous, folklorisation de la vie immigrée, choc des civilisations mis en scène, parcours individuel à la « musée Grévin » et autres ethnic-shows à sensation. Point n’est besoin non plus de « pacifier » cette histoire lorsqu’il s’agit simplement de la relater, de la restituer en offrant certes dans le cadre d’une scénographie moderne et contemporaine à chacun un espace mémoriel éloigné de tout folklore qui inscrirait une nouvelle fois cette histoire dans la marginalité. C’est une affaire sérieuse.
Pour un tel centre, il faut structurer une approche pragmatique, comme pour n’importe quel lieu de ce type : cible, pré-étude de faisabilité, enquête d’opinion (du type de celle que vient de faire l’ACHAC sur Toulouse sur la mémoire de l’immigration), moyens humains et financiers, lieu, démarche, planning, identité, scénographie, relais… Pourquoi ce bricolage, alors que pour les arts premiers et le futur musée du Quai Branly, on a véritablement engagé les moyens de l’État ? Ici, on demande bénévolement aux associations de donner du temps, des idées, des archives et des projets. Inconcevable pour tout autre projet porté, voulu et planifié par l’État. C’est aussi cela qu’il faut rappeler avant les discours officiels, les accords de façade, les débats neutralisés des deux jours qui viennent. Au moment où l’on vide le Musée de l’Homme, où l’on ferme le MAAO de la Porte Dorée, où les moyens de recherches et les subventions se tarissent, il nous semble essentiel de rester vigilant.
La mission essentielle de ce centre doit donc permettre, par la mémoire et l’histoire, de comprendre le présent. Sinon, non seulement il ne parlera jamais aux jeunes français issus de l’immigration ou aux étrangers ; mais encore, il ne permettra pas aux « Français de souche » de comprendre ces nouvelles générations, sur lesquelles se concentrent irrationnellement toutes les peurs sociales de ce début de siècle. Du sauvage aux sauvageons, de l’indigène à l’immigré, du sujet au citoyen… il y a des parcours invisibles qui sont des sources de compréhension plus évocatrices que toutes les constructions juridiques écrites.
Toutes les questions posées ici sont minorées dans le projet du centre, soit pour faire consensus, soit pour éviter de toucher aux questions taboues, soit pour éviter une posture qui ne peut-être assumée sans conséquence face au pouvoir détenteur de l’arme ultime (la subvention !). Manifestement, la conception commune de l’histoire éprouve des difficultés avec l’histoire de l’immigration, comme avec celles de l’esclavage ou l’histoire coloniale. Toutes trois sont marginalisées dans l’histoire enseignée, ne disposent d’aucun lieu référence, ne sont guère l’objet de recrutements de chercheurs dans les universités ou au CNRS. Pourquoi ? Sans doute parce qu’elles font taches dans la longue « construction républicaine de la nation » et nous obligent en permanence à nous interroger sur l’universalité de nos valeurs face aux logiques discriminantes qui les ont structurées. Au point que la République se demande, maintenant, si une petite dose de discrimination positive ne sauverait pas l’intégration dans ce pays !
Le centre en projet peut-il échapper à ces impensés ? Au vu des premières orientations dégagées par les responsables, on peut très légitimement en douter, alors que les propositions initiales étaient largement ouvertes. De même, les efforts des responsables de l’ACHAC pour expliciter (en commission) ces questions se sont heurtés à une incompréhension de fait, voire à un procès d’intention immédiat. Nous obligeant à coucher par l’écrit notre approche, afin qu’il ne soit pas dit que l’accord tacite des 28 et 29 novembre 2003 lors du colloque de la BNF fut validé par tous les participants à la Mission. Il est encore nécessaire de travailler, d’échanger et de construire un tout autre projet.
Mais, il faut aussi, nous en avons conscience, saisir la chance offerte par la création de ce lieu, qui doit permettre de rendre sa dignité aux mémoires immigrées et sa légitimité à une histoire de l’immigration intimement intriquée à l’histoire nationale, ouvrant enfin la possibilité de croiser les mémoires. La présence du Premier ministre, si elle se confirme, doit être un signe fort, pour le colloque de vendredi. Celui de l’État s’engagent à sortir de ses propres blocages et visions idéales de la République.
Intégrer ces différentes approches et questionnement permettra d’éviter de nombreux écueils ou le risque de marginalisation du projet dans les priorités de l’État ou, plus grave, la création d’un centre à la « mémoire expurgée « . Il s’agit donc d’éviter, en premier lieu, la désactualisation de la mémoire de l’immigration, une trop grande dichotomie entre l’histoire de l’immigration et l’histoire coloniale et, surtout, une folklorisation de cette histoire, toujours sensible, par une scénographie simpliste de ces destins…
Alors oui, il faut sauver la mission Toubon, pour éviter qu’une nouvelle fois l’histoire de l’immigration se retrouve marginalisée dans la mémoire nationale ou se termine dans une querelle électorale.
C’est de la responsabilité de la République – et aujourd’hui du gouvernement – d’en prendre toute la mesure. Car, la volonté de vivre ensemble au sein de la République ne se résume pas seulement à la capacité de l’État à détruire les tours de nos cités, à légiférer sur le voile ou à « maîtriser l’immigration « . Il s’agit aussi de construire une mémoire commune, ni la Notre, ni la Leur, Une mémoire unique. Celle de la République. Celle de la Nation française.

[email protected]///Article N° : 3234

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