Moi pas Tintin… Toi pas Kongo

Du Kozö Zö Théâtre de Bangui

Texte et mise en scène : Didier Hude
Print Friendly, PDF & Email

Du théâtre pour rire à livre ouvert
Un album géant, de belles couleurs, des masques, des costumes d’animaux et des personnages tout droit sortis de l’univers de la BD… Moi pas Tintin… Toi pas Kongo (mais Tientien et Miloud) n’est pas pour autant un gentil spectacle pour gentils enfants sages, ni un de ces spectacles lisses pour petites filles et petits garçons de bonne famille. C’est au contraire un spectacle corrosif comme sait l’être la commedia dell’arte, se moquant de tout, prenant à contre-pied les clichés et les idées reçues, à commencer par Tintin lui-même, drôle de figure emblématique dans laquelle un jeune Dieu étourdi choisit de s’incarner pour descendre sur terre. Au lieu de tomber dans une marmite de potion magique (mais c’est une autre histoire !), il a trempé son image dans le jus de réglisse et ne semble pas de la bonne couleur… D’abord aux prises avec des humains qui n’apprécient guère ses miracles, le voilà dans une version revisitée de la fable de La Fontaine où une hyène américaine dopée au hamburger a pris la place du lièvre à côté de la tortue. Bientôt, dépité par ses aventures, il n’a plus qu’à mener une existence de peau banane… et c’est pourtant sous cette apparence qu’il rencontre enfin l’amour.
La scénographie ingénieuse conçue par Jean-Louis David permet de jouer avec les images du livre et de faire sortir les personnages par les vignettes qui s’ouvrent grâce à un système de fermeture Eclair et servent aussi de castelet pour des jeux de marionnettes. Moquette couleur latérite et vignettes bleues couleur du ciel, l’esthétique du plateau dénonce l’artifice et l’assume avec brio. Il faut saluer la qualité des masques, dont la facture ne perd pas le lien avec la tradition de la commedia, tout en respectant la physionomie africaine. Belle réussite aussi que les personnages d’animaux et leurs costumes, qu’il s’agisse du chien Miloud, de la tortue d’Afriki ou de la hyène des Etaux-Unis. Amusante idée également que ce sac à médailles qui parle, que traîne avec lui le chef du protocole en train de fuir la dernière guerre civile du coin et qui en guise de décorations n’arbore que capsules, canettes d’aluminium et boîtes de conserve écrasées.
Signalons enfin ce petit intermède humoristique et perfide où le régisseur reconnaît la nécessité commerciale d’insérer dans un spectacle africain digne de ce nom les danses et les tam-tam attendus. Aussi avons-nous droit, dans l’encadrement d’une des vignettes devenue castelet pour l’occasion, à une paire de seins et une paire de fesses en carton aussi généreuse l’une que l’autre qui se trémoussent au rythme du tam-tam.
Un spectacle aussi enchanteur que décapant, où le travail visuel le dispute à l’ingéniosité verbale, aux formules piquantes et aux traits d’esprit les mieux trouvés.

Moi pas Tintin… Toi pas Kongo, une création collective du Kozö Zö Théâtre de Bangui
Masques et scénographie : Jean-Louis David
Costumes : Enora Montfort
Régie et décors : Jean-Marc et Thierry Pinault et Alain Le Foll
au Théâtre du Chêne Noir
avec Paul Vinlot (Le Régisseur, Le Chef du Proto, et Mohamadou Nelseun Montfeur), Rassidi Zacharia (Tientien), Jean-Louis David (Miloud), Sonia Zembourou (La femme du Chef du Proto et la Hyène des Etaux-Unis), Tatiana Ardidjo (Le Sac de médailles, La Tortue d’Afriki et la jeune femme).///Article N° : 954

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Les images de l'article
© S. Chalaye





Laisser un commentaire