Cela commence dans la neige et le vent. Juste quelques instants pour placer le réalisateur, frère d’Aki Kaurismäki, primé à Cannes pour L’Homme sans passé et dont il a produit les premiers films. Mika, sa passion, en dehors du cinéma d’action (il est l’auteur de films de gangsters et de thriller), c’est le Brésil et sa musique. Au point qu’il possède une salle de concerts à Rio et y vit une bonne partie de l’année. Mais la neige est là aussi pour marquer le contraste. Car cette musique est plus que torride ! Cette samba longtemps interdite par les autorités mais qui survivait dans les favelas a de quoi faire danser les sourds. Kaurismäki en recherche les sources chez les folklores des Indiens Falni-ô, fait plus de 40 000 km en deux mois pour plonger dans les différents rythmes brésiliens, passe du maracatu au frevo et au passo de Recife , du coco à l’embolada de Penambuco, du forrò de Caruaru à l’extraordinaire samba de Bahia, issue de la rencontre des Noirs et des Indiens. Ce sont ces mélanges qui l’intéressent : comment la fulgurante diversité des styles est le résultat des influences multiples de la mosaïque brésilienne.
Forcément, il rencontre l’afoxé, » le candomblé des rues « , et autres traces des cultures noires : la samba ne signifie-t-elle pas prier les Orixás ? » Le Brésil est noir « , proclament ceux qui se réclament de ces rythmes. » Même exclus, nous sommes la joie de la ville » : au Brésil comme ailleurs, la culture noire se mélange aux autres pour faire danser le monde.
Kaurismäki n’a que faire des vedettes et de l’exotisme du carnaval qu’il ne montrera que furtivement : il privilégie dans son parcours très personnel les gens simples, les groupes les musiciens des rues, tous ces gens magnifiques dont il s’est fait des amis. Parce que ce film explore ainsi un inconnu vibrant de joie de vivre, de rythmes superbes, de rencontres et solidarités entre jeunes et vieux, il devrait nous transporter bien au-delà du simple enthousiasme qu’il ouvre pour cette musique et ce pays. Mais il tombe trop souvent dans la laideur du clip de capoeira sur fond de coucher de soleil ou de travelings dans les rues, autant de déjà vus kitschs ou ressassés qui font tomber l’émotion. Mika Kaurismäki n’est pas Wim Wenders, qui réussissait dans Buena Vista Social Club à véritablement mettre en scène l’émotion que dégagent les rythmes des chants et des sons, et surtout ceux qui les chantent et les jouent. Il s’en approche pourtant lorsque Walter Alfaiate dit que l’amour, c’est apprendre à pleurer – et chante ensuite A.M.O.R. Amor. Mais quelle force auraient pu avoir tous ces musiciens si l’image leur avait rendu l’hommage qu’ils méritent !
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