Murmures

Tunisie : la femme « complémentaire » et la médaille de Habiba la magnifique
août 2012 | Faits de société | Histoire/société | Tunisie
Source : Rue 89

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Un projet d’article de la future constitution d’Ennahdha introduisant la « complémentarité » de la femme à l’homme et non l’égalité entre les sexes provoque un véritable tollé en Tunisie. Les associations féministes appellent à commémorer la promulgation du Code du statut personnel, le 13 août 1956, en manifestant pour l’inscription de l’égalité dans la constitution. Lotfi Achour publie un magnifique article dans Rue 89 : le metteur en scène tunisien nous parle de deux symboles, deux sportifs, une femme et un homme, que 40 années séparent, mais que l’importance symbolique et historique rapproche tant.

« Mohamed Gammoudi, l’enfant aux pieds nus, courait comme on danse, battant le rythme de sa musique intérieur de ce mouvement de tête si singulier qu’il avait,et qui lui a permit de ramener il y a 44 ans, une médaille d’or arrachée avec panache à plus de 2 000 mètres d’altitude, d’un sublime 10 000 m dans l’air suffocant de Mexico.

Toute la Tunisie qui dans sa grande majorité n’avait pas de télé, le regarda pourtant dans un noir et blanc qui a transcendé tout un peuple. Et une grande partie du monde a dû entendre parler alors pour la première fois de ce pays quasi invisible sur les cartes.

C’était la victoire de l’espoir suscité par l’indépendance. Gammoudi, par son acte éblouissant, donna à son insu un sens et un nouvel élan profond au projet moderniste et utopiste de Habib Bourguiba et de ses compagnons de lutte.

Et amena comme une sorte de plus grande légitimité à ce projet, comme s’il disait :

« Regardez ! Nous sommes capables de gagner, nous sommes capables de nous hisser sur le toit du Monde. »

L’espoir de la toute jeune république naissante, de prendre sa place au milieu de ce monde qui la découvrait. L’espoir que l’éclat de la jeunesse de Gammoudi contamine toute la jeunesse tunisienne et lui donne une confiance infinie en ses capacités à être agissante sur son temps.

[…]

Quarante quatre ans plus tard, il n’est pas anodin que ça soit une femme qui se distingue de nouveau aux JO, devenant la première tunisienne à remporter une médaille olympique. Bourguiba aurait aimé voir ça. Comme un prolongement de son œuvre, aurait-il dit. Autant que les islamistes au pouvoir et leurs sbires ont détesté voir Habiba Ghribi triomphante, parce que fruit honteux de l’œuvre de Bourguiba, disent-ils aussi. Mais ce qu’ils ont surtout détesté, c’est la joie de son corps et sa liberté.

Car c’est ce message là qu’Ennahdha et ses groupes satellitaires diffusent depuis des mois au plus profond de la société tunisienne, et dans les banlieues européennes, à des esprits prêts à y adhérer : la Tunisie est déjà islamiste, elle pratique la Charia, l’Islam politique y a déjà triomphé et toute contestation de cela de quelque sorte que ce soit, est un acte criminel portant atteinte à Dieu et à son Prophète. On élabore même des lois dans ce sens.

Et la victoire de Habiba est dans ce contexte un parfait acte de désobéissance civile et « religieuse ».

[Lire l’intégralité de l’article de Lotfi Achour publié dans Rue 89]
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