Murmures

4ème compte-rendu de tournée pour La fanfare des fous de Soeuf Elbadawi
août 2009 | Bilans d’événements culturels | Théâtre

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un spectacle sur la dépossession citoyenne – Etape IV : Ouani
Ouani, ville culturelle, a accueilli la compagnie O Mcezo* pour sa quatrième étape de tournée dans l’archipel avec La fanfare des fous, spectacle de Soeuf Elbadawi parlant de dépossession citoyenne. Entre deux barzangi, un tari et un deba de mariage traditionnel, la folle équipée a posé ses bagages à l’espace Shababi, situé non loin de la grande place (Msiroju) de cette cité carrefour du nkoma à Ndzuani, pour un stage consacré à de nouvelles pratiques théâtrales dans l’archipel.

« Ce stage était intéressant. Les amateurs de théâtre, les comédiens, ont pu profiter de l’expérience de la compagnie O Mcezo*. Ils ont découvert une manière différente, professionnelle, et efficace, de faire du théâtre » estime Salim Abdel-Kader, responsable de TV Ninga, et principal partenaire de la tournée O Mcezo* à Ouani. Les treize stagiaires inscrits au stage ont pris part, aux côtés des comédiens de la compagnie, au gungu la mcezo, théâtre de rue (boneso la ndzia) alliant tradition de tribunal populaire et modernité du happening artistique pour un théâtre mis au service de valeurs citoyennes. En l’occurrence, le « gunguïsé », ce jour-là, personnage de fiction, ligoté et traîné dans Ouani town, y compris en plein milieu du Panga, la vieille ville, incarnait le principe de suspicion, qui divise et détruit la communauté de vie, un principe qu’il « nous faut combattre pour mieux revivre ensemble » explique un des stagiaires.

Pour Mohamed Loutfi, bibliothécaire au Clac de Ouani, membre de l’organisation accueillant la compagnie O Mcezo* : « La jeune génération s’est posée des tas de questions par rapport au gungu. Les anciens, eux, avaient déjà leur petite idée sur cette pratique. Mais cette action théâtrale a été globalement bien perçue par tout le monde. Car nous l’avons fait pour dénoncer ceux qui sèment la zizanie et la suspicion dans la cité. D’habitude, on fait subir le gungu à une personne ayant commis un acte remettant la communauté de vie en cause. Avec ce gungu de théâtre, nous avons personnifié une idée. Nous avons pris un comédien pour incarner cette idée contre la suspicion et la zizanie. C’était nouveau et surprenant à la fois pour le public de Ouani ». Des travestis dans les rues pour signifier à tous la nécessité de lutter contre ceux qui mettent le mieux-vivre ensemble en péril. O Mcezo*, au lendemain de cette gungu performance, a aussi présenté La fanfare des fous devant un public fort curieux, bien que habitué à d’autres formes de spectacle vivant.

Pour Salim Abdel-Kader, ce public « a parfaitement adhéré à l’idée innovatrice d’avoir des acteurs qui s’expriment plus par le geste que par le discours. Pour une fois, il a accepté de garder le silence durant tout le spectacle afin de rendre ce qui était dit sur le plateau audible. D’habitude, il ne le fait pas. C’est donc une grande première pour un public plutôt habitué à écouter des discours amplifiés et relayés par les acteurs pendant plusieurs heures. L’unique reproche effectué par ce public à la compagnie repose sur la durée du spectacle [une heure dix environ]mais c’est normal pour un public qui découvre pour la première fois ce genre de spectacle ».

Pour Mohamed Loutfi, « le public a apprécié la pièce. Mon impression est que le message est bien passé, bien que certains mots de shiganzidja [variante dialectale de la langue shikomori]aient eu une valeur poétique parfois peu accessible pour le grand nombre ici. Je dirais que ça s’est au final bien passé. Nous qui recevions la compagnie, on nous pose beaucoup de questions à présent. La majorité des ouaniens a été séduite » par la proposition d’O Mcezo*. Salim Abdul-kader dit « Lycée » revient à son tour sur le fait que « le message transmis a été bien reçu par le public. Dans sa forme, dans le fond aussi, mais un peu moins dans les termes utilisés pour certains fragments du spectacle. Je veux dire que les idées sont bonnes, la manière de les transmettre, elle aussi, était excellente. Mais il y a des termes de shiganzidja qui ont été difficiles à comprendre pour le publicd’ici »

Mohamed Loutfi, lui, remarque qu’il s’agissait « d’un théâtre d’un type nouveau à Ouani. Les comédiens sont montés sur scène sans micros. Deuxièmement, les gens sont venus et n’ont pas vu de rideau de scène. Alors qu’ils en ont l’habitude. Troisièmement, la durée du spectacle a surpris. La pièce finie, les spectateurs ont refusé de se lever, sans doute parce qu’on n’aime pas voir se finir la bonne nourriture. A la fin du spectacle, les gens s’attendaient à ce que ça continue encore à jouer. Je pense que la compagnie devrait rallonger le temps du spectacle ». Venus découvrir le travail de la compagnie au stade de basket, à dix mètres d el’espace Shababi, les Ouaniens n’ont pas manqué de s’interroger sur la dynamique O Mcezo*. Pour Mohamed Loutfi : « Les gens ont bien saisi l’objet de ce projet. O Mcezo* est venue pour une action théâtrale au service de notre communauté, et au nom de certaines valeurs citoyennes ».

Par rapport aux échanges engrangés durant ces cinq jours passés à Ouani par la compagnie, Salim Abdoul Kader de TV Ninga pense pour sa part que « les Ouaniens en général, et en particulier, les familles qui ont reçu la troupe O Mcezo* s’estiment heureuses et honorées de les avoir parmi elles. Tout le mal qu’elles souhaitent à cette compagnie, c’est qu’elle réussisse à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée ». De son côté, Mohamed Loutfi trouve « géniale » cette idée « de traverser le pays, en rassemblant. Cela arrive uniquement avec nos hommes politiques. Une troupe qui se déplace dans l’archipel pour jouer, et sans rien de demander financièrement en retour aux gens qui l’accueille. Une troupe qui joue gracieusement pour les communautés chez qui elle s’invite, je trouve ce projet particulièrement intéressant, et je leur souhaite de bien poursuivre dans cette voie ».

Dimanche 16 août 09



prochaines dates après les étapes de Ntsudjini, de Fumbuni et Iconi à Ngazidja



du 16 août au 22 août 09 Mirontsy

du 21 août au 22 août 09 Mutsamudu
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