Murmures

Yinka Shonibare dans le splendide fatras monégasque
août 2010 | Divers | Arts plastiques | Monaco
Source : Le Monde du 12.08.10

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Une exposition éclectique savamment modelée par l’artiste anglo-nigérian
Lors de sa prise de fonctions de directrice nationale du Nouveau Musée National de Monaco (NMNM), en avril 2009, Mme Beaud s’est lancée dans l’exploration des collections dont elle a aujourd’hui la responsabilité. Ce qu’elle a découvert l’a fort étonnée.

Au fil des décennies s’étaient accumulés, par exemple, costumes de scène et rarissimes maquettes de décors de l’opéra de Monte Carlo ou encore des boîtes de dévotion, reliquaires et figures de cire en provenance de la collection Madeleine De Gale ; ou les tableaux « transparents » du marquis du Périer du Mouriez ; ou les dessins et gravures satiriques de Jean François Bosio, etc.

Mais comment faire pour montrer aux visiteurs ces collections remarquables et disparates ? Difficulté supplémentaire, la Villa Sauber, l’un des deux lieux du NMNM, est une grande maison de style balnéaire, plus élégante que conçue pour l’exposition. L’excellente idée a été de demander la solution à un artiste dont l’oeuvre donnait à espérer qu’il saurait que faire de robes de cantatrices, de bustes néoclassiques, de machineries optiques et de poupées de sainte Marie-Madeleine couchées parmi des fleurs de verre coloré. Yinka Shonibare est cet artiste.

Né à Londres en 1962, d’origine nigériane, Yinka Shonibare est celui qui, dans la génération des « Young British artists », apparus dans les années 1990) pose avec le plus d’acuité les questions de l’acculturation coloniale et des hybridations entre Afrique et Occident.

Il est aussi l’auteur en 2004 d’une vidéo, Un Ballo in Maschera, qui démontre son intérêt pour l’opéra de Verdi, les costumes somptueux, la chorégraphie et le cinéma. Elle est diffusée dans l’ultime salle du parcours, qu’il a conçu en associant ses propres créations au splendide fatras monégasque.
Le résultat est un modèle du genre, à cette précaution près qu’il faut une attention sans relâche pour comprendre comment Shonibare procède.

Les différentes salles sont finement conçues. Quand Shonibare met aux murs les photos en tenues d’époque de son Journal d’un dandy victorien, où il interprète un aristocrate noir adulé par courtisans et courtisanes blancs, l’allusion aux formes directes et indirectes du racisme est évidente, celle aux tableaux de moeurs de William Hogarth plus discrète, mais non moins aiguë.

Quand il présente son installation nommée La Méduse – un navire aux ailes de toile wax multicolores emporté par des vagues de verre dans une grande vitrine -, la partie se complique encore. Il faut y faire entrer l’histoire du naufrage de La Méduse au large de l’Afrique et Géricault pour son célébrissime Radeau, évidemment, mais encore l’opéra de Meyerbeer L’Africaine. Encore la liste des allusions est-elle probablement incomplète…

C’est pourquoi l’exposition est jubilatoire : elle entraîne son visiteur dans de longs labyrinthes de reflets, d’échos, de pastiches et de satires. Et cela sans qu’à aucun moment on puisse oublier que, sous ces formes élégantes et subtiles, persiste le plus cruel des sujets, la haine raciale.

Extraits de l’article de Philippe Dagen paru dans le Monde du 12.08.10.
Pour lire l’intégralité : http://www.lemonde.fr/culture/article/2010/08/12/yinka-shonibare-dans-le-splendide-fatras-monegasque_1398293_3246.html
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