Murmures

AFRICAN WOMEN IN CINEMA BLOG: Rahma Benhamou El Madani : « Je tente de renouer avec mes racines à travers mes films. »
janvier 2012 | Faits de société | Cinéma/TV | États-Unis

Français

propos recueillis par Beti Ellerson
Entretien, avec Rahma Benhamou El Madani, de Beti Ellerson

À travers ses films, Rahma Benhamou El Madani découvre et examine ses identités multiples. Son dernier film Tagnawittude lui a permis de redécouvrir aussi la musique gnawa et ses pratiques mystiques.


Rahma, vous avez une identité de multiples sources : l’Algérie, le Maroc et la France. Parlez-nous de vos origines et comment elles vous ont formées, influencées.

Je suis née en Algérie, dans un petit village près d’Oran. Mon père et ma mère sont marocains, ils se sont installés dans ce village, où est né aussi Marcel Cerdan d’ailleurs, où de nombreux fermiers colons vivaient de la vigne. Mes parents ont quitté le Maroc et leur Atlas pour passer la frontière et aller en Algérie. Mon père y allait souvent en tant que saisonnier. Tous leurs enfants sont nés dans ce village. Puis il y a eu l’indépendance, l’histoire du Sahara occidental et les frontières entre l’Algérie et le Maroc posaient problèmes, comme dans d’autres pays africains. Le conflit devint de plus en plus sérieux. En 1968 mon père quitta l’Algérie et arriva en France, en 1972 mes parents inquiets de la tournure de la situation, décident de quitter définitivement l’Algérie et nous nous installons en France où mon père travailla dans le vignoble encore une fois.

J’ai donc été coupée de mes racines marocaines et je découvrais le Maroc et l’Atlas à l’âge de 10 ans pendant les vacances d’été. Mes racines algériennes seront coupées douloureusement. Je tente de renouer avec ces racines à travers mes films.

J’ai mis beaucoup de temps à trouver cet équilibre car les anciens ne se rendent pas compte que leurs chemins nous façonnent et qu’ils doivent nous laisser des traces pour ne pas perdre la mémoire. C’est ce que je tente de retrouver, la mémoire de notre monde entremêlé l’un à l’autre. L’histoire du Maroc, de l’Algérie et aussi de la France dans son rapport à ces deux pays.

Vos formations et intérêts sont aussi divers ! Études de Sciences du langage, la radio, et puis le cinéma, ont-ils des points de convergences? Comment êtes-vous arrivée au cinéma par ce chemin?

Du plus loin que je me souvienne, on va dire que mon envie de raconter a été importante. J’ai fait un passage en Sciences du langage en vue de me présenter à l’école de journalisme… et un stage à l’AFP grâce au rédacteur en chef qui m’avait prise sous son aile, et originaire d’Algérie également, m’a convaincue de faire des sujets en prenant mon temps… J’ai donc choisi de faire du terrain plutôt que de passer par une école. J’ai vraiment choisi la voie la plus difficile… Je ne savais pas encore que je me dirigeais vers le cinéma, il me semblait bien difficile d’y accéder pour plusieurs raisons. Je menais mes études tout en m’essayant à la radio et aux débats politiques, aux émissions musicales et aux interviews… mon expérience radiophonique pris fin lorsque j’ai commencé à mener des sortes de documentaires radiophoniques. L’écriture avait déjà beaucoup de place dans ma vie. Et à l’époque les caméras étaient lourdes, ce qui fait que lorsque je me renseignais sur les formations liées à l’image aux Beaux arts ou bien à l’AFPA (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes), je comprenais bien que ce poste était réservé aux hommes. Je pratiquais, à ce moment-là, la photographie à défaut d’image animée. Le cadrage est entré dans ma vie par le biais de la photo.

Puis la vie a fait que j’ai quitté avec mon compagnon ma région Bordelaise pour Lille.

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English

by Beti Ellerson
Interview with Rahma Benhamou El Madani and translation from French to English by Beti Ellerson.

Through her films, Rahma Benhamou El Madani discovers and examines her multiple identities. Her latest film Tagnawittude also allows her to rediscover gnawa music and its mystical practices.


Rahma, your identity is of multiple origins: Algeria, Morocco and France. Tell us about your background and how it has formed and influenced you.

I was born in Algeria, in a small village near Oran. My father and mother are Moroccan, they settled in this village, which is where Marcel Cerdan* was born in fact, where many colonial farmers lived from the produce of the vineyard. My parents left Morocco and the Atlas to cross the border to Algeria, my father often went there as a seasonal worker. All their children were born in this village. Then at independence, there was the conflict between Western Sahara regarding the borders between Algeria and Morocco, as has been the case in other African countries. The conflict became more and more serious. In 1968 my father left Algeria and went to France. In 1972, worried about the turn of events, my parents decided to leave Algeria definitively and we settled in France, where my father again worked in the vineyards.

So, cut off from my Moroccan roots, I discovered Morocco and the Atlas at ten years old during the summer holidays. My Algerian roots have been painfully severed. I try to reconnect with these roots through my films.

It took me a long time to find this equilibrium because the elders do not realise that their paths shape us and that they must leave traces for us, so that these memories are not lost. This is what I try to find again, the memory of our world intertwined with each other. The history of Morocco, of Algeria and also of France as it relates to these two countries.

Your training and interests are just as diverse! Language sciences, radio broadcasting and then cinema, do they have points of convergence? How did you come to cinema by this trajectory?

As far back as I can remember storytelling was important to me. I did a stint in language sciences with the idea of studying journalism… and an internship with AFP (Agence France Presse) thanks to a chief editor, also from Algeria, who took me under his wing, and convinced me to take my time with my subjects… So I chose to learn by working in the field rather than through school. I definitely chose the more difficult path… I did not know yet that I was heading toward cinema, it seemed particularly difficult to access for several reasons. I continued my studies while trying my hand at radio broadcasting-with political debates, music programs and radio interviews… my experience ended when I started to conduct a variety of radio documentaries. Writing was already very present in my life. And at the time cameras were heavy, so that when I was looking for information about courses related to the image at Fine Arts schools, or the AFPA (National Association for Adult Vocational Training), I realised that the curriculum was reserved for men. At the time, I did photography in the absence of the moving picture. Hence, cinema came into my life through photography.

Then life had it that with my companion, I left Bordeaux for Lille.

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