Murmures

Laurent Ruquier, Christine Angot et la minimisation de l’esclavage
juin 2019 | Faits de société | Histoire/société | France
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Christine Angot a tenu de graves propos minimisant la traite des noirs, reprenant un argument central des suprémacistes blancs. Plutôt que de s’excuser d’avoir diffusé cet extrait, Laurent Ruquier a attaqué ceux qui remettaient en cause sa collaboratrice. Une occasion ratée d’éduquer le public sur un crime contre l’humanité trop souvent minimisé.

On mettra cela sur le coup de l’ignorance et de la stupidité passagère. Au cours d’un échange avec Franz-Olivier Giesbert, à propos de la Shoah, Christine Angot a tenu à préciser que :

« Le but avec les juifs pendant la guerre, ça a bien été de les exterminer, de les tuer, et ça introduit une différence fondamentale, alors qu’on veut confondre avec par exemple l’esclavage et l’esclavage des Noirs envoyés aux États-Unis ou ailleurs, et où c’était exactement le contraire. C’est-à-dire l’idée c’était qu’ils soient en pleine forme [« Qu’ils soient en bonne santé, oui », insiste Franz-Olivier Giesbert], en bonne santé pour pouvoir les vendre et pour qu’ils soient commercialisables.  »

Personne ne bronche sur le plateau, et l’extrait sera conservé en postproduction.

Sans rentrer dans le débat sur la pertinence (ou non) de la hiérarchisation des crimes contre l’humanité, l’autre aspect stupéfiant de ce propos est qu’il reproduit l’argument central des suprémacistes blancs et autres amis du KKK pour minimiser l’horreur de l’esclavage. Selon eux, les noirs étaient « bien nourris » car ils représentaient une valeur marchande, puis « biens traités » dans les plantations où ils étaient logés et nourris par des propriétaires « paternalistes et bienveillants  ».

Ce révisionnisme historique ancré dans le plus pur racisme ignore superbement les faits.

Sur la nature de la traite des noirs d’abord
, on citera les travaux de l’historien Marcus Rediker qui décrit le phénomène dans son livre «  À bord du négrier » (1). Il explicite les conditions sur les bateaux, loin de «  l’idée, c’était qu’ils soient en pleine forme » affirmés par Mme Angot, mais « une relation fondée sur l’ingestion forcée de nourriture, les coups de fouet, la violence à tout bout de champ et le viol des femmes« . Marquage au fer rouge, torture, supplices et humiliations s’ajoutaient à des conditions de transport inhumaines, parfois 16 heures de suite assis dans une position tortionnaire, enchainés à plusieurs et parqués en cales au milieu du vomi et des excréments, soumis au travail forcé, nu et maintenu dans un univers « concentrationnaire« , « le navire n’était lui-même qu’une machine diabolique, une sorte de gigantesque instrument de torture ».

La traite c’est d’abord 1,8 million de décès en mer, 10,6 millions de captifs envoyés au Nouveau Monde, dont 1,6 million meurent la première année dans des camps de travail forcé, sans compter toutes les victimes sur le sol africain lors des rapts. L’idée n’était certainement pas de prendre soin des noirs. 5 millions d’entre eux périrent du seul fait du commerce triangulaire.

Si l’horreur de la traite négrière reste solidement ancrée dans les consciences (mis à part celle de Christine Angot, FOG et par extension l’équipe de ONPC et Laurent Ruquier visiblement), l’autre aspect de l’esclavage demeure moins connu.

LIRE L’INTEGRALITE : https://blogs.mediapart.fr/lonesome-cowboy/blog/030619/laurent-ruquier-christine-angot-et-la-minimisation-de-l-esclavage
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